Dans le film "Debout les femmes !" qui sort en salles ce mercredi 13 octobre, François Ruffin, le député (France insoumise) de la Somme, raconte la mission d'information qu'il a conduite avec son homologue (LREM) Bruno Bonnell, en donnant la parole à des professionnelles du lien, auxiliaires de vie sociale (AVS) et accompagnantes d'élèves en situation de handicap (AESH), pour que cette fonction essentielle soit enfin reconnue. Nous l'avons interviewé.
« Il faudra nous rappeler que notre pays tient tout entier sur des femmes et des hommes que nos économies reconnaissent et rémunèrent si mal. » Cette déclaration d'Emmanuel Macron, le député François Ruffin prend un malin plaisir à la reproduire dans son documentaire, réalisé avec Gilles Perret, Debout les femmes ! (1). Les professionnels en première ligne lors de la crise sanitaire recevaient alors la promesse de la Nation de voir leurs conditions de vie et de rémunération profondément améliorées.
A l'origine du film, qui sort en salles ce mercredi 13 octobre, il y a une mission d'information parlementaire confiée, fin 2019 (avant le début de la crise Covid donc), par la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale à deux députés : François Ruffin (La France insoumise), à l'origine de la demande (lire interview ci-dessous), et Bruno Bonnell (La République en marche). Entre ces deux responsables, l'un antilibéral, l'autre libéral, l'attelage pouvait paraître impossible. Et pourtant, le duo va fonctionner à merveille pour mettre en valeur le travail de cette première ligne quasi exclusivement féminine.
Le film montre ainsi, dans un « road movie parlementaire », les étapes de leur travail qui va privilégier le vécu des salariées par rapport au point de vue des experts. Où l'on découvre aussi les raisons intimes de l'intérêt de Bruno Bonnell pour ces travailleuses de l'ombre.
Pendant près d'une heure et demi, sous nos yeux, ces femmes vont se débattre entre vie difficile, amour de leur métier et espoir d'un changement. Elles travaillent dans le secteur de l'aide à domicile ou sont AESH, accompagnantes d'élèves en situation de handicap (2). Et parce que François Ruffin est sensible à la condition des femmes de ménage de l'Assemblée nationale, elles ont également leur place dans le documentaire (3).

La démarche a été ébranlée par l'irruption du Covid. Dans un premier temps, les deux réalisateurs arrêtent leur travail ; mais quand ils constatent que les « premières lignes » n'ont pas cessé leurs interventions, ils se disent : « Si elles continuent, nous aussi ! », et repartent à la rencontre de ces femmes en mission. La plupart d'entre elles travaillent alors dans des conditions difficiles et parfois risquées, œuvrant sans masque ni gel hydroalcoolique durant les premières semaines.

Le film donne à voir ces vies qu'on peut juger impossibles : comment vivre avec 870 € par mois, comme le confie une AVS (auxiliaire de vie sociale) qui met en balance les relations extraordinaires qu'elle noue avec les vieilles personnes ? Dans le dossier de presse, François Ruffin confie d'ailleurs une clé de compréhension de son intérêt pour les « petits » de nos sociétés mondialisées : « Tout homme, toute femme est pour moi un mystère : qu'est-ce qui les tient ? Il faut réussir à les faire accoucher de ça, le donner à voir, à sentir. »
À l'aune de cette ambition, ce documentaire est particulièrement marquant. À deux titres. D'une part, il révèle le gâchis du travail parlementaire. La proposition de loi issue du rapport a été rejetée à l'automne 2020, et la façon dont le documentaire met en scène cet épisode est particulièrement drôle.
D'autre part, il nous embarque dans des histoires de vie là où l'on se contente souvent de rapports et de statistiques. Comment oublier les visages de Delphine, Sandrina, Assia et les autres ? Jusqu'à la scène finale improvisée (qu'on ne dévoilera pas ici) où les invisibles du lien social montrent qu'elles peuvent interpeller une société et ses décideurs. Clairement, ce film peut être un outil efficace pour bousculer les idées reçues autour de ces métiers.
(1) Debout les femmes !, un film de François Ruffin et Gilles Perret, en salles le 13 octobre. Voir ici la bande annonce
(2) Le rapport présenté en juin 2020 portait en outre sur deux autres professions du lien : les assistantes maternelles et les animatrices périscolaires (lire ci-dessous en pièce jointe).
