Une loi pour booster le parc nucléaire

27.06.2023

Immobilier

Mise en compatibilité forcée des SCOT, PLU et cartes communales, dispense d'autorisation d'urbanisme, entorse à la loi Littoral... la loi du 22 juin 2023 multiplie les dérogations pour faciliter l'implantation de réacteurs électronucléaires à proximité des sites existants.

Dans un contexte de relance de l’énergie nucléaire, la loi n° 2023-491 du 22 juin 2023 a pour objectif de simplifier et d’accélérer la mise en œuvre de projets de construction de nouveaux réacteurs électronucléaires en France, à proximité immédiate ou à l’intérieur du périmètre de sites nucléaires existants.

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La gestion immobilière regroupe un ensemble de concepts juridiques et financiers appliqués aux immeubles (au sens juridique du terme). La gestion immobilière se rapproche de la gestion d’entreprise dans la mesure où les investissements réalisés vont générer des revenus, différents lois et règlements issus de domaines variés du droit venant s’appliquer selon les opérations envisagées.

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Le texte institue une procédure spécifique de mise en compatibilité des documents d’urbanisme, afin de limiter la durée inhérente aux procédures de droit commun, et simplifie les régimes d'autorisations de ces projets tout en maintenant l'exigibilité de la taxe d'aménagement.

Remarque : le Conseil constitutionnel a censuré de nombreuses dispositions de cette loi qui ne présentaient pas de lien, même indirect, avec le projet de loi initial (articles 3, 4, 9 paragraphe III, 17, 19, 24 à 27 et 29). En revanche, il a déclaré conformes à la Constitution les autres dispositions dont il était saisi, notamment les articles 8 paragraphe II, 9 paragraphe I alinéas 2 et 3, 13 paragraphe I, ainsi que les articles 14 et 15 (Cons. const., Déc. n° 2023-851 DC, 21 juin 2023.

Deux autres mesures dérogatoires méritent d'être soulignées. A l'heure où le Parlement vote une loi visant à faciliter la mise oeuvre des objectifs  ZAN, la loi du 22 juin exclut l'artificialisation des sols ou la consommation d'espaces naturels, agricoles ou forestiers résultant de la réalisation de réacteurs électronucléaires du calcul local de l'objectif ZAN. Ils ne seront pas comptabilisés pour évaluer l'atteinte des objectifs de réduction de l'artificialisation intégrés aux SRADDET, SCOT et PLU, en application de l'article 194 de la loi du 22 août 2021. Ils figureront dans un compte à part, au titre des grands projets d'envergure national (L., art 9, IV).

La loi du 22 juin permet également l'application de la procédure d'expropriation d'extrême urgence, prévue aux articles L. 522-1 à L. 522-4 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique. Elle autorise ainsi la prise de possession immédiate, par le bénéficiaire de la déclaration d'utilité publique, de tous les immeubles bâtis ou non bâtis dont l'acquisition est nécessaire à la réalisation d'un réacteur électronucléaire (L., art. 15).

La mise en compatibilité forcée des documents d'urbanisme

Une procédure pilotée par l'État, jugée conforme

L'article 8 de la loi institue une procédure spécifique de mise en compatibilité des documents d’urbanisme (PLU, SCOT, cartes communales) pour la réalisation d’un réacteur électronucléaire, dans le but de réduire les délais inhérents aux procédures de droit commun (elle devrait durer 7 à 8 mois, soit 7 mois de moins). Parmi les procédures existantes figure la qualification d’un projet en tant que « projet d’intérêt général » (PIG). 

La nouvelle procédure en constitue une variante, avec des dérogations ciblées. Elle a vocation à s'appliquer pour une durée limitée et pour un nombre réduit de projets.

Elle prévoit que la déclaration d’intérêt général du projet sera décidée par décret en Conseil d’État (et non par un arrêté préfectoral). Toutefois, la qualification du PIG ne pourra intervenir qu'après avoir tiré les enseignements de la consultation du public organisée par la Commission nationale du débat public (CNDP), en application de l'article L. 121-8 du code de l'environnement. La déclaration d'utilité publique (DUP) d'un projet de réalisation d'un réacteur électronucléaire emportera sa qualification de PIG.

Remarque : la prise d’un décret en Conseil d’État pour le PIG a pour effet de raccourcir les délais de recours contentieux et du contentieux global, le Conseil d’État statuant en premier et dernier ressort. 

La mise en compatibilité des documents d’urbanisme sera alors pilotée par l’État et la modification consécutive de ces documents approuvée par décret. 

