US, UE : qui a la régulation la plus contraignante ?

US, UE : qui a la régulation la plus contraignante ?

03.11.2016

Gestion d'entreprise

La Grande-Bretagne et l’Europe seraient attractives. Même si dans le secteur de la banque et des assurances le Brexit pourrait inverser la tendance. Les États-Unis, au contraire, seraient vus comme un pays de bureaucratie. Points de vue de directeurs juridiques européens.

« Dans certaines régions, certains pays, la législation constitue davantage une contrainte que dans d’autres », selon Ivan de Goullard d’Arsay, deputy General Counsel de Veolia. Il n’est pas le seul à avoir cette réflexion. Quels sont les friendly countries ? Au contraire, où se trouvent les difficultés ? Première ébauche de réponse lors de la table ronde « Foreign investment constraints in highly regulated markets » lors de l’« In-House Counsel world summit », qui s’est tenu à Paris les 24 et 25 octobre.

L’UE avant et après le Brexit

Pour un groupe industriel ayant une activité de services dans le domaine de l’eau, et répondant à de nombreux appels d’offres, la Grande-Bretagne constituerait un pays à la régulation certaine. Elle aurait « un régulateur indépendant à la politique prévisible et la prévisibilité constitue un élément toujours positif », estime Ivan de Goullard d’Arsay. Dans le domaine de l’anticorruption, le Serious Fraud Office (SFO) britannique n’aurait pas les mêmes qualités, d’après Sébastien Thierry, Vice President, Group Legal Affaires chez Rexel. « Le SFO est très doué en marketing, c’est un régulateur qui a très bien communiqué sur les nouvelles lois britanniques en matière de conformité, mais il peut également se transformer en cauchemar, car c’est un régulateur parfois très lent dans ses réponses ». Le constat est encore différent pour Axa : « Jusqu’alors nous étions dans une phase de construction de l’Europe. Le Brexit est venu bouleverser un marché européen juridiquement harmonisé et balisé », avance Sarah Leroy, Global Head of Legal at Axa IM Real Assets. « Londres était une fantastique place pour innover », poursuit-elle. Mais depuis le Brexit des questions émergent. Le passeport européen assurait un service de guichet unique pour les sociétés de gestion de portefeuille. Après avoir obtenu un agrément, en Grande-Bretagne par exemple, il était possible d’exercer ses activités dans toute l’Europe et au-delà dans toute l’EEE. « Maintenant, et avant que les négociations ne débutent [suite au déclenchement de l’article 50 du TUE par la Grande-Bretagne, ndrl], nous sommes dans une période faite d’inconnus, nous avons très peu de visibilité et les marchés n’aiment pas l’incertitude », indique Sarah Leroy. La sortie de la Grande-Bretagne de l’UE devrait remettre en cause le principe du passeport européen et il faudra, dès lors, respecter davantage de régulations qu’auparavant pour exercer ses activités au sein du même périmètre.

Sur les questions de concurrence, la régulation européenne est appréciée des entreprises. « Tout le monde joue selon les mêmes règles », analyse Sébastien Thierry. Pour lui, la législation européenne en la matière aurait un rayonnement international : « L’UE est un modèle en la matière ». « La législation anti-trust est intéressante », estime également Sarah Leroy. Même si son applicabilité est jugée extensive dans certains cas par la Global Head of Legal d’Axa IM Real Assets.

Gestion d'entreprise

La gestion d’entreprise constitue l’essentiel de l’activité d’un dirigeant d’entreprise. Elle fait appel à un grand nombre de notions empruntées de la comptabilité, de la finance (gestion des risques au moyen de la gestion des actifs et des assurances professionnelles), du droit des affaires (statut juridique, contrats commerciaux, fiscalité, cadre réglementaire et légal de l’activité), de la gestion de ressources humaines...

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Quid de la France ? « Contrairement à l’ensemble de nos voisins européens, la France maintient son monopole bancaire sur l’octroi de crédit ce qui peut inciter à localiser ces opérations dans d’autres États Membres », indique Sarah Leroy. « La législation française mériterait d’évoluer sur ce point, même si la France n’a pas une propension importante au changement ». Du côté de Veolia, Ivan de Goullard d’Arsay juge également que « le marché français est compliqué pour les investisseurs étrangers ». Il fait part d’une anecdote. Au moment de négociations entre Veolia et un fonds d’investissement californien, deal qui n’aura pas abouti, le fond s’inquiétait de la nécessité d’obtenir une autorisation du gouvernement français sur l’opération du fait d’une loi de l’ancien ministre de l’Économie, Arnaud Montebourg. Un projet de législation probablement mal compris outre-atlantique et qui n’a jamais vu le jour.

La complexité américaine

« Le marché le plus complexe à appréhender pour un Européen est certainement le marché américain », selon Sarah Leroy. Il est régulé par des législations locales - définies par les États - et fédérales. « Vous devez d’abord comprendre comment cela fonctionne, trouver les bons interlocuteurs », poursuit-elle. « Les États-Unis sont un pays pouvant générer une assez grande bureaucratie », estime aussi Ivan de Goullard d’Arsay. « Le pays est extrêmement régulé ». Il fait état de son expérience récente lorsque Veolia a acquis Kurion, en février dernier, et a précisé que la question des actionnaires du groupe français, la Caisse des dépôts et consignations et Dassault, leur a valu de très nombreuses interrogations de la part des autorités américaines, lors de leur demande de « clearance ». En matière d’anticorruption, la lecture des « deferred prosecution agreements constitue la meilleure forme de littérature que l’on puisse avoir lorsque l’on veut appréhender la puissance du droit américain », évoque de son côté Sébastien Thierry, sous la forme d’un conseil.

Les législations en matière d'anti-trust ou d'anticorruption, que ce soit outre-manche ou outre-atlantique, qu’elles soient européennes ou nationales, ne représenteraient plus de difficultés pour les grands groupes qui en ont l’habitude. « Étant d’ores et déjà soumis au FCPA et au UK Bribery Act, nous sommes déjà équipés pour être "Sapin II compliant" », note Sébastien Thierry. Avant de relever un nouveau défi pour les entreprises : celui de la régulation des données personnelles. « Les régulateurs vont essayer de nous interpeller sur ces questions  » , anticipe-t-il déjà.

 

Sophie Bridier
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