«L’idéal serait d’avoir un outil comme Légifrance au niveau européen», Valérie Gomez-Bassac

«L’idéal serait d’avoir un outil comme Légifrance au niveau européen», Valérie Gomez-Bassac

26.07.2019

Gestion d'entreprise

Harmoniser des pans du droit, créer une SAS européenne, donner l'accès à des contrats-types européens. Tels sont les objectifs de la création d'un code européen des affaires. Explications avec la députée Valérie Gomez-Bassac.

Avocate spécialisée en droit des affaires et maitre de conférences à l’université de droit de Toulon, la députée Valérie Gomez-Bassac (LREM, Var), membre de la commission des Affaires européennes, a remis le 8 juillet dernier son rapport sur l'élaboration d'un code européen des affaires

Comment ce projet de code européen des affaires est-il né ?

Lorsque suis devenue députée, j’ai été en charge du rapport sur les consultations citoyennes pour la refondation de l’Europe. Lors de ces consultations organisées sur tout le territoire, j’ai vu des entreprises qui faisaient le même constat :

  • Elles avaient du mal à avoir accès aux réglementations européennes,
  • La différence de règles d’un État à un autre en termes législatif ou technique rendait leur implantation difficile.

C’est un constat fait sur du long terme. Les entreprises ont envie de s’externaliser et de profiter du marché européen mais elles n’y parviennent pas. J’en ai discuté avec Nathalie Loiseau, qui s’est intéressée au sujet. Une mission m’a alors été confiée par le Premier ministre, M. Edouard Philippe.

Qui avez-vous rencontré ?

J’ai auditionné des entreprises, des fédérations professionnelles, la CPME, CCI France, le Medef, des think tank, des universitaires, des juristes, des économistes... J’ai également rencontré, dans d’autres États, ces mêmes profils ainsi que des représentants politiques afin de voir comment ils ressentaient ce besoin et ce manque d’égalité entre les entreprises sur l’accès au marché européen.

Tous ont reconnu que le fait d’avoir des règlementations différentes fausse la concurrence. D’un côté, les grandes entreprises ont les moyens financiers d’avoir un arsenal juridique pour s’implanter ailleurs. Ce que n’ont pas les plus petites structures.

Toutes m’ont dit que dans certains secteurs, il y avait une envie d’essayer d’aller sur d’autres marchés sans y parvenir. La plupart avait envie de s’impliquer dans l’élaboration de ce rapport et de montrer comment faire pour faciliter cette mobilité de l’entreprise.

Certaines start-up préfèrent par exemple aller directement s’établir aux USA car il y existe une loi fédérale commerciale. Et elles préfèrent revenir en Europe après. C’est plus facile que de s’approprier d’abord le marché européen. Les fédérations professionnelles avaient pour crainte que je veuille ajouter de la réglementation à la réglementation. Je ne le souhaite pas.

L’objectif pour les grandes entreprises françaises et européennes ?

L’objectif est d’être concurrentiel face aux autres États (USA, Chine, etc.). Pour les grandes entreprises, cela leur permettrait de travailler avec plus de souplesse. Cela introduirait une plus grande sécurité juridique.

Quelles sont vos recommandations principales ?

Je propose trois axes :

  • Le premier axe est la « codification-compilation ». Cela revient à réunir tous les textes existants, règlements, directives, etc.  De voir comment ils sont retranscrits dans chaque État dans les différentes langues. L’idéal serait d’avoir un outil comme Legifrance au niveau européen afin de rendre l’information plus accessible. Des travaux de la Commission sont faits en ce sens mais ils n’ont pas encore abouti.
  • Le second axe, c’est la « codification-modification ». C’est le fait d’harmoniser des pans du droit là où on peut le faire. Cela permettra d’identifier les réglementations contradictoires ou des droits que l’on pourrait harmoniser sans que ce soit trop clivant ou que cela crée des tensions. Par exemple, le droit de la distribution ou le droit des nouvelles technologies.
  • Le 3e axe, c’est de faire un « package », du sur-mesure,  pour les petites entreprises. Je propose de créer une forme de société - je parle de la SAS européenne - car c’est une forme contractuelle souple qui pourrait s’adapter assez bien à toutes les législations. Dès lors qu’une entreprise choisirait cette forme juridique, elle aurait accès à des contrats-types : bail, assurance, CGV, hypothèque, etc. Quel que soit l’endroit où elle s’implante, elle bénéficierait de ce package.

Les entreprises existantes pourraient également avoir accès à ces outils dans des conditions préférables, sans avoir le coût de transformation de société.

Comment procéderez-vous ?

Pour ce faire, je créerai trois commissions avec, au-dessus, un comité de coordination de façon à ce que les travaux des commissions soient complémentaires.

Tout cela serait optionnel dans un premier temps. Il y a des droits auxquels il ne faut pas toucher (comme le droit fiscal ou le droit social), même si les entreprises ont une réelle envie d’harmonisation dans ces domaines.

Quelles sont les prochaines étapes ?

J’ai rendu mon rapport au ministre de l'Europe et des Affaires étrangères, M. Le Drian, qui m’a dit qu’il allait établir une feuille de route. A la rentrée, je vais présenter le rapport aux différentes commissions. Je vais voir également les députés européens afin de savoir ce qu’ils en pensent et comment cela pourrait être porté par la Commission.

Comment les juristes d’entreprises peuvent appréhender ce projet de code européen ?

L’idée est qu’ils participent à son élaboration avec toutes les parties prenantes.

propos recueillis par Leslie Brassac

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