Une clause unique de réversibilité des données pour les legal tech et directions juridiques

Une clause unique de réversibilité des données pour les legal tech et directions juridiques

15.05.2024

Gestion d'entreprise

Elle était attendue. Depuis le 23 avril dernier, directions juridiques et legal tech ont la possibilité d’insérer une clause unique de réversibilité des données au sein de leurs contrats.

« Le projet "One clause" est l’une des premières initiatives qui a un résultat concret et tangible dans la vie des juristes », déclare Emilie Calame, CEO de Calame, une société spécialisée en legal operations, quelques jours après l’adoption d’une clause unique sur la réversibilité des données. Initié en mai 2023, le projet avait pour ambition de faire entendre la voix des legal tech et des directions juridiques sur l’adoption d’une clause visant à faciliter la vie des juristes lorsqu’ils souhaitent changer de prestataire informatique.

« Une clause point de départ »

Alors, comment utiliser la clause ? Le modèle rédigé par le cabinet d’avocat A&O Shearman est « un bon standard », « une clause point de départ », selon Laurie-Anne Ancenys, avocate associée. Pour autant, « nous ne pouvions pas prévoir le détail de la clause », ajoute Chama Laraki, consultante pour le cabinet. En effet, pour assurer neutralité et liberté contractuelle, la clause peut « soit être amendée en référence aux annexes, soit par ce qui a été prévu entre crochets au sein du modèle », précise cette dernière. Mais parmi les éléments incontournables de la clause figurent la définition des données concernées par la réversibilité, le format sous lequel elles sont récupérées et leur exploitabilité. Il s’agit, selon Carmen Briceno, directrice juridique et conformité du groupe Raja, des dispositions « qui ont été les plus importantes à négocier ».

Quant à la modification éventuelle de la clause, les portes ne sont pas fermées. « Nous attendons les premiers retours », précise Emilie Calame. « Toute clause a vocation à être évolutive et nous l’adapterons bien évidemment si nécessaire par la voie d’amendement ». 

Gestion d'entreprise

La gestion d’entreprise constitue l’essentiel de l’activité d’un dirigeant d’entreprise. Elle fait appel à un grand nombre de notions empruntées de la comptabilité, de la finance (gestion des risques au moyen de la gestion des actifs et des assurances professionnelles), du droit des affaires (statut juridique, contrats commerciaux, fiscalité, cadre réglementaire et légal de l’activité), de la gestion de ressources humaines...

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« Un travail de pédagogie »

A la question de savoir s’il y a eu des conflits ou des résistances au cours des négociations, la réponse est négative. « C’était un vrai travail de pédagogie et non pas un rapport de force, ni un bras de fer », déclare Emilie Calame. Ainsi, tout au long des négociations, legal tech et directions juridiques ont fait l’effort de se comprendre. « Les difficultés techniques sont difficilement envisageables ou envisagées par les juristes, ce qui est notamment le cas des modalités d’exportations, c’est pourquoi les sessions de travail pédagogiques étaient si importantes », explique la CEO.

En effet, la question du format de restitution des données a longuement été discutée. « Chaque legal tech a des problématiques différentes », explique Inès Hamy, co-fondatrice de Octolo, une plateforme visant à la digitalisation de la gouvernance juridique. « Les modalités d’exports ne sont pas les mêmes chez tous les prestataires ». Toutefois, afin de faciliter la compréhension de tous, le cabinet A&O Shearman a défini deux modèles de restitutions : « un export permettant aux clients de se connecter pour récupérer leurs données de manière automatique et la migration des données à la demande du client de façon ad hoc, auprès du prestataire qui, au contraire, peut supposer dans certains cas un travail additionnel, d’adaptation et de transformation de la donnée pour qu’elle soit exploitable par un autre prestataire », souligne Laurie-Anne Ancenys.

Une démarche proactive des legal tech

Si les directions juridiques sont encouragées à utiliser ce modèle, les legal tech doivent les devancer. « Il s’agit d’un opt-in volontaire », souligne Emilie Calame. « Il revient aux legal tech vertueuses d’opérer une démarche proactive auprès des directions juridiques et non pas à ces dernières de le faire ». Un avis partagé par Inès Hamy. « Depuis le départ, nous accordons une importance particulière à insérer une clause de réversibilité dans nos contrats », précise-t-elle. « Nous n’avons donc pas corrigé notre fonctionnement mais nous avons modifié nos contrats et amélioré nos procédures depuis l’adoption de la clause. » La legal tech va même plus loin. « Nous faisons du lobbying pour que nos clients poussent la clause chez d’autres prestataires », précise Inès Hamy.

Vers la standardisation des clauses de cybersécurité et d’IA ?

Après le succès de la clause de réversibilité, les participants ne comptent pas s’arrêter en si bon chemin. « En dernière séance, nous avons abordé les sujets de cybersécurité », annonce Emilie Calame. « La sécurité est un enjeu majeur au vu de la multitude d’incidents », précise Laurie-Anne Ancenys. « Si nous parvenons à un socle minimum, ce serait une belle évolution pour les acteurs autour de la table », ajoute l’avocate. Un avis partagé par Carmen Briceno pour qui la standardisation ferait également gagner du temps sur la contractualisation : « chaque société a sa propre charte des prérequis informatiques. Les guide de la CNIL est une bonne base pour créer des standards à utiliser. ».

Autre projet : créer une clause unique relative à l’intelligence artificielle. Toutefois, Emilie Calame se veut plus prudente. « La législation est récente, les premiers contentieux émergent aux Etats-Unis et les précontentieux en France. Nous voulons prendre du recul avant de créer un groupe de travail sur ces sujets qui aboutiraient à une autre clause standard ». Même constat pour Inès Hamy qui considère par ailleurs que chaque prestataire doit d’abord avancer sur ses solutions avant d’avoir la matière pour constituer un nouvel atelier sur les recours à l'IA. 

Joséphine Bonnardot
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