(3) Au sujet des femmes de ménage, lire notre article du 3/6/2020
[Interview] François Ruffin : "Pour l'aide à domicile, il faut mettre en place le travail en tournée"
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![]() D'où vient votre intérêt pour les professionnelles qu'on voit dans ce documentaire ?
François Ruffin : Au milieu des années 2000, j'étais journaliste pour Fakir, un titre basé à Amiens que j'avais créé avec d'autres en 1999. Je suivais les fermetures d'usines qui étaient nombreuses en Picardie. Quelque temps plus tard, j'ai constaté que la plupart des ouvrières licenciées avaient été reclassées par Pôle emploi dans l'aide à domicile. Cet emploi avait sans doute plus de sens que le travail à la chaîne, mais les femmes me disaient qu'elles n'arrivaient plus à s'occuper de leurs enfants du fait des horaires tôt le matin et tard le soir. Elles étaient au bord des sanglots. Vous continuez à les suivre au fil des années ?
Une dizaine d'années plus tard, il y a eu un conflit avec le conseil départemental de la Somme. Celui-ci voulait faire évoluer leur statut, en le faisant passer de prestataire à mandataire. Le journal Fakir a aidé les auxiliaires de vie à faire parler d'elles, notamment en envahissant le siège du département. Cette mobilisation a permis de geler le projet du département. Lors de la campagne pour les élections législatives de 2017, vous parlez de cette question ?
J'annonce en effet la couleur : élu député, je défendrais ces métiers de services. Tous les ans depuis, j'ai d'ailleurs déposé des amendements lors des débats autour du PLF [projet de loi de finances] et PLFSS [projet de loi de financement de la sécurité sociale]. Et, dès que je suis devenu député, j'ai demandé à la commission des affaires économiques dont je suis membre le lancement d'un travail parlementaire sur ces questions. J'ai mis deux ans à obtenir cette mission d'information sur les métiers du lien social qui ne sont pas structurés, qui sont souvent à temps partiel et au-dessous du Smic. Quelle est la principale mesure que vous proposez pour les AVS (auxiliaires de vie sociale) dans votre rapport ?
Avec Bruno Bonnell, nous souhaitons que se mette en place le travail en tournée sur la base d'un temps plein. L'AVS travaillerait soit le matin (7 h–14 h, par exemple), soit l'après-midi (14 h–21 h). Je sais qu'il existe des tas d'initiatives dans ce sens, comme chez Alenvi, mais il faut les généraliser. J'ai récemment fait cette proposition lors du congrès des âges organisé par l'AD-PA (association des directeurs au service des personnes âgées), où elle a été applaudie. Je pense que les pouvoirs publics peuvent inciter fortement les structures à mettre en place ce travail en tournée, en taxant celles qui ne le font pas. Qu'avez-vous pensé des annonces récentes du Premier ministre sur l'aide à domicile ?
Je prends, tout est bon à prendre. Mais cela ne sera pas suffisant pour régler les problèmes en profondeur, je le crains. Une proposition de votre rapport avait été critiquée par les personnes handicapées : elle obligeait les bénéficiaires de la prestation de compensation de handicap (PCH) à renoncer à l'emploi direct. Vous la regrettez ?
Sur les 43 propositions du rapport, une seule a été retenue ! Qu'importe : j'ai entendu les critiques et j'ai instauré un dialogue. Je reconnais la situation particulière des personnes handicapées qui emploient souvent une personne à temps plein. Il faut en tenir compte et permettre un rapport direct entre l'AVS et la personne handicapée. Pour autant, je persiste à penser qu'il faut réfléchir au type d'emploi proposé. Plus globalement, j'estime qu'il faut aller vers un vrai service public qui évite de recourir au particulier employeur. Un an après le tournage du film, vous avez des nouvelles de vos « héroïnes » ?
Elles ne sont pas forcément très bonnes. Sur les quatre AVS du film, trois s'apprêtent à démissionner. Elles ont rencontré Sophie Cluzel qui n'a rien à leur proposer. Seule note positive : les agents d'entretien de l'Assemblée ont obtenu un 13e mois. |
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