Une nouvelle stratégie européenne pour la biodiversité
28.05.2020
Environnement

La Commission européenne propose un panel de mesures, pour certaines contraignantes, en vue d'enrayer l'appauvrissement de la biodiversité en Europe, notamment par la protection de 30 % des surfaces terrestres et marines et la restauration d'écosystèmes et de cours d'eau dégradés.
La commission européenne a adopté une nouvelle stratégie en faveur de la biodiversité, simultanément à une autre consacrée à la mise en place d'un système alimentaire juste, sain et respectueux de l'environnement (v. notre actualité "De la ferme à la fourchette : la stratégie européenne est adoptée" du 22 mai 2020). Cette stratégie s'inscrit dans le cadre du pacte vert pour l'Europe adopté fin 2019 (v. notre actualité "La Commission européenne présente son Pacte vert pour l'Europe" du 16 décembre 2019) et doit contribuer aux travaux de la 15e conférence des parties à la convention sur la diversité biologique prévue pour 2021 avec une ambition : que d’ici 2050, tous les écosystèmes dans le monde soient restaurés, résilients et suffisamment protégés.
Environnement
La mise en place d’une stratégie environnementale cohérente s’impose de plus en plus aux entreprises du fait de la complexité de la législation pour la protection de l’environnement et de la multiplicité des réformes. En effet, de nombreuses lois et réglementations ont récemment impacté les activités économiques (autorisation environnementale, concernant notamment les ICPE, loi de transition énergétique, loi biodiversité)
Cette stratégie propose des actions et des engagements en vue d'enrayer l'érosion de la biodiversité, favoriser une relance verte de l'économie et renforcer la résilience des sociétés face aux pandémies et de futures menaces telles que les effets du changement climatique, les incendies de forêt, ou l'apparition de maladies, notamment en luttant pour la protection des espèces sauvages et contre leur commerce. Cette stratégie fera l'objet d'un vaste débat public et d'une approbation par le Parlement européen et le Conseil.
La stratégie version 2020 faite suite à la précédente adoptée en 2011. Hélas, celle-ci n'avait pas réussi à tenir ses principaux objectifs dont celui d'enrayer la perte de biodiversité ou de restaurer 15 % des habitats dégradés d’ici 2020, tout comme la 1ère stratégie adoptée en 2006 qui s'était également soldée par un échec dans ses résultats.
Selon les dernières évaluations de la Commission européennes (chiffres pour 2015), qui ne concernent que les sites Natura 2000 de l'UE, 77 % des habitats d'intérêt communautaire sont en mauvais état de conservation, tout comme 60 % des espèces (hors oiseaux : 32 %). Les pertes liées aux services écosystémiques sont également importantes : le monde a ainsi perdu entre 3,5 et 18,5 milliards d'euros par an entre 1997 à 2011 en raison de modifications des surfaces terrestres et entre 5,5 et 10,5 milliards d'euros par an en raison de la dégradation des terres.
A l'inverse, la Commission souligne l'intérêt que peut avoir la préservation des écosystèmes en termes :
- financiers : le capital naturel fournit des ressources essentielles pour l'industrie et l'agriculture ;
- de sécurité et de sûreté : la perte de ressources naturelles, en particulier dans les pays en développement, peut conduire à des conflits et accroître partout la vulnérabilité aux catastrophes naturelles ;
- de sécurité alimentaire : les plantes, les animaux, y compris les pollinisateurs et les organismes du sol, jouent un notre système alimentaire ;
- de santé : la destruction de la nature augmente le risque et réduit notre résilience maladies. La nature a également un effet bénéfique sur la santé mentale et le bien-être des gens ;
- d'équité : la perte de biodiversité nuit surtout aux plus pauvres, aggravant les inégalités ;
- un problème intergénérationnel : nous volons à nos descendants les bases d'une vie épanouie.
Cette nouvelle version sera-t-elle vouée également à l'échec ? Pas si sûr, compte tenu d'objectifs chiffrés voulus contraignants par la Commission et des financements plutôt importants. La Commission réexaminera en outre sa stratégie à mi-parcours d'ici 2024, afin d'évaluer les progrès accomplis et déterminer si des mesures supplémentaires sont nécessaires pour atteindre les objectifs fixés.
La Commission se fixe un objectif exigeant : celui de placer 30 % de surfaces terrestres et maritimes de l'UE en zones protégées efficacement gérées. Cela représente un minimum de 4 % supplémentaires pour les zones terrestres et de 19 % pour les zones marines par rapport à aujourd’hui. Cet objectif est conforme à ce qui est proposé dans le cadre mondial pour la biodiversité pour l'après 2020.
Par ailleurs, il est également prévu qu'au moins un tiers des zones protégées, soit 10 % des terres et 10 % des mers de l’Union, soient strictement protégées, ce qui est conforme à l’ambition globale proposée. À ce jour, seulement 3 % des terres et moins de 1 % des zones marines sont strictement protégées dans l’UE.
