Vos dirigeants peuvent  préparer leur garde à vue

Vos dirigeants peuvent préparer leur garde à vue

18.12.2015

Gestion d'entreprise

Abus de biens sociaux, blanchiment d’argent, détournement de fonds, ou bien encore fraude fiscale, chaque année de nombreux dirigeants sont placés en garde à vue. Un moment difficile, qui peut se dérouler durant 96 heures si cela s’avère nécessaire. Étape toujours marquante dans la vie d’une personne et d’une entreprise, se préparer à sa garde à vue est possible.

Souvent sous-estimée par les cols blancs, la garde à vue peut être éprouvante et avoir un impact durant plusieurs années sur la personne physique et l’entreprise concernées. Aussi, certains avocats proposent-ils de la préparer. Reportage avec l’un d’entre eux.

Gestion d'entreprise

La gestion d’entreprise constitue l’essentiel de l’activité d’un dirigeant d’entreprise. Elle fait appel à un grand nombre de notions empruntées de la comptabilité, de la finance (gestion des risques au moyen de la gestion des actifs et des assurances professionnelles), du droit des affaires (statut juridique, contrats commerciaux, fiscalité, cadre réglementaire et légal de l’activité), de la gestion de ressources humaines...

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19e arrondissement de Paris au petit matin. Le rendez-vous est donné devant un immeuble résidentiel, à première vue plutôt agréable. En réalité, l’endroit se situe au sous-sol, sans fenêtre, dans un atelier, visiblement une ancienne cave. Le décor est sommaire : une table, trois chaises, une affiche du film « L’affaire SK1 » récupérée à la brigade criminelle, un calendrier de la préfecture de police de Paris et un pack de bière. C’est là que le pénaliste David Père, avocat au barreau de Paris, prépare ses clients à l’épreuve que constitue une garde à vue (GAV). « J’ai organisé une mise en situation au plus près de la vérité, un peu théâtrale,  juridique et psychologique, afin que les cols blancs qui n’ont pas l’habitude de la brigade financière ou des offices centraux comprennent un peu mieux les codes, les rituels de la GAV et soient le moins possible déstabilisés par cette épreuve, pour travailler le fond plus sereinement », explique ce pénaliste. Le ton est donné. Cette simulation à la garde à vue ne va pas être simplement théorique. Pour lui, en tant que conseil habitué des gardes à vue et de la procédure pénale depuis une dizaine d’années, il est de son rôle de préparer psychologiquement ses clients à ce qui les attend. « Je suis particulièrement sceptique concernant les formations de groupes. D’expérience, je considère qu’il est très insuffisant et presque dangereux de ne préparer son client que de façon théorique », dénonce-t-il. Et il ne fait pas semblant.

Chaque détail compte

Ainsi, en amont de la convocation en garde à vue, ses clients vont se plier à l’exercice, sur une journée, le plus sérieusement possible. Arrivée devant la porte, une personne fait entrer le client dans le local, lui remet en mains propres une déclaration des droits dans une langue qu’il comprend, puis lui prend ses empreintes digitales. Le téléphone portable est ensuite saisi ainsi que les éventuels ceinture et lacets des chaussures. La garde à vue peut commencer. Et elle débute par un interrogatoire de personnalité. Comme dans la réalité, le client va voir toute sa vie privée décortiquée par l’homme qui en l’espèce est son avocat, mais qui plus tard sera un officier de police judiciaire. « En garde à vue, le col blanc se retrouve sans ses attributs de pouvoirs. L’interrogatoire de personnalité est très intrusif et souvent mal vécu », développe David Père.

Pour coller au plus près de la réalité, le pénaliste prépare son dossier, se renseigne afin de savoir par qui sera interrogé son client en garde à vue. Il va adapter la situation avec les éléments réels qui sont en sa possession. Ainsi, par exemple, si l’officier de police est une femme, l’interrogatoire sera aussi effectué par une femme durant la mise en situation. Tout au long de la journée, le dossier du client est repris point par point, afin de mieux anticiper les éléments les plus importants.

Une simulation, pas une formation

Cet exercice ne fausserait-il pas les enjeux de la véritable garde à vue ? Cette simulation cousue main et personnalisée pourrait être, effectivement, perçue comme une quasi répétition. « Mon propos n’est pas de dire qu’il faut former les futurs gardés à vue à mentir. En garde à vue les policiers sont très aguerris et ils peuvent vous faire dire des choses qui ne correspondent pas du tout à ce qui est votre réalité », se défend David Père. « La simulation a été fondamentale. J’ai pu m’immerger de ce qu’allait être ma GAV. J’ai pu comprendre tout l’environnement, la tension créée, la notion du temps qui n’existe plus », témoigne le dirigeant d’une PME de marketing digital, qui a fait l’expérience de 32 heures de garde à vue. L’objectif serait donc plutôt d’établir rapidement un axe de défense face aux autorités, en anticipant en quelque sorte le rôle de l’avocat. En effet, ce dernier, même s’il a le droit d’être présent en garde à vue depuis 2011, a pour mission avant tout de veiller à ce que les droits de son client soient respectés. La garde à vue n’est pas le moment propice pour un avocat de constituer une défense.

Ce procédé de mise en condition réelle n’est pas, pour autant,  infaillible et a ses limites. La nuit en garde à vue dans une cellule, seul ou à plusieurs, reste l’étape la moins prévisible et la plus difficile à vivre pour le convoqué. Ainsi et quelle que soit la préparation antérieure, l’avocat ne pourra pas empêcher son client de regretter ce qui aura été dit… Le cauchemar de tout pénaliste.

Delphine Iweins
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