Structuration, organisation, communication, digitalisation … Le legal ops est un couteau-suisse désormais incontournable dans l’accompagnement des directions juridiques. Delphine Bordier, experte en legal operations, nous explique tout sur ce métier en plein boum.
Comment définiriez-vous la fonction de legal ops ?
Gestion d'entreprise
La gestion d’entreprise constitue l’essentiel de l’activité d’un dirigeant d’entreprise. Elle fait appel à un grand nombre de notions empruntées de la comptabilité, de la finance (gestion des risques au moyen de la gestion des actifs et des assurances professionnelles), du droit des affaires (statut juridique, contrats commerciaux, fiscalité, cadre réglementaire et légal de l’activité), de la gestion de ressources humaines...
C’est l’art de structurer et d’organiser l’ensemble des activités de la DJ pour que celle-ci soit plus efficace, plus visible et donc mieux positionnée dans la direction. La fonction de legal ops permet d’améliorer la qualité de services auprès des opérationnels. Les juristes peuvent en effet consacrer plus de temps à des missions juridiques importantes et à forte valeur ajoutée (conseil, gestion des risques, accompagnement sur des enjeux stratégiques…) et moins à des tâches chronophages.
Mais le legal ops a également un rôle humain. Il gère l’organisation, améliore la qualité des services, soutient les juristes dans leur quotidien et fluidifie les relations entre la DJ et les autres directions. A travers mes expériences, je l’ai constaté : le legal ops apporte du bien-être aux entreprises. Il n’est pas là que pour la digitalisation. Puisqu’il structure la direction juridique, il permet de retenir des talents et d’en faire venir de nouveaux. Son rôle est très utile et ce, dès la création de la direction juridique. C’est d’ailleurs le modèle suivi aux Etats-Unis. Le principe est le suivant : structurer la DJ avant d’embaucher. En France c’est le contraire, on recrute (pour faire croître le business) puis on structure les fonctions.
Comment les DJ perçoivent-elles aujourd'hui le legal ops ? Entendez-vous des idées reçues ?
La plupart des DJ connaissent ou ont entendu parler des legal ops. Elles savent qu’ils peuvent leur faire gagner du temps mais elles ont du mal à voir l’impact opérationnel direct. Souvent, les DJ craignent que le legal ops n’ait qu’un rôle purement technologique. J’entends aussi que seuls les grands groupes en ont besoin. Ce qui est absolument faux : peu importe la taille de la DJ, le legal ops est un levier indispensable. Il peut y avoir aussi un frein psychologique résultant notamment de la peur du changement, d’être dépassé ou de ne pas bien cerner le profil. Enfin, les DJ arguent aussi souvent du manque de budget.
Dans votre activité, quelles sont vos principales missions ?
J’interviens comme manager de transition pour des missions d’une durée de 6 mois à 1 an, ce qui constitue le temps nécessaire pour résoudre un ou plusieurs sujets organisationnels. Je commence toujours par un état des lieux pour comprendre comment est organisée la DJ, quels outils elle utilise et comment. Ensuite, je fais plusieurs recommandations (process à mettre en place, outils digitaux, etc.) qui sont suivies ou non selon l’ordre des priorités. Il faut également créer du lien avec les autres départements. Je définis des projets globaux et je pilote des projets (knowledge management, communication, CLM (Contract lifecycle management). Enfin, j’accompagne les équipes dans leur restructuration.
Une mission de courte durée permet-elle de réaliser beaucoup de changements dans la DJ ?
Tout dépend de la mission et des priorités. Une fois que les recommandations sont faites, il faut choisir. Certains projets peuvent rapidement être mis en place. C’est le cas notamment du « ticketing » qui permet de saisir toutes les demandes qui arrivent à la DJ sur un support unique. Cet outil permet d’éviter les envois dispersés par mail, messagerie instantanée, téléphone, etc. Il fait gagner beaucoup de temps par semaine et permet de savoir qui saisit, à quelle fréquence et sur quels sujets. En revanche, d’autres projets peuvent être plus longs comme l’implémentation d’un CLM.
Dans tous les cas, le legal ops doit bien délimiter la mission. Je crois beaucoup à la méthode des petits pas. Ne pas essayer de faire trop gros tout de suite. Sur une période de 6 mois à 1 an, vous pouvez déjà faire beaucoup de choses.
Avez-vous un exemple de projet structurant que vous avez mené durant vos missions ?
Tous les projets sont importants mais parmi les plus visibles figure l’implémentation de CLM. C’est un sujet qui concerne non seulement la DJ mais également ses utilisateurs. Il faut le faire comprendre dès le début aux juristes. L’outil doit être certes utile pour eux mais les fonctionnalités doivent remplir des exigences et contraintes des autres utilisateurs. Dans le process, on peut commencer par le « ticketing » jusqu’à qui s’occupe du contrat, sa signature, son archivage et même des alertes. Tout le cycle du contrat est engagé. Il s’agit d’un outil incontournable et très impactant quand le projet est bien mené.
Comment collaborez-vous avec la DJ ? Avec les autres directions ?
Le legal ops travaille beaucoup avec la DSI. Il est là aussi pour faire le pont avec d’autres fonctions comme les achats, la finance et le marketing aussi qui est un gros donneur d’ordres pour la DJ. Le legal ops doit rencontrer toutes ces fonctions et traduire leurs besoins pour les juristes. De l’autre côté, il doit aider les juristes à parler un même langage opérationnel pour que les projets soient efficaces. Ce que je trouve passionnant c’est la conduite du changement. Il ne suffit pas d’avoir le bon outil, il faut embarquer toute l’équipe. Il faut savoir emmener toutes les directions avec lesquelles la DJ a des interactions.
Quels conseils donneriez-vous à une DJ qui veut structurer une fonction de legal ops ?
D’abord, je recommanderais de commencer petit, d’identifier un chantier à forte valeur ajoutée et à impact rapide. Si la DJ a des résultats et des chiffres, elle embarque ensuite le comex et le codir. Ensuite, je conseillerais de dédramatiser la transformation à venir. Il ne faut pas craindre de rater. Au contraire, il faut s’aligner sur la réalité du quotidien. Chaque avancée, même modeste, légitime le projet. Il faut également travailler la communication interne. Il ne suffit pas de savoir faire, il faut faire savoir. Enfin, la DJ doit éviter de rester seule. Elle doit impliquer les équipes dès le début. Le dialogue est un facilitateur donc autant impliquer les bonnes personnes, au bon endroit et au bon moment.
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