[5/5] Réussir ses vacances et sa rentrée : les conseils de Ségolène Amiot, députée et ex-secrétaire de CHSCT

[5/5] Réussir ses vacances et sa rentrée : les conseils de Ségolène Amiot, députée et ex-secrétaire de CHSCT

26.07.2022

Représentants du personnel

Fatigue physique et mentale, collectifs éparpillés, stress du travail et du mandat avec de multiples tâches et pas assez de temps : vivement les vacances pour les représentants du personnel comme pour les salariés ! Quels conseils suivre pour profiter au mieux de la pause estivale ? Et que faire pour une rentrée réussie dans les CSE ? Voici les réponses de Ségolène Amiot, devenue députée (LFI, Nupes) après avoir été secrétaire de CHSCT. Surprenant, son récit de la découverte de l'Assemblée et du travail de députée...

Petit rappel pour donner le contexte de cette interview : vous avez été secrétaire du CHSCT d'un centre d'appel et vous faites partie des quelques salariés et élus du personnel qui sont devenus députés lors des législatives de juin 2022. Vous n'êtes pas encore en vacance parlementaire ? 

Non ! Et je ne sais pas encore quand je pourrais prendre des vacances. Peut-être tout au plus pourrais-je prendre 5 jours en août ! La session parlementaire s'arrête le 7 ou 8 août, mais après, j'ai devant moi tout un travail à faire dans ma circonscription de la région de Nantes, travail que je n'ai guère eu le temps de commencer.

La semaine dernière, nous avons dû faire une centaine d'heures ! 

 

 

La semaine dernière, nous avons dû passer au moins 60 heures dans l'hémicycle, sans compter tout le travail autour. Quand on arrive en séance, nous avons préparé nos dossiers en amont, nous faisons des rencontres, nous travaillons en commission, etc. :  nous ne devons pas être loin d'une centaine d'heures de travail la semaine passée !

Vous n'êtes guère dans les clous du code du travail !
(Rires) Le droit du travail ne s'applique pas aux députés !
Avez-vous été surprise par l'Assemblée nationale ?
Je ne sais pas si j'ai été surprise, mais je me suis prise de plein fouet - comment dire ?- une lutte des classes perdue du fait du décorum de l'Assemblée. Ces lieux sont très imposants...
Une "lutte des classes perdue" ?!
Ce que je veux dire, c'est que ce n'est pas un lieu neutre. Nous évoluons sur un terrain très bourgeois, dans un palais, le palais Bourbon, qui porte d'ailleurs très bien son nom ! Un palais avec toutes ses richesses, ses statues et ses pièces sublimes, mais avec, aussi, tout un protocole et un décorum très éloignés des milieux populaires : les huissiers, le personnel, etc.
 Nous sommes dans un palais très bourgeois

 

 

Au-delà de cet aspect, je dois souligner que le travail parlementaire, c'est beaucoup, beaucoup, beaucoup de travail, les gens n'imaginent pas à quel point ! Je sais bien que la période est un peu exceptionnelle mais quand même...Nous avons eu des projets de loi qui avaient été déposés et qu'il fallait examiner en urgence. Là où normalement nous aurions eu 6 semaines pour décortiquer un projet de loi, préparer des amendements pour le modifier, nous n'avons pour le faire que quelques jours du fait de la procédure accélérée (1).

Que signifier travailler beaucoup quand on est député ?

Il n'y a pas de journée type, mais en ce moment, je commence ma journée à 7h ou 8h et je finis à 2h du matin, avec à peine le temps de manger dans la journée. Ce matin, j'ai eu une réunion avec les membres de ma commission (2), une deuxième réunion avec les membres de mon groupe politique (Ndlr : LFI, la France insoumise), un déjeuner de travail pendant lequel j'ai fait une audition.

En ce moment, je commence à 7h et finis à 2h du matin 

 

 

Ensuite j'ai pris une heure avec mon équipe pour préparer les deux jours à venir, travailler mes interventions, demander certaines recherches pour la question orale que je vais poser aujourd'hui sur les fonctionnaires territoriaux en Polynésie, à l'occasion d'un projet de loi sur ce thème. Aujourd'hui nous devions aussi avoir deux auditions de ministres, mais elles ont été reportées. Cela m'a permis d'éviter de choisir entre plusieurs rendez-vous, et ça arrive très fréquemment d'être inscrite à plusieurs endroits en même temps, en commission et dans l'hémicycle, par exemple. 

