Votre dispositif d'alerte interne est-il optimal ?

Votre dispositif d'alerte interne est-il optimal ?

06.12.2018

Gestion d'entreprise

Ouverture aux tiers, anonymat, communication interne, traitement du signalement, etc. Deux ans après la loi Sapin II, il est temps de faire un point d'étape sur votre programme de compliance, et en particulier sur la mise en place du dispositif d'alerte interne obligatoire.

Vécu pour certains comme une « boîte à délation », le dispositif d’alerte est avant tout un « outil de prévention et de dissuasion », rassure Xavier Guizot, directeur risks & compliance group chez Carrefour, à l'occasion du Campus Afje 2018 organisé le 30 novembre dernier. « C’est une gigantesque caméra qui permet aux salariés de porter le regard sur ce qui est inapproprié. Et les personnes qui se savent observer font, en principe, moins de bêtises ». Un outil dissuasif à condition de bien réfléchir à ses modalités de mise en œuvre.

Première question à se poser : comment assurer la cohérence entre les différents dispositifs ? « Il est possible d’avoir un seul dispositif d’alerte qui traite tous les sujets (Sapin II, devoir de vigilance, harcèlement, discrimination) », estime William Feugère, avocat au barreau de Paris et président fondateur de d’Ethicorp.org, une plateforme de réception et de traitement des alertes entièrement gérée par des avocats.

Démultiplier les moyens techniques

« Faites d’abord une revue des dispositifs existants », conseille Xavier Guizot. Regarder ce qui existe déjà dans l’entreprise, puis réfléchir aux objectifs recherchés par la mise en place d’un nouveau dispositif. « Il ne doit pas être là pour remplacer l’existant, il peut s’y ajouter », confirme William Feugère. Selon l’avocat, il faut surtout bien faire comprendre aux IRP (instances représentatives du personnel) et au département RH qu’ils ne perdent pas leurs prérogatives en matière de protection et de sécurité des salariés.

En revanche, « ne fermez pas le dispositif d’alerte au salarié qui souhaite, par exemple, dénoncer des actes constitutifs de discrimination au motif qu’il existe déjà un dispositif dédié », prévient William Feugère. « Laissez le plus de liberté possible au lanceur d’alerte et n’ajoutez pas de strates trop compliquées ! ». D’ailleurs, sur les moyens techniques qui lui sont offerts, l’avocat recommande « leur démultiplication ». Téléphone, mail, site internet dédié, application mobile, etc.

Le plus important est de protéger la confidentialité liée à l’identité du lanceur d’alerte, celle de la personne visée, ainsi que l’information (l’infraction) objet du signalement. En cas de non-respect, la loi prévoit en effet des sanctions importantes (jusqu'à 2 ans de prison et 15 000 € d'amende, voire 30 000 € en cas de procédure abusive en diffamation).

Beaucoup d’alertes lancées par des juristes

Sur les modalités de recueil des alertes, l’ouverture aux tiers est vivement conseillée.

« Fournisseurs, clients, prestataires, etc. S’il y a un problème, le lanceur d’alerte enverra de toute façon un courrier anonyme ultra-documenté au président ».

Et concernant l’anonymat justement, l’avocat encourage, « à titre personnel », à mettre en place un dispositif qui le permette.

Sur sa plateforme, il remarque toutefois que beaucoup d’alertes sont lancées par des juristes d’entreprises ou des IRP. Une façon de s’assurer que « l’alerte ne sera pas enterrée et qu’il y aura un suivi ».

Rassurer le lanceur d’alerte

Un reporting devra d’ailleurs être fait, en interne, après le signalement, conseille Xavier Guizot. Il faudra notamment communiquer sur les suites qui y sont données : les éventuelles décisions et/ ou les sanctions prononcées à l’encontre de la personne visée par l’alerte.

Et auprès du lanceur d’alerte ? Il faudra le « rassurer ». Quel que soit le système mis en place, un accusé de réception devra lui être envoyé dès transmission de l’alerte. « Vous pourrez ensuite lui envoyer une avancée d’étape, et lui dire qu’une enquête interne est en cours, ou qu’une procédure en justice est envisagée ». Et si l’entreprise décide de ne pas ouvrir d’enquête ? Il faudra lui en expliquer les raisons. Par exemple, « qu’il manque certains éléments, mais qu’il pourra les apporter ultérieurement ». Cela permet à l’entreprise de temporiser avant que l’alerte ne passe aux voies externes prévues par la loi Sapin II : transmission aux autorités judiciaires ou administratives puis aux médias (étape 2), ONG ou syndicats (étape 3).

Leslie Brassac

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