Ces deux objectifs seront remplis, d'une part, avec la création de nouveaux sites Natura 2000, en complétant le réseau, d'autre part, par la désignation de nouveaux sites Natura 2000, soit par la création de régimes de protection nationaux. La mise en place de corridors écologiques est également prévue. Toutes les zones protégées devront faire l’objet de mesures et d’objectifs de conservation clairement définis : pour cela, la Commission publiera des définitions, des critères et des orientations pour l'identification et la désignation de ces zones, y compris leurs modalités de gestion. La Commission évaluera à mi-parcours (2024) si l'Union est en voie de réaliser ces objectifs.
Un autre objectif d'importance est celui de la restauration des écosystèmes terrestres et marins. La commission prévoit de restaurer les écosystèmes dégradés dans l'UE qui sont en mauvais état, et de réduire pressions sur la biodiversité. En conséquence, la stratégie propose un vaste plan de restauration de la nature de l'UE.
La commission constate en effet que les États membres ne sont pas tenus de disposer de plan de restauration de la biodiversité, ni de définition ou critères de restauration d'écosystèmes.
Elle propose :
- sous réserve d'une analyse d'impact, l'élaboration d'une proposition de nouveau cadre juridique pour la restauration de la nature, avec des objectifs contraignants pour restaurer les écosystèmes endommagés, en particulier pour ceux captant et stockant le carbone ;
- l'absence de dégradation des états de conservation et de leurs tendances pour tous les habitats et espèces protégés ;
- l'amélioration du statut ou de la tendance de conservation d'au moins 30 % des espèces et habitats protégés par l'UE qui ne sont pas dans un état favorable.
La stratégie renvoie à l'autre stratégie "De la fourchette à l'assiette" (v. notre actualité "De la ferme à la fourchette : la stratégie européenne est adoptée" du 22 mai 2020), avec notamment :
- la réduction de 50 % de l’utilisation des pesticides chimiques en général et les risques qui leur sont associés d’ici à 2030 et la réduction de 50 % l’utilisation des pesticides qui présentent des risques plus élevés d’ici à 2030 ;
- 10 % de la surface agricole doivent inclure des particularités topographiques à haute diversité biologiques (haies, bandes tampons, arbres, mares, jachères...) ;
- 25 % des terres agricoles de l’Union doivent être cultivées dans le cadre de l’agriculture biologique d’ici 2030.
La commission a également annoncé les objectifs suivants :
- contrôler l'artificialisation des sols et restaurer les écosystèmes des sols : mise à jour de la stratégie thématique de protection des sols ; adoption d'un plan d'action air, eau, sol ; mission dans le domaine de la santé des sols ;
- augmenter la quantité de forêts, améliorer leur santé et leur résilience : projet de stratégie de l'Union pour les forêts ; plantation d'au moins 3 milliards d'arbres supplémentaires d'ici 2030 ; développement d'un système d'information forestière pour l'Europe ;
- augmenter la biomasse-énergie : évaluation de l'offre et de la demande en biomasse au niveau mondial et de l'UE ; orientations sur de nouveaux critères de durabilité en matière de biomasse forestière utilisée pour la production d'énergie ;
- rétablir le bon état écologique des écosystèmes marins : élaboration de plans nationaux issus de la planification de l'espace maritime ; nouveau plan d’action visant à préserver les ressources halieutiques et à protéger les écosystèmes marins ; réduction des incidences négatives des activités de pêche et d’extraction sur les espèces et les habitats sensibles, y compris les fonds marins ; élimination ou réduction des prises accessoires à un niveau permettant la reconstitution des stocks et la conservation des espèces ;
- restaurer des écosystèmes d'eau douce : restauration d'au moins 25 000 km de cours d’eau d’ici 2030 grâce à l’élimination des obstacles essentiellement obsolètes et à la restauration des plaines inondables et des zones humides :
- écologiser les zones urbaines et périurbaines : élaboration de plans d'écologisation de l'espace urbains pour les villes de plus de 20 000 habitants ; mise en place d'une plateforme de l'Union pour l'écologisation urbaine ; orientations techniques ;
- réduire la pollution : diminution des pertes de nutriments dues à l’utilisation de fertilisants de 50 %, entraînant ainsi une réduction de 20 % de l’utilisation de fertilisants ; renforcement de l'évaluation des risques environnementaux des pesticides ; élaboration d'indicateurs pour la réduction progressive de la pollution ;
- Lutter contre les espaces exotiques envahissantes : renforcement de la mise en oeuvre du règlement de l’Union sur les espèces exotiques envahissantes ; réduction de 50 % du nombre d'espèces de la Liste rouge.
La stratégie lance un nouveau processus pour améliorer gouvernance de la biodiversité, en veillant à ce que les États membres intègrent les engagements de la stratégie dans leurs politiques nationales. Un centre de connaissances sur la biodiversité et un partenariat sur la biodiversité soutiendront la mise en œuvre de la recherche et de l'innovation en matière de biodiversité en Europe. La stratégie vise à stimuler des systèmes fiscaux et des prix pour mieux refléter les coûts environnementaux réels, y compris le coût de la biodiversité et que la biodiversité est véritablement intégrée dans la prise de décision publique et commerciale.