Quel regard portez-vous, comme députée et comme ancienne élue du personnel, sur les projets de loi concernant le pouvoir d'achat et le budget rectificatif ?

En tant qu'ancienne élue du personnel, j'ai une grande frustration. Nous avions l'occasion, qui a été ratée, d'obtenir de vraies avancées sociales, notamment sur l'augmentation du Smic à 1 500€ et sur l'obligation qu'auraient pu avoir les branches de renégocier leurs grilles en tenant compte de ce nouveau seuil.

Nous avons raté l'occasion de porter le Smic à 1 500€ 

 

 

Mais c'est très compliqué, depuis l'opposition, où nous représentons tout de même avec la Nupes (Ndlr : la nouvelle union populaire, écologique et sociale, dont fait partie LFI, la France insoumise) 150 députés, c'est très compliqué de se faire entendre. Nous avons eu la chance de présenter quelques positions consensuelles avec des groupes comme Les Républicains, qui ont permis de faire voter quelques amendements, comme par exemple la compensation du RSA : l'Etat devra compenser auprès des collectivités locales qui gèrent le revenu social d'insertion le coût de l'augmentation du RSA. Encore faut-il être tous présents dans l'hémicycle pour faire voter ce type d'amendements, ce qui n'est pas évident quand les séances se poursuivent après minuit jusqu'à 6 heures du matin. A croire qu'aucun député n'a d'enfant ni de vie de famille !

Même les partenaires sociaux, dans leur dernière négociation sur le paritarisme (lire notre article), ont convenu qu'il fallait tenir compte pour les horaires de négociation de l'équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle...

A l'Assemblée, nous en sommes loin ! C'était d'ailleurs l'objet de notre "coup de gueule" d'aujourd'hui. Avec mes collègues députées, nous avons marché vers l'hémicycle toutes cravatées. C'était, déjà, pour faire un clin d'oeil à Monsieur Ciotti qui nous trouve sales et débraillés et qui a fait une intervention pour demander qu'on impose la cravate aux messieurs.

Quand une femme prend la parole, très souvent elle n'est pas écoutée 

 

 

Mais c'était aussi pour souligner que de nombreuses femmes siègent à l'Assemblée, et que nous sommes dans une institution encore très masculine. Suivez les séances, vous verrez, c'est impressionnant : quand une femme prend la parole dans l'hémicyle, très souvent, elle n'est pas écoutée, les hommes papotent et un brouhaha s'élève juste à ce moment. Et certaines figures féminines comme Sandrine Rousseau et Aurélie Trouvé, sont systématiquement interrompues et moquées. Arriver en cravate, donc, pour nous, femmes députées, c'était faire passer ce message : ces pratiques sont d'un autre âge !

Mais revenons aux vacances. Quelles seraient pour vous les conditions d'un départ en vacances réussi ?

D'abord de savoir où je vais en vacances ! Après, un départ réussi pour moi, c'est de savoir que je vais pouvoir déconnecter, que mon téléphone ne va pas sonner, que je vais pouvoir me reposer, me consacrer à ma famille, découvrir un nouveau lieu, m'autoriser quelques escapades.

Et une rentrée réussie ressemblerait à quoi pour vous ? Quand vous étiez secrétaire d'un CHSCT, vous anticipiez votre départ et votre retour de vacances ?

Dans l'entreprise où j'étais, j'ai toujours eu des vacances en décalé. Je ne suis jamais partie en juillet et août, mais plutôt en septembre. Donc pour moi, partir en vacances l'esprit serein, cela signifiait m'assurer que tous les autres étaient bien rentrés. Et pour mon retour, ce qui comptait pour moi, c'était d'avoir suffisamment gonflé mes accus pour revenir avec le sourire, plein d'entrain et de bonne humeur pour repartir !

Avez-vous des conseils pour réussir sa rentrée en tant qu'élu du personnel ?

