Vers un affaiblissement du régime des forêts de "protection" ?

01.02.2017

Environnement

Un projet de décret prévoit d'autoriser les fouilles archéologiques et les travaux de recherche et d'exploitation de mines et de carrières.

Un projet de décret, mis en consultation publique sur le site du ministère de l'agriculture du 30 janvier au 20 février 2017, vise à introduire trois nouvelles exceptions au régime des forêts de protection.

Environnement

La mise en place d’une stratégie environnementale cohérente s’impose de plus en plus aux entreprises du fait de la complexité de la législation pour la protection de l’environnement et de la multiplicité des réformes. En effet, de nombreuses lois et réglementations ont récemment impacté les activités économiques (autorisation environnementale, concernant notamment les ICPE, loi de transition énergétique, loi biodiversité)

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Fouilles archéologiques, mines et carrières en forêt de protection

Le projet de texte ouvre la possibilité d'une autorisation permettant, dans le périmètre d'une forêt de protection, de mener des travaux, d'une part, de fouilles et sondages archéologiques, d'autre part, de recherche ou d'exploitation souterraine de ressources minérales (mines et carrières), dans le respect de la conservation et de la protection des boisements. 

 

Il énonce également les conditions techniques nécessaires et les actions compatibles avec les exigences légales de façon à ne pas compromettre la conservation ou la protection des boisements (C. for. nouv., art. L. 141-2).

 

En conséquence, et afin d’encadrer strictement ces travaux, l’administration compétente au titre du code minier ou du code du patrimoine transmet la demande d'autorisation auprès de l’administration compétente au titre du code forestier. Il reviendra au porteur de projet de produire les pièces nécessaires en fonction de la nature des travaux.

 

Selon l'exposé des motifs "cette modification du code forestier vise à créer une base juridique pour traiter certaines situations actuellement rencontrées dans les forêts périurbaines, objet de nombreuses attentes sociales mais dont le classement en forêt de protection ne peut être prononcé à ce jour, faute de l’existence d’un régime spécial permettant de réaliser des travaux de fouilles archéologiques ou d’extraction de matériau au sein du massif classé".

 

Autrement dit, le fait de ne pas autoriser ces travaux serait bloquant pour la désignation de forêts de protection périurbaines ! Ne devrait-on pas plutôt raisonner en ces termes : il ne peut y avoir de classement en forêt de protection dès lors que de tels travaux sont réalisés (ou en passe de l'être), plutôt que de vouloir à tout prix un classement au rabais qui multiplierait les exceptions ? De surcroît, on a un peu de mal à s'imaginer comment de tels travaux (surtout ceux miniers ou d'exploitation de granulats) pourraient respecter le principe de "conservation et de protection des boisements".

Un régime de protection prévoyant déjà des dérogations

On rappellera qu'aucun défrichement, aucune fouille, aucune extraction de matériaux, aucune emprise d’infrastructure publique ou privée, aucun exhaussement du sol ou dépôt ne peut être réalisé dans une forêt de protection (C. for. nouv., art. R. 141-14), à l'exception de la réalisation d’équipements indispensables à la mise en valeur et à la protection des forêts (déclaration préalable au préfet).

 

Ont été rajoutées par la suite deux exceptions : l'une en 2006 (D. n° 2006-1230, 6 oct. 2006), concernant les travaux de captage d’eau (déclaration d'utilité publique par le préfet), l'autre en 2012 (D. n° 2012-615, 2 mai 2012) concernant les travaux de surveillance, d’entretien et de maintenance des canalisations de gaz, d’hydrocarbures et de produits chimiques implantées avant 2011 (convention propriétaire et exploitant).

 

De surcroît, le nouveau texte remettrait en cause la jurisprudence du Conseil d'État qui avait rejeté une demande d’autorisation d’extension de carrière en forêt de protection, travaux qui ne pouvaient en aucune manière, selon le juge, se rattacher à la réalisation d'équipements indispensables à la mise en valeur et à la protection des forêts au sens du code forestier (CE, 24 juill. 1987, n° 44164).

 

A force de multiplier les exceptions, les "forêts de protection" vont bientôt de ne plus pouvoir mériter cette appellation !

Olivier Cizel, Code permanent Environnement et nuisances
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