Une personne morale reconnue agent commercial immobilier par la Cour de cassation

14.06.2023

Immobilier

L'application du statut d'agent commercial bénéficie même aux personnes morales et ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties dans le contrat ni de la dénomination qu'elles ont donné à leur convention, mais des conditions dans lesquelles l'activité est effectivement exercée.

Une société par actions simplifiée (SAS) qui commercialise des programmes immobiliers pour le compte de promoteurs, a conclu un partenariat avec deux banques par lequel celles-ci lui confiaient la mission de vendre des biens immobiliers à des clients qu’elles lui adressaient. La SAS a confié à une SARL un premier « mandat commercial » d’un an, ensuite reconduit. Plusieurs années après, elle lui a confié un second mandat, pour les clients adressés par une des deux banques partenaires. Cinq ans plus tard, la SAS a informé la SARL de sa décision de mettre unilatéralement fin aux deux mandats, ce qu’elle a concrétisé par lettres recommandées avec préavis.

Immobilier

La gestion immobilière regroupe un ensemble de concepts juridiques et financiers appliqués aux immeubles (au sens juridique du terme). La gestion immobilière se rapproche de la gestion d’entreprise dans la mesure où les investissements réalisés vont générer des revenus, différents lois et règlements issus de domaines variés du droit venant s’appliquer selon les opérations envisagées.

Découvrir tous les contenus liés

La SARL a alors sollicité l’indemnité compensatrice de fin de contrat prévue à l’article L. 134-12 du code de commerce pour les agents commerciaux. A la suite du refus de la SAS de lui reconnaître le statut d’agent commercial, la SARL l’a assignée en justice. Condamnée par les juges du fond à payer près de 250 000 euros d’indemnité compensatrice, la SAS forme un pourvoi en cassation.

Selon la cour d’appel, la volonté, exprimée par les parties dans les deux mandats, de soumettre leurs relations contractuelles aux dispositions du statut des agents commerciaux devait prévaloir sur le contenu même des prestations réalisées par la SARL, de sorte qu'il était impossible de revenir sur la qualification de la relation contractuelle, peu important que la mission effective de l’entreprise ait ou non comporté la négociation et la prospection de la clientèle. La SARL bénéficie donc de l'indemnité compensatrice en tant qu'agent commercial.

Le statut d’agent commercial est également reconnu ici par la Cour de cassation mais celle-ci censure l’arrêt d’appel sur sa motivation. Se fondant sur les dispositions de l’article L. 134-1 du code de commerce définissant l’agent commercial, la chambre commerciale considère, depuis des années, que l’application du statut d’agent commercial ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties dans le contrat, ni de la dénomination qu’elles ont donné à leur convention, mais des conditions dans lesquelles l’activité est effectivement exercée (Cass. com., 10 déc. 2003, n° 01-11.923, n° 1811 FS-P+B ; Cass. com., 27 sept. 2017, n° 16-11.507, n° 1216 D). Dès lors, en retenant que la volonté exprimée par les parties de soumettre leur contrat au statut des agents commerciaux s'impose, peu important la mission effective du mandataire, la cour d’appel a violé les dispositions du code de commerce.

L’arrêt de cassation est surtout intéressant en ce qu’il reconnaît qu’une société commercialisant des programmes immobiliers et détentrice d'une carte professionnelle peut confier un mandat d’agent commercial à une personne morale. La SAS soutenait en effet que le statut des agents commerciaux ne pouvait pas s’appliquer à une personne morale exerçant une activité soumise à la loi Hoguet du 2 janvier 1970 dans le cadre d’un mandat confié par le titulaire d’une carte professionnelle d’agent immobilier.

La Haute juridiction répond, de manière péremptoire, qu’il résulte de la combinaison de l’article L. 134-1 du code de commerce, et des articles 4, alinéas 1er et 2 de la loi Hoguet et 9 de son décret d’application du 20 juillet 1972, que le titulaire de la carte professionnelle a la possibilité d'habiliter une personne à négocier, s'entremettre ou s'engager pour son compte, si celle-ci justifie de l'attestation visée à l'article 9 du décret de 1972 ou si celle-ci est elle-même titulaire de la carte professionnelle, et que le statut des agents commerciaux lui est alors applicable. Ainsi, en ne distinguant pas selon que la personne habilitée est une personne physique ou morale, alors même que l'article 9 (al. 1er) du décret Hoguet, sur lequel elle se fonde, vise expressément « toute personne physique habilitée par un titulaire de la carte professionnelle »  et non les personnes morales, elle fait bénéficier du statut des agents commerciaux tous les négociateurs immobiliers indépendants, considérant probablement que la généralité de l'article 4 de la loi Hoguet prime sur la spécificité de l'article 9 de son décret d'application.

Ce faisant, la Cour de cassation remet en cause la pratique des agents immobiliers de n'habiliter que des personnes physiques...

Laurence DARTIGEAS-REYNARD, Dictionnaire Permanent Transactions immobilières
Vous aimerez aussi

Nos engagements