Vins contaminés: à qui incombe la faute ?

13.12.2022

Gestion d'entreprise

L’obligation d’information du fabricant à l’égard de l’acheteur professionnel n’existe que dans la mesure où la compétence de celui-ci ne lui donne pas les moyens d’apprécier la portée exacte des caractéristiques techniques des biens qui lui sont livrés.

Un fournisseur de produits chimiques industriels avait vendu à un distributeur de matériels œnologiques de l’acide chlorhydrique utilisé pour la régénération des résines de ses appareils de démonstration. Le distributeur avait ensuite traité des lots de vin pour une coopérative viticole, dont le vin avait été vendu à divers négociants avant d’être commercialisé. Après plusieurs plaintes de clients sur l’altération des propriétés organoleptiques des vins, le fournisseur et le distributeur ont été assignés en justice.

La cour d’appel, dont l’arrêt est cassé, juge que le fournisseur a manqué à son obligation d’information en qualité de vendeur. Par une application des articles 1147 (devenu 1231-1) et 1615 du code civil, elle retient :

  • que le vendeur professionnel est débiteur d’une obligation d’information, y compris à l’égard de l’acheteur professionnel, lorsque celui-ci ne dispose pas des caractéristiques techniques du bien vendu ;

  • que le fournisseur ne justifiait pas avoir informé le distributeur lors de la vente que l’acide pouvait présenter une impureté, le rendant impropre à l'usage alimentaire. Selon l’expert judiciaire en effet, l’usage alimentaire d’un acide chlorhydrique de qualité technique est possible, à condition de s’assurer que les résidus ou leurs dérivés dans le produit fini ne présentent pas de risque sanitaire.

La Cour de cassation casse l’arrêt, au visa de l’article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016 :

  • les conditions générales de vente du fournisseur stipulaient que l’acheteur devait s’assurer de la compatibilité des produits avec l’utilisation qu’il voulait en faire ;

  • la cour d’appel avait elle-même retenu qu’il appartenait au distributeur, « en sa qualité de professionnel, ayant fait le choix d’un usage du produit à destination alimentaire, de s’assurer de cette possibilité en sollicitant de son vendeur les caractéristiques et spécifications de l'acide chlorhydrique » ;

  • le distributeur était un acheteur professionnel et le fournisseur n’était donc pas tenu d’informer l’acheteur sur les précautions d’emploi de l’acide technique dans le processus alimentaire qu’il mettait en œuvre. Le vendeur ne doit informer l'acheteur que dans la mesure où l'ignorance de ce dernier est légitime.

Cecile THIERCELIN, Dictionnaire Permanent Droit des Affaires

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