Cette procédure se substitue au régime de droit commun, qui laisse un délai aux établissements publics compétents en matière d’urbanisme ou aux communes, selon le cas, pour procéder à la mise en compatibilité, l’État n’intervenant qu’en cas d’absence de diligence de ces derniers. Le Conseil d’État a considéré que cette nouvelle procédure, qui maintient une instruction conjointe des projets par l’État et les autorités compétentes en matière d’urbanisme, ne portait pas à la libre administration des collectivités territoriales une atteinte excessive au regard de l’objectif d’intérêt général poursuivi, bien que le gain de temps attendu ne puisse être évalué avec certitude (Avis CE, n°405769, 27 oct. 2022). De son côté le Conseil constitutionnel a écarté le grief et jugé que le dispositif ne méconnaissait aucune autre exigence constitutionnelle. D'une part, la mise en compatibilité des documents d'urbanisme ne peut porter que sur les dispositions des documents dont la modification est nécessaire pour permettre la réalisation d'un réacteur électronucléaire qui ne peut être implanté qu'à proximité immédiate ou à l'intérieur du périmètre d'une installation nucléaire de base existante. D'autre part, informée de la nécessité de la mise en compatibilité, de ses motifs et des modifications nécessaires, la commune peut présenter des observations sur les modifications envisagées puis participer à l'examen conjoint avec l'État (Cons. const. Déc. n° 2023-851 DC, 21 juin 2023).

Évaluation environnementale et participation du public

Le projet fait l’objet d’une procédure d’évaluation environnementale, le cas échéant, puis d’une procédure de participation du public, dans les conditions du droit commun. 

L'autorité administrative compétente de l'État procède à l'analyse des incidences notables sur l'environnement du projet de mise en compatibilité et transmet le dossier à la formation d'autorité environnementale de l'inspection générale de l'environnement et du développement durable. L'avis de l'autorité environnementale ou sa décision de ne pas soumettre le projet à évaluation environnementale est transmis à l'établissement public ou à la commune. Le projet de mise en compatibilité fait ensuite l'objet d'un examen conjoint (État, établissement public ou commune et personnes publiques mentionnées aux articles L. 132-7 à L. 132-9 du code de l'urbanisme).

Si le projet est soumis à évaluation environnementale, le projet de mise en compatibilité est soumis à la procédure de participation du public par voie électronique prévue à l'article L. 123-19 du code de l'environnement.

Lorsqu'il ne fait pas l'objet d'une évaluation environnementale, le projet de mise en compatibilité, l'exposé de ses motifs et, le cas échéant, les avis émis par l'établissement public ou la commune, les personnes publiques associées et les autres instances consultées sont mis à la disposition du public pendant une durée d'un mois, dans des conditions lui permettant de formuler ses observations. Celles-ci sont enregistrées et conservées. Les modalités de la mise à la disposition du public seront précisées par arrêté et portées à la connaissance du public au moins 10 jours avant le début de cette mise à disposition.

Puis, l'autorité administrative compétente présente le bilan de la procédure devant l'organe délibérant de l'établissement public ou de la commune qui rend un avis sur le projet de mise en compatibilité (il est réputé favorable s'il n'est pas émis dans un délai d'un mois). Le projet de mise en compatibilité est alors adopté par décret.

Remarque : lorsque sa mise en compatibilité est requise pour permettre la réalisation d'un tel PIG, le SCOT, le PLU ou la carte communale ne peut pas faire l'objet d'une modification ou d'une révision portant sur les dispositions faisant l'objet de la mise en compatibilité.

L’implantation des réacteurs au cœur du dispositif

Des travaux dispensés d’autorisation d’urbanisme

Afin d’alléger les formalités administratives et de limiter les difficultés liées à l’articulation entre des régimes d’autorisation relevant de différentes législations, l’article 9 de la loi prévoit que les constructions, les aménagements, les installations et les travaux liés à la réalisation d'un réacteur électronucléaire seront exonérés de toute formalité au titre du code de l'urbanisme.

Remarque : le code de l’urbanisme prévoit d’ores et déjà une dérogation au bénéfice des projets d’installations nucléaires. Ainsi, lorsqu’un tel projet fait l’objet d’une autorisation de création au titre du code de l’environnement, le porteur de projet est dispensé de déclaration préalable de permis d’aménager pour les travaux d’affouillement ou d’exhaussement du sol (C. envir., art. L. 593-7, I, al. 1er ; C. urb., art. R. 425-27).

Cependant, cette dispense d’autorisation n’a pas pour objet de permettre à ces projets de déroger aux règles applicables en matière d’urbanisme. En ce sens, la loi précise explicitement que la réalisation d'un réacteur électronucléaire doit être conforme aux dispositions législatives et réglementaires relatives à l'utilisation des sols, à l'implantation, à la destination, à la nature, à l'architecture, aux dimensions et à l'assainissement des constructions et à l'aménagement de leurs abords. Le contrôle de conformité, qui s’effectue d’ordinaire dans le cadre de la délivrance des autorisations d’urbanisme, sera réalisé lors de l’instruction des demandes d’autorisation environnementale ou d’autorisation de création du réacteur. A cette occasion, l’autorité administrative compétente pour délivrer ces autorisations pourra, le cas échéant, déterminer les prescriptions nécessaires pour assurer le respect des dispositions du code de l’urbanisme.

