«Certaines sûretés sont désormais codifiées dans le code civil», Juliette Mongin

«Certaines sûretés sont désormais codifiées dans le code civil», Juliette Mongin

19.09.2021

Gestion d'entreprise

Juliette Mongin, chef du bureau du droit des obligations au sein de la Direction des affaires civiles et du sceau du ministère de la justice, nous explique les principaux points à retenir de la réforme des sûretés.

Prise sur le fondement de la loi PACTE, l'ordonnance du 15 septembre 2021 portant réforme du droit des sûretés a été publiée jeudi dernier au JO. Des sûretés jugées obsolètes, voire inutiles... La réforme de la matière, attendue depuis plus d'une dizaine d'années, vise notamment à accroître l'attractivité du droit français à l'étranger. 

Pouvez-vous revenir sur la genèse de la réforme ?

L’objectif est de parachever la modernisation des sûretés qui a été initiée par l’ordonnance du 23 mars 2006. Elle apparaissait incomplète car certaines sûretés avaient été laissées de côté, tandis que d’autres devaient faire l’objet d’adaptations et de clarifications. Certaines étaient également apparues comme inutiles ou obsolètes. A la suite de ce constat, la question d’une nouvelle réforme des sûretés s’est posée.

La DACS a demandé à une commission présidée par le professeur Michel Grimaldi d’élaborer un avant-projet de réforme, remis en 2017 et soumis à consultation publique en 2019. Le Gouvernement a alors élaboré un avant-projet de texte qui a lui-même été soumis à consultation à la fin de l’année 2020. L’ordonnance a été finalisée en s’appuyant sur les retours de consultation.

Quels sont les principaux objectifs de l’ordonnance ?

Le premier est de renforcer la sécurité juridique en rendant plus simple, plus lisible et plus prévisible le droit des sûretés. Cela passe par la modernisation de textes très anciens qui peuvent dater de 1804 pour certains. Différentes dispositions, qui étaient éparpillées dans divers codes, sont rassemblés dans le code civil. On pense notamment à l’obligation d’information de la caution, dont le champ d’application, le contenu et les sanctions sont unifiés au sein du code civil.

Le deuxième objectif est de renforcer l’efficacité des sûretés. Les sûretés ont pour objet de permettre au créancier d’être désintéressé en cas de défaillance du débiteur. Cela a une forte importance pour les entreprises. Toutefois, conformément aux termes de l’habilitation donnée par le Parlement, l’ordonnance tend à assurer un équilibre entre les différents intérêts en présence en maintenant une protection élevée des personnes qui constituent des sûretés.

Enfin, le dernier objectif est de renforcer l’attractivité du droit français. Le fait de rendre le droit des sûretés plus lisible y participe, notamment par l’abrogation de certaines sûretés inutiles ou obsolètes. Différents warrants (hôteliers, pétroliers, stocks de guerre, industriels), certains privilèges mobiliers et immobiliers ainsi que différentes sûretés (nantissement de l’outillage et du matériel d’équipement, gage de stocks) sont abrogés. L’attractivité du droit français sur le plan international passe aussi par la volonté de mettre en place un registre unique des sûretés mobilières.

Pour vous, quels sont les points marquants pour les entreprises ?

Les entreprises peuvent être intéressées à un double titre par cette réforme, en tant que créancières quand elles doivent se prémunir de la défaillance de leurs débiteurs, et en tant que débitrices quand elles doivent fournir une sûreté à la demande de leurs créanciers.

A titre d’exemple, on peut citer la possibilité de conclure des sûretés de manière dématérialisée, qui n’étaient jusque-là admise que pour les personnes agissant pour les besoins de leur profession.
Concernant le cautionnement, il y a une réelle volonté de simplification notamment s’agissant de l’obligation d’information, la mention devant être rédigée par la caution, la disproportion, qui étaient éparpillées dans plusieurs codes. Aujourd’hui, elles sont insérées dans le code civil avec une règle unique. La mention fait l’objet d’un assouplissement de ses règles. La protection des garants n’est toutefois pas remise en cause  puisque cette mention est toujours exigée à titre de validité du cautionnement et pourra bénéficier à toutes les cautions personnes physiques quelle que  soit la qualité du créancier.
Concernant les sûretés mobilières, on peut faire mention de l’admission du gage portant sur des immeubles par destination. Alors qu’une telle possibilité n’était admise que pour certaines sûretés, elle est désormais généralisée.

Certaines sûretés sont désormais codifiées dans le code civil :

  • la cession de créances à titre de garantie (jusque-là seulement admise au profit des établissements bancaires),
  • la cession de sommes d’argent à titre de garantie. C’est ce qu’on appelle communément le gage-espèces, qui voit aujourd’hui son régime précisé.

Comment le gage-espèces est-il désormais encadré ?  

Aujourd’hui, le gage-espèces est largement pratiqué. Or, en l’absence de texte, il peut toujours exister une incertitude sur sa qualification ou sa validité. Le fait de le consacrer dans le code civil va être source de sécurité juridique. Cela permettra par ailleurs d’accroitre l’attractivité internationale du droit français.  Ainsi, les nouvelles dispositions prévues au code civil lui confèrent un fondement textuel en le définissant et en précisant ses conditions de formation et ses effets.

Le gage pourra désormais porter sur tous les immeubles par destination. C’est une innovation attendue pour les entreprises ?

Un tel gage représente un élément important pour le financement des entreprises. Il pourra s’appliquer aux biens d’une valeur importante, qui ont vocation à être intégrés à des immeubles : turbines, transformateurs, panneaux solaires, parcs éoliens, etc.

Les sûretés pourront désormais être conclues par voie électronique. Concrètement, comment cela va fonctionner ?

En l’état actuel du droit positif, les actes sous signature privée pouvaient être conclus par voie électronique. Il existait toutefois, dans un souci de protection des constituants, une interdiction pour les sûretés, sauf pour les personnes agissant pour les besoins de leur profession. Désormais, les sûretés pourront toujours être conclues de manière électronique selon les règles classiques de droit commun applicables aux actes sous signature privée, les exigences formelles à chaque sûreté continuant toutefois à s’appliquer. Si le cautionnement est souscrit par une personne physique, la mention devra donc bien être apposée, mais elle le sera sous forme électronique.

A quoi servira le nouveau registre unique des sûretés mobilières ?

Il existe aujourd’hui plusieurs registres et les règles de publicité des sûretés diffèrent. L’idée est d’avoir un registre unique qui permet d’avoir accès, pour une personne ou une entreprise, à l’ensemble des sûretés existantes. Les règles de publicité de ces sûretés seront harmonisées. Un décret en Conseil d’Etat viendra déterminer les modalités de ce registre.

Dans quels délais la réforme s’appliquera-t-elle ?

La reforme entrera en vigueur le 1er janvier 2022. Toutes ces nouvelles règles s’appliqueront en principe aux nouveaux contrats conclus à partir de cette date.

S’agissant des cautionnements, le texte prévoit expressément la survie de la loi ancienne : les cautionnements conclus antérieurement demeurent soumis à la loi en vigueur au jour de leur conclusion. Il est prévu une exception pour les règles liées à l’obligation d’information qui s’appliqueront immédiatement à compter du 1er janvier 2022.

Pour les sûretés réelles, l’ordonnance ne contient pas de règles spécifiques. Les règles habituelles de droit transitoire s’appliqueront donc : application immédiate ou survie de la loi ancienne selon les cas avec toutefois une règle spécifique pour les privilèges spéciaux immobiliers.

propos recueillis par Leslie Brassac

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