Vers une levée de l'interdiction de la publicité pour les médecins et chirurgiens-dentistes ?
23.01.2019
Gestion d'entreprise

L'Autorité de la concurrence estime l'interdiction de toute publicité imposée aux médecins et chirurgiens-dentistes non conforme au droit européen : ces professionnels de santé doivent rester libres de recourir à des procédés de publicité, dans le respect de leurs principes déontologiques.
Se dirigerait-on vers une levée de l’interdiction de la publicité pour les médecins et chirurgiens-dentistes ? C’est en tout cas dans cette direction que la décision de l’ADLC semble tendre.
Gestion d'entreprise
La gestion d’entreprise constitue l’essentiel de l’activité d’un dirigeant d’entreprise. Elle fait appel à un grand nombre de notions empruntées de la comptabilité, de la finance (gestion des risques au moyen de la gestion des actifs et des assurances professionnelles), du droit des affaires (statut juridique, contrats commerciaux, fiscalité, cadre réglementaire et légal de l’activité), de la gestion de ressources humaines...
En effet, saisie de deux plaintes par une société s’estimant victime de pratiques de boycott de la part du Conseil national de l’ordre des médecins et du Conseil national de l’ordre des chirurgiens-dentistes, l’ADLC se déclare incompétente au profit de la juridiction administrative pour connaître de ces pratiques et rejette les plaintes comme irrecevables, dans deux décisions du 15 janvier 2019.
Néanmoins, à l’occasion de ces décisions, elle relève d’une part la non-conformité au droit européen des dispositions du code de la santé publique interdisant toute publicité à ces praticiens, et souligne d’autre part la nécessité d’adopter des dispositions garantissant la pleine efficacité des principes déontologiques qui leur sont applicables.
Selon la société plaignante, les pratiques de boycott dénoncées consistent dans différentes mesures, actions judiciaires et disciplinaires mises en œuvre par le CNOM et le CNOCD, dans le but de dissuader les praticiens relevant de chacun de ces ordres de recourir à ses services, à savoir des services de publicité sur Internet proposés aux médecins, et un service d’accès au marché du référencement Internet des soins dentaires destiné aux chirurgiens-dentistes.
Constatant que le CNOM et le CNOCD justifient ces agissements par différentes dispositions réglementaires du code de la santé publique, lesquels relèvent de l’accomplissement de la mission de service public qui leur est dévolue par la loi (C. santé publ., art. L. 4121-2) comportant l’exercice de prérogatives de puissance publique, l’ADLC conclut à son incompétence en la matière en vertu de l’article L. 462-8 du code de commerce.
Cette position de l’Autorité est conforme à une jurisprudence constante qu’illustre la décision du Tribunal des conflits rappelant que si les règles de concurrence définies au livre quatrième du code de commerce s’appliquent à toutes les activités de production, de distribution et de services, y compris celles qui sont le fait de personnes publiques, notamment dans le cadre de conventions de délégation de service public (C. com., art. L. 410-1), l’ADLC n’est, en revanche, pas compétente pour sanctionner la méconnaissance des règles prohibant les pratiques anticoncurrentielles "en ce qui concerne les décisions ou actes portant sur l’organisation du service public ou mettant en œuvre des prérogatives de puissance publique" (Trib. Conflits, 4 mai 2009, n° C. 3714, " Société Editions Jean-Paul Gisserot", Recueil Lebon).
L’ADLC observe qu’en l’espèce, les pratiques de boycott mises en œuvre par le CNOM et le CNCOD ne peuvent être justifiées par les dispositions du code de la santé publique invoquées, à savoir l’article R.4127-19 pour les médecins, et l’article R. 4127-215 pour les chirurgiens-dentistes. Il en est ainsi car le droit français issu de ces dispositions ne semble plus conforme au droit européen, en tant qu’il édicte à l’égard des médecins et des chirurgiens-dentistes une interdiction générale et absolue de toute publicité, de façon directe ou indirecte.
En effet, la CJUE a déclaré dans l’arrêt Vanderborght, relatif aux dispositions de droit belge applicables aux dentistes, que les interdictions générales et absolues de toute publicité, de façon directe ou indirecte, et la prohibition de toute forme de communication commerciale par voie électronique méconnaissent la directive 2000/31 sur le commerce électronique et l’article 56 du TFUE qui consacre la libre prestation de services (CJUE, 4 mai 2017, Vanderborght., C-339/15). La CJUE a jugé de même à propos des dispositions de droit français (C. santé publ., art. R. 4127-215) interdisant de manière générale et absolue toute publicité aux chirurgiens-dentistes (CJUE, 23 oct. 2018, RG et SELARL cabinet dentaire du docteur RG., Aff. C-296/18).
S’agissant des médecins, l’ADLC souligne que les dispositions du code de la santé publique qui leur sont applicables (C. santé publ., art. R. 4127-19) présentent les mêmes incompatibilités avec les dispositions de droit européen précitées, en tant qu’elles édictent une interdiction de publicité générale et absolue.
Compte tenu d’une part de cette jurisprudence, d’autre part du principe général selon lequel "la primauté du droit communautaire exige que soit laissée inappliquée toute disposition d'une loi nationale contraire à une règle communautaire" (CJCE, 15 juill. 1964, Aff. Costa c/Enel, n° 6-67), et sachant que le "devoir de laisser inappliquée une législation nationale contraire au droit communautaire incombe non seulement aux juridictions nationales, mais également à tous les organes de l'État, en ce compris les autorités administratives" (CJUE, 9 sept. 2003, CIF, Aff. C-198/01), l’ADLC conclut que les dispositions de droit interne édictées par les articles en cause du code de la santé publique doivent rester inappliquées en raison de leur incompatibilité avec le droit européen. En outre, l’Autorité insiste sur la nécessité de modifier, à brève échéance, les dispositions règlementaires relatives à la publicité, afin de tenir compte de l’évolution de la jurisprudence de la CJUE.
Selon l’ADLC, cette modification permettra d’assurer la conformité au droit européen des dispositions règlementaires concernées et la pleine efficacité des principes déontologiques qui s’imposent aux médecins et aux chirurgiens-dentistes, tels que l’interdiction d’exercer la profession comme un commerce, le respect de l’indépendance, de la dignité et de la confraternité. L’Autorité relève par ailleurs que, comme l’a jugé la CJUE dans les arrêts Vanderborght et cabinet dentaire du docteur RG précités, le droit européen permet aux États membres de définir des réglementations relatives à la publicité des professions libérales, et ménage la possibilité d’adopter des règles encadrant les types de communication et de publicité qu’elles peuvent mettre en œuvre, dès lors que celles-ci ne comportent pas d’interdiction générale et absolue, et ce, dans le respect des autres principes et règles déontologiques qui leur sont applicables.
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