Mon conseil, c'est d'être dans l'anticipation, de ne pas se laisser surprendre, c'est-à-dire de partir en vacances en s'assurant que tous ses dossiers soient prêts pour la rentrée.

J'étais très vigilante pour anticiper, ne pas me laisser surprendre 

 

 

Comme secrétaire du CHSCT, j'étais très vigilante sur les éventuels projets de l'entreprise qui pourraient se retrouver dans un ordre du jour. Je m'assurais aussi que pendant mon absence, quelqu'un pouvait répondre aux questions des salariés, et que les salariés pouvaient le trouver facilement. Je programmais ma boite mail avec un message automatique renvoyant les salariés vers cette personne. Revenir à la rentrée avec des dossiers préparés, sans avoir à rattraper de retard, c'est important.

En tant que députée, avez-vous déjà des priorités pour la rentrée ?

Il me faut mettre en place mes permanences de députée dans ma circonscription, qui compte 8 communes, d'une petite partie de Nantes à Cordemais. Il me faudra tenir des permanences très régulièrement, donc nous travaillons sur le planning et l'organisation. Ma permanence devrait être inaugurée dans les quinze premiers jours de septembre mais j'y ferai un passage dès vendredi pour tenir une permanence publique en extérieur afin de rencontrer les citoyens et les électeurs de ma circonscription, dans l'idée d'ouvrir des cahiers de doléances. Il me faut aussi mettre en place mon équipe locale. J'ai la chance d'avoir pu travailler, pendant la campagne et depuis mon élection, avec mon suppléant, Olivier Magré, qui va être mon représentant local durant mon mandat.

Le mandat de député nécessite donc tout un travail collectif...

Seule, ce serait impossible ! Chaque jour, je reçois pas loin de deux kilos de courrier et plus de 150 e-mails, avec des gens qui se plaignent de ne pas avoir de réponse 4 à 5 jours après leur envoi...

 Je reçois 2 kg de courrier par jour

 

 

Ce sont des particuliers qui nous saisissent, mais aussi des entreprises, des associations, des lobbies,  d'autres consoeurs et confrères qui me soumettent des projets de tribunes ou autres. Impossible de traiter seule tout ce flux !  Aujourd'hui, nous sommes quatre : moi, mes deux collaborateurs et mon suppléant, et nous pourrions être cinq à la rentrée. 

Et sur le plan politique, avez-vous déjà fixé des priorités pour la rentrée parlementaire ?

Au sein de mon groupe parlementaire, nous travaillons en effet déjà sur des sujets comme la rentrée scolaire. Nous sommes très conscients de la difficulté d'avoir en septembre des instituteurs et professeurs dans toutes les classes. Pour tenter de faire débloquer des choses dans ma circonscription, nous sommes déjà avec lien avec le ministère, le rectorat, les enseignants et les parents d'élèves.

On commence à travailler sur l'assurance chômage 

 

 

Nous cherchons aussi à anticiper la présentation par le gouvernement, à la rentrée, d'un projet de loi qui devrait durcir à nouveau l'assurance chômage, nous faisons des recherches sur le sujet pour préparer le dossier, fixer des lignes rouges, entamer des argumentaires. Mais c'est seulement lorsque nous aurons le projet que nous pourrons, après l'avoir décortiqué, faire des contre-propositions plus précises. Mais pour l'instant, pas grand chose ne fuite...

 

(1) Sur le fonctionnement de l'Assemblée et le parcours législatif, écoutez notre podcast Le Micro Social

(2) Ndlr : Ségolène Amiot siège dans la commission "Culture, éducation, médias, études supérieures et recherches" ainsi que dans la délégation outre-mer. 

 

► Pour lire les précédents articles de notre série : 

Représentants du personnel

Les représentants du personnel sont des salariés élus ou désignés chargés de représenter les salariés de l’entreprise avec des missions spécifiques selon l’instance représentative du personnel (IRP) à laquelle ils appartiennent. Il y a quatre grandes IRP : les DP, le CE, CHSCT et les délégués syndicaux.  Au 1er janvier 2020, l’ensemble des IRP (hormis les délégués syndicaux) devront fusionner au sein du CSE.

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Bernard Domergue
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