Le télétravail implique d'imaginer des modes distanciels de contrôle de l'activité. Mais où s'arrête le pouvoir de contrôle de l'employeur, lorsque le salarié travaille depuis chez lui au moyen d'outils numériques ? Nicolas Mancret, avocat associé du cabinet Jeantet, fait le point sur les règles à respecter en matière de droit disciplinaire.
Loin des yeux, loin de la sanction ? Après une année chamboulée par les mesures sanitaires en entreprise, l'exercice du pouvoir de direction de l'employeur sur des salariés en télétravail continue de susciter des questions. D'abord parce que les procédures - convocation à un entretien préalable, assistance du salarié... - doivent être adaptées pour être mises en oeuvre à distance. Ensuite parce que sanctionner à distance implique de pouvoir contrôler l'activité du salarié. Enfin, parce que prouver la faute du salarié revient à manier avec précaution les données personnelles collectées via les outils informatiques.
Gestion du personnel
La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :
- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.
Autant de questions qui trouvent pourtant facilement leurs réponses... dans le droit du travail. Selon l'avocat Nicolas Mancret, associé au pôle social du cabinet Jeantet, les règles applicables en temps de Covid-19 ne sont finalement pas différentes de celles qui s'appliquaient déjà.
Dans les échanges écrits, par email par exemple, le principe est posé clairement depuis les années 2000. "Dès lors que les échanges ont lieu sur un matériel professionnel - la messagerie professionnelle par exemple, ou un téléphone portable professionnel - ils sont présumés être de nature professionnelle. Si le salarié ne les a pas spécifiquement définis comme "personnels" ou "privés", l'employeur peut en prendre connaissance, et potentiellement s'en servir comme base d'une sanction".
La règle est plus complexe s'agissant de la voix et de l'image. "Il est impossible d'enregistrer une conversation à l'insu des personnes. Cela signifie qu'une conversation via Teams ou Zoom ne peut pas être captée ou enregistrée à l'insu du salarié, et encore moins devenir un moyen de sanction. Seules certaines activités strictement réglementées l'autorisent, par exemple pour les traders dont les conversations téléphoniques sont enregistrées pour suivre les éventuelles erreurs. De telles exceptions doivent être mentionnées dans le contrat de travail et avoir fait l'objet d'une information-consultation du CSE."
L'employeur a-t-il des moyens de contrôler à distance le temps de travail des salariés ? Là encore, la règle demeure : pas de contrôle sans information des salariés. "Il y a quelques années, on considérait les horaires de badgeage comme un moyen de preuve pertinent pour mesurer le temps de travail, indique Nicolas Mancret. Les juges de la Cour de cassation ont souhaité mettre fin à cette pratique. La jurisprudence indique désormais que l'employeur ne peut pas utiliser les données de connexion ou de badgeage pour contrôler le temps de travail s'il n'a pas averti les salariés que le système informatique pouvait être utilisé à cette fin. Si cette information n'a pas été donnée aux salariés, le mode de preuve sera irrecevable."
En bref, c'est la loyauté qui doit guider les mesures de contrôle. Tous les moyens de preuve sont recevables à condition de ne pas être déloyaux, et que salariés et CSE aient été informés et consultés préalablement.
Nicolas Mancret conseille aux entreprises d'agir dans la transparence. "Il faut fixer les règles du jeu en amont, notamment afin de contrôler la charge de travail des salariés. Système autodéclaratif, contrôle du temps de connexion, charte de déconnexion... Certaines entreprises mettent en oeuvre des mesures afin que les salariés ne puissent pas se connecter entre 21h et 7h par exemple."
"La solution n'est pas l'opposition entre le salarié et l'employeur. Le débat doit être posé de manière collective, en associant élus et partenaires sociaux. Le contrôle de l'activité est et doit rester un sujet de management global, qui ne doit pas simplement être vu comme sous l'angle disciplinaire. Il peut notamment servir à prévenir la survenance de risques psychosociaux chez les salariés."
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