Urgence climatique : Emmanuel Macron propose des "contrats de transition écologique" à l'industrie lourde

13.11.2022

Environnement

Réunis par le chef de l'État le 8 novembre, les 50 sites industriels les plus émetteurs de gaz à effet de serre sont invités à doubler leurs efforts en faveur du climat. Cinq milliards d’euros supplémentaires leur seront octroyés s’ils y arrivent. Pas si simple dans la mesure où chaque secteur rencontre des besoins spécifiques.

En automne, c’est désormais un passage obligé. Alors que la vingt-septième conférence sur les changements climatiques (COP27) est réunie à Charm el-Cheikh, en Égypte, l’industrie doit montrer d’une manière ou d’une autre qu’elle est prête au combat. En 2022, l’Élysée a pris les choses en main, réunissant le 8 novembre, les cinquante sites français qui émettent le plus de gaz à effet de serre. Plus qu’un symbole puisqu’ils représentent à eux seuls 54 % des émissions industrielles de l’Hexagone, soit 10 % du bilan carbone français.  

L’objectif qui leur est assigné est en ligne avec les ambitions de l’Union européenne : atteindre la neutralité carbone en 2050 et, avant cela, réduire les émissions de gaz à effet de serre de 55 % d’ici 2030. En évitant deux écueils : prendre des engagements impossibles à tenir ; et délocaliser l’activité dans des pays moins-disant environnementalement. 

« Le climat, l’industrialisation et la souveraineté »

« Je veux que d’ici six mois, filière par filière, toutes les feuilles de route soient finalisées et revues à la hausse », a lancé Emmanuel Macron, énumérant d’abord les aides disponibles : 9 milliards d’euros pour la stratégie hydrogène, 5 milliards via France 2030… Promettant ensuite d’aller plus loin si les grandes entreprises s’engagent sur du concret. « D’ici 18 mois, si on constate que l’industrie a doublé ses efforts, on doublera l’enveloppe, de 5 à 10 milliards d'euros. C’est la logique des contrats de transition écologique », a-t-il annoncé.  

Chacun de ces investissements a pour vocation de créer un effet levier favorable qui combine « le climat, l’industrialisation et la souveraineté ». Trois mots repris en boucle dans le discours présidentiel. Dans l’automobile par exemple, l’enjeu est bien à la fois de produire localement des véhicules électriques, des batteries, et les pièces et matériaux qu’elles incorporent. 

Concurrence déloyale et spécificités 

Les industriels applaudissent. Ils rappellent toutefois que les subventions ne sont pas les seules armes à utiliser. Pêle-mêle, ils demandent un accès pérenne à une énergie décarbonée et compétitive, un système de régulation qui limite les fuites de matières comme le bois ou les métaux à recycler, un système européen de quotas d’émissions qui « laisse le temps aux industriels de se transformer et les traite de la même manière que les importations », dixit Éric Niedzela, président d’Arcelor Mittal France ; ainsi, par extension, qu’un mécanisme d’ajustement aux frontières qui permette une bonne fois pour toute de faire face à la concurrence déloyale des entreprises asiatiques et des américaines. 

Dans le détail, chaque filière rencontre des enjeux spécifiques. L’industrie de la chimie doit par exemple décarboner sa production de chaleur grâce à la biomasse ou à l’électricité ; et gagner en efficacité énergétique. Les aciéristes, eux, conduisent trois chantiers en parallèle : réutiliser un maximum de ferrailles recyclée, adapter le processus de production en injectant dans chaque four de l’hydrogène décarboné plutôt que des énergies fossiles, et prendre en charge le résiduel de CO2 qu’on ne pourra pas transformer. En matière de séquestration ou de réutilisation de carbone, « il y a urgence à trouver des solutions », prévient Éric Niedzela. 

Changement de modèle, le grand oublié 

Président du syndicat français de l’industrie cimentière, Bruno Pillon abonde. Il en appelle à la « constitution d’une équipe de France du CCUS » (pour Carbon Capture, Utilization and Storage). Elle se devra de « rassembler tous les acteurs de la filière afin de rattraper le retard que nous avons sur les pays d’Europe du Nord ».  

Plus concrètement, sa tâche sera de concevoir des infrastructures communes pour le transport du dioxyde de carbone comme pour la séquestration. L’enjeu est énorme pour l’industrie cimentière dont un tiers seulement des émissions est lié à la combustion et peut donc être décarboné avec de l’hydrogène vert et autre chaleur renouvelable. Les deux tiers restants sont des émissions fatales de process liées à la décarbonatation du calcaire. Des émissions qu’il ne sera donc pas possible d’abaisser sans séquestration. À moins de construire une économie qui a moins recours au ciment, à l’acier, à la chimie ? Cette piste n’a pas été évoquée mardi 8 novembre. 

 

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Environnement

La mise en place d’une stratégie environnementale cohérente s’impose de plus en plus aux entreprises du fait de la complexité de la législation pour la protection de l’environnement et de la multiplicité des réformes. En effet, de nombreuses lois et réglementations ont récemment impacté les activités économiques (autorisation environnementale, concernant notamment les ICPE, loi de transition énergétique, loi biodiversité)

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Olivier Descamps
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