Face aux difficultés constatées dans l'application du droit de l'UE, la Commisison propose d'achever le réseau Natura 2000 avec un régime de gestion et de protection suffisant. La Commission s'efforcera d'améliorer l'assurance de la conformité de la législation environnementale. Elle s'engage à améliorer l'accès à la justice de l'UE pour les particuliers et les ONG devant les juridictions nationales. Enfin, elle souhaite élargir les possibilités pour les ONG de saisir le juge en proposant une révision du règlement d'application de la convention d'Aarhus.
Afin de mieux intégrer les entreprises au service de la biodiversité, la Commission présentera en 2021 une nouvelle initiative sur la gouvernance d’entreprise durable afin d'aligner les intérêts des actionnaires et des parties prenantes sur les objectifs de la stratégie. Par ailleurs, la Commission, en s’inspirant des initiatives récentes, contribuera à la création d’un mouvement des entreprises européennes au service de la biodiversité et fera de ce mouvement une partie intégrante du pacte européen pour le climat.
La Commission prévoit également de mieux mesurer et intégrer la valeur de la nature, via l’empreinte des produits et des organisations sur l’environnement, en recourant par exemple à des approches fondées sur le cycle de vie et à la comptabilisation du capital naturel.
La stratégie nécessitera des investissements importants. Au moins 20 milliards d'euros par an devraient être débloqués pour les dépenses consacrées à la nature, notamment pour restaurer les écosystèmes, investir dans le réseau Natura 2000 et les infrastructures vertes et bleues dans les États membres de l'UE.
Il faudra pour cela mobiliser les acteurs privés et publics, des financements aux niveaux national et européen, y compris par le biais d'une gamme de différents programmes à long terme financés par le budget de l'UE. De plus, la restauration de la nature apportant une contribution majeure aux objectifs climatiques, une part importante des 25 % du budget de l'UE consacrée à l'action pour le climat sera investie dans la biodiversité et aux solutions basées sur la nature.
Dans le cadre d'InvestEU, une initiative dédiée au capital naturel et à l'économie circulaire sera mise en place pour mobiliser au moins 10 milliards d'euros au cours des 10 prochaines années, sur la base d'un financement mixte public / privé. La nature et la biodiversité constituent également une priorité du pacte vert pour l'Europe.
Pour aider à débloquer les investissements nécessaires, l'UE doit fournir une certitude à long terme aux investisseurs et contribuer à la durabilité du système financier. La taxonomie de la finance durable de l'UE (v. notre actualité "La taxonomie des activités durables avance en Europe" du 23 mars 2020) aidera à orienter l'investissement vers une reprise verte et le déploiement de solutions basées sur la nature.
La nouvelle stratégie expose les engagements que l'UE pourrait prendre à la 15e Conférence des Parties à la Convention sur la diversité biologique en 2021 dans l'optique de l'adoption d'un accord international sur la biodiversité (v. notre actualité "Accord international sur la biodiversité : un avant-projet publié" du 16 janvier 2020).
La Commission propose au Conseil que l'UE demande que les éléments suivants soient inclus :
- des objectifs globaux à long terme pour la biodiversité conformément à la vision des Nations Unies de « vivre dans l'harmonie avec la nature » d'ici 2050. L'ambition devrait être que d'ici 2050 tous les écosystèmes du monde soient restaurés, résistants et adéquatement protégés. Le monde devrait s'engager dans le gain net, soit de redonner à la nature plus que l'homme ne lui en a pris et à aucune extinction d'espèces, au minimum lorsque cela est évitable ;
- des objectifs mondiaux ambitieux à l'horizon 2030 conformes aux engagements de l'UE proposés dans la nouvelle stratégie biodiversité ;
- l'amélioration des moyens mis en œuvre dans des domaines tels que le financement, les capacités, la recherche, le savoir-faire et la technologie ;
- un processus de mise en œuvre, de suivi et d'examen beaucoup plus solide ;
- un partage juste et équitable des bénéfices de l'utilisation des ressources génétiques liées à la biodiversité.
La Commission a également annoncé :
- pour la protection des océans : qu'elle appuierait la conclusion d'un accord ambitieux juridiquement contraignant sur la biodiversité marine des zones situées au-delà des limites de la juridiction nationale (v. notre actualité "Le projet de convention sur la protection de la biodiversité en haute mer se précise" du 28 décembre 2017), la désignation de nouvelles zones marines protégées situées dans l'océan Austral. Elle prévoit aussi de soutenir un accord mondial interdisant les subventions néfastes en faveur du secteur de la pêche ;
- pour le trafic des espèces menacées : qu'elle garantirait les dispositions en matière de biodiversité figurant dans les accords commerciaux. Elle prendra également de nouvelles mesures pour combattre le commerce illicite d'espèces sauvages, notamment en révisant son plan d'action dédié et en durcissant les règles applicables au commerce de l'ivoire ;
- pour les pays tiers : une augmentation de son soutien financier en faveur de la biodiversité à destination des pays en développement.
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