En outre, ces projets sont soumis aux règles de sanctions et de contrôles des infractions aux règles d’urbanisme, prévues par les articles L. 480-1 à L. 481-3 du code de l’urbanisme, dans les conditions similaires à celles applicables aux autres constructions, aménagements, installations et travaux dispensés de permis ou de déclaration préalable.

Une installation facilitée sur le littoral

Dans la continuité des aménagements apportés par la loi n°2023-175 du 10 mars 2023 relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables au bénéfice notamment des ouvrages souterrains de transport d’électricité, la loi du 22 juin 2023 lève les obstacles que pose la loi Littoral à la construction de réacteurs électronucléaires.

Selon l’étude d’impact annexée au projet de loi, la réalisation des objectifs fixés par le Président de la République en matière de transition et d’indépendance énergétique nécessite la création, sur les côtes françaises, de nouveaux réacteurs dont l’implantation est rendue complexe par la nécessité de concilier, d’une part, une proximité du rivage pour le refroidissement des réacteurs, d’autre part, un éloignement des zones d’habitation pour des raisons de sécurité. Afin de ne pas ajouter de difficultés supplémentaires d’ordre juridique, l’article 13 de la loi prévoit que la réalisation d'un réacteur électronucléaire ainsi que les constructions, les aménagements, les équipements, les installations et les travaux liés à son exploitation ne soient pas soumis aux dispositions de la loi Littoral (L., art. 13, I).

Ce dispositif est complété par une « clause de revoyure » imposant au Gouvernement de fournir périodiquement au Parlement un rapport évaluant les possibilités financières et techniques d’une évolution du cadre législatif et réglementaire. Remis tous les 4 ans, ce rapport devra détailler les dispositions prévues par les exploitants des réacteurs et par le gestionnaire du réseau public de transport d'électricité pour faciliter et pour encourager l'enfouissement des infrastructures de transport d'électricité.

Remarque : la loi facilite également la conclusion d’une concession d’utilisation du domaine public maritime nécessaire à la construction de nouveaux réacteurs nucléaires et aux ouvrages de raccordement au réseau public de transport d’électricité. Par dérogation à l'article L. 2124-2 du CGPPP, ces concessions sont délivrées à l’issue d’une enquête publique, sans déclaration d’utilité publique préalable. Toutefois, l’exploitant devra s’engager à respecter un cahier des charges déterminant les conditions générales et spécifiques relatives à l’occupation et l’utilisation du domaine public maritime (L., art. 14).

Remarque : 

Pas de dispense pour le paiement de la taxe d’aménagement

La dispense d’autorisation d’urbanisme prévue par l’aticle 9, I, de la loi du 22 juin 2022 pour la construction d’un réacteur électronucléaire et des équipements et installations nécessaires à son exploitation, au sens de l’article L. 593-3 du code de l’environnement, ainsi que pour les travaux préalables nécessaires à cette construction a nécessité la mise en place d’un régime dérogatoire concernant l’assujettissement de ces opérations à la taxe d’aménagement (TA), puisque celle-ci est normalement liée à une autorisation d’urbanisme (L., art. 9, II). La loi soumet donc expressément ces opérations à la TA, ainsi qu’à la taxe d’archéologie préventive et précise que c’est l’exploitant du réacteur électronucléaire qui en est le redevable.

Par dérogation aux règles de droit commun (CGI, art. 1635 quater F), le fait générateur de la taxe est constitué par :

  • l'autorisation de création du réacteur électronucléaire en application de l'article L. 593-7 du code de l'environnement,

  • ou l'autorisation environnementale accordée aux constructions, aménagements, installations et travaux pouvant être exécutés avant la délivrance de cette autorisation, dès lors que leur conformité aux règles d'urbanisme aura été vérifiée dans le cadre de l’instruction de cette autorisation.

Toujours à titre dérogatoire, la déclaration des éléments nécessaires à l'établissement des acomptes de TA devra intervenir avant le 7e mois suivant le fait générateur ainsi défini.

Par ailleurs, les règles relatives aux exonérations, aux abattements, aux valeurs par m2 et au taux de la TA seront celles en vigueur à la date de ce fait générateur.

Remarque : un décret en Conseil d’État précisera les conditions d’application de ces règles en cas de modification du projet postérieure à la délivrance de l’autorisation.

C’est à compter de ce même fait générateur que courront les délais des 9e et 18 e mois pour le versement des acomptes sur la TA prévus par l’article 1679 nonies du CGI en cas de constructions d'une surface supérieure ou égale à 5 000 m2.

Enfin, la demande de rescrit prévue au 13° de l'article L. 80 B du LPF, devra être effectuée avant le dépôt de l'autorisation environnementale ou de la décision d’autorisation de création du réacteur électronucléaire.

Laurence GUITTARD, Olivier CORMIER et Marie-Christine PELRAS , Dictionnaire Permanent Construction urbanisme
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