«Si l’entreprise ne ferme pas à la suite d’un cas détecté, la responsabilité du dirigeant pourra être engagée», Laurent Cotret

«Si l’entreprise ne ferme pas à la suite d’un cas détecté, la responsabilité du dirigeant pourra être engagée», Laurent Cotret

23.03.2020

Gestion d'entreprise

Dans les entreprises qui poursuivent leur activité, de nombreux salariés font valoir leur droit de retrait. La force majeure s'applique-t-elle si les salariés exercent tous leur droit de retrait ? Quelle responsabilité si l'un d'eux est contaminé ? Laurent Cotret, avocat associé chez August Debouzy, fait le point.

En cette période de crise sanitaire, de nombreuses interrogations se posent concernant la responsabilité des entreprises vis-à-vis de leurs salariés lorsque ces derniers doivent poursuivre leur activité.

Gestion d'entreprise

La gestion d’entreprise constitue l’essentiel de l’activité d’un dirigeant d’entreprise. Elle fait appel à un grand nombre de notions empruntées de la comptabilité, de la finance (gestion des risques au moyen de la gestion des actifs et des assurances professionnelles), du droit des affaires (statut juridique, contrats commerciaux, fiscalité, cadre réglementaire et légal de l’activité), de la gestion de ressources humaines...

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Le ministre de l'Économie et des Finances a appelé les salariés des secteurs essentiels à se rendre sur leur lieu de travailQuels sont les secteurs concernés par cette obligation ?

Nous constatons chez beaucoup de nos clients que de nombreux salariés ne se rendent pas dans les entreprises. Ils ne télétravaillent pas et ils font valoir des arrêts maladie ou leur droit de retrait en nombre. Le gouvernement a donc lancé cet appel afin que la productivité du pays ne soit pas totalement à l’arrêt. Cela serait en effet inquiétant, notamment pour les secteurs stratégiques : les entreprises qui produisent de l’alimentation, les sociétés de ménages dans les hôpitaux, etc.

Le télétravail s’applique à tous les salariés qui le peuvent. Tous les autres secteurs de production ne peuvent donc en principe pas s’arrêter. Certaines entreprises, comme Peugeot ou Renault, ont pris des mesures d’arrêt car il existe un risque sanitaire trop important. Chez Orange également, car il y a eu plusieurs cas de contamination sur certains sites. Ce sont des mesures prudentielles propres à chaque entreprise.

Si l’un des salariés est contaminé par le virus, peut-il engager la responsabilité de son employeur ?

Si un salarié est contaminé au sein de l’entreprise, il y a de fortes chances que l’entreprise ferme. La prudence requiert de fermer l’unité de production concernée.

Pour engager la responsabilité de l’entreprise, le salarié devra toutefois démontrer plusieurs choses : que l’entreprise n’a pas pris les mesures essentielles de précaution. Il devra alors démontrer que l’employeur n’a pas mis à sa disposition de gel hydroalcoolique, de masque, de combinaison, etc. Et surtout, le salarié devra prouver qu’il a été contaminé sur son lieu de travail, ce qui n’est pas chose aisée.

Le salarié qui refuse d’aller travailler en faisant valoir son droit de retrait s’expose-t-il à des sanctions disciplinaires ?

Le droit de retrait ne doit pas être abusif. Pour être valable, il doit être motivé. Or, si l’entreprise a mis en œuvre tous les moyens nécessaires pour assurer la protection de ses salariés (masques, gel hydroalcoolique, respect des distances de sécurité, etc.), le droit de retrait pourra être considéré comme abusif. A l’inverse, si ces conditions ne sont pas remplies, le droit de retrait peut se faire valoir.

Et si l’entreprise refuse de fermer ses locaux ?

Si l’entreprise ne ferme pas à la suite d’un ou plusieurs cas détectés sur l’un de ses sites, dans ce cas, la responsabilité du chef d’entreprise pourra être engagée dans l’hypothèse où il ne tient pas compte strictement des recommandations sanitaires applicables à ce cas de figure. Dans ce cas, le dirigeant doit donc bien appliquer le principe de sécurité renforcé. L’employeur doit redoubler de vigilance et bien contrôler que les employés désinfectent avant et après leur travail, qu’ils portent des combinaisons, etc. Sinon, sa responsabilité pourra être engagée. Par exemple, chez Orange, il y a eu 9 cas de contaminations avérés, l’entreprise a fermé le site concerné.

Si tous les salariés d’un site exercent leur droit de retrait, l’entreprise peut-elle évoquer la force majeure vis-à-vis de ses cocontractants ?

Cela dépend. S'il a pris toutes les précautions en termes de sécurité et que les salariés font valoir leur droit de retrait, le dirigeant pourra évoquer la force majeure pour ne pas exécuter ses obligations contractuelles. Si à l’inverse, il n’a pas fait le nécessaire et que ses salariés évoquent le droit de retrait, il sera difficile de faire valoir la force majeure.

Leslie Brassac
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