[Vidéo] Pour la CFDT, la mise en place des CSE provoque "un recul du dialogue social"

[Vidéo] Pour la CFDT, la mise en place des CSE provoque "un recul du dialogue social"

01.10.2019

Représentants du personnel

Le dialogue social pâtit clairement de la mise en place des comités sociaux et économiques (CSE) dans les entreprises, a alerté la CFDT lors d'une conférence de presse le mardi 1er octobre. Neuf fois sur dix, estime la confédération, le passage au CSE se fait sans accord, les textes négociés étant le plus souvent a minima..

 

 

Vingt cinq élus titulaires, avec 26 heures de délégation par mois et par élu, pour un CSE unique représentant pas moins de 3 022 salariés en France :  c'est le paysage du dialogue social chez Marionnaud tel qu'il ressort des élections CSE de février 2019 à la suite du protocole préélectoral unilatéral de l'entreprise. "Avant, nous avions 14 élus pour le CE avec 24 heures de délégation, 13 pour le CHSCT avec 35 heures, et 25 délégués du personnel dans 8 régions avec 35 heures par élu. Nous voulions un périmètre qui nous permette une certaine proximité avec les salariés. Mais dès le départ, il s'est avéré qu'il était impossible de négocier. C'est une catastrophe. Avec de tels moyens, comment peut-on exercer correctement notre rôle, comment à la fois veiller aux conditions de travail, à notre rôle économique et jouer l'assistance sociale ?", commente Malika Poumbja, déléguée syndicale centrale CFDT de Marionnaud.

Les 3 sortes d'accord observés par la CFDT

Ce cas représente la plus mauvaise catégorie dans la typologie des CSE établie par la CFDT, à savoir celle qui englobe l'absence d'accords et les accords a minima. La CFDT évalue à seulement 1 500 le nombre d'accords CSE négociés, ce qui voudrait dire que 9 CSE sur 10 sont mis en place sans accord (*). Les accords a minima représenteraient environ 70% des accords négociés, les accords "moyens" environ 20% et les "bons" accords 5% à 10%, évalue Christophe Clayette, secrétaire confédéral CFDT qui suit les questions vie au travail et dialogue social.

Les accords moyens ? Il s'agit des accords qui ne refondent pas véritablement un nouveau dialogue social, mais qui rationalisent les moyens donnés à l'instance, tout en concédant des marges d'action aux élus.

 Nous avons réussi à avoir un CSE par établissement

 

Dans cette catégorie, la CFDT place But international, 6 000 salariés en France. "Nous avons réussi à avoir un CSE dans chacun des 107 établissements, mais seulement 2 commissions santé, sécurité conditions de travail (CSSCT), une dans un établissement de plus de 300 salariés et l'autre au niveau central. Nous avons également obtenu davantage d'élus que le plancher, notamment dans les établissements entre 50 et 75 salariés et au-delà de 300 salariés, et nous avons aussi davantage d'heures de délégation que le minimum légal dans la catégorie de 20 à 100 salariés", expose Dominique Jouassen, délégué syndical national CFDT.

Enfin, il y a une minorité de bons accords selon la CFDT, qui qualifie ainsi des textes qui cherchent à refonder un dialogue social en oubliant le cadre précédent des CE, DP et CHSCT, afin d'imaginer des solutions nouvelles.  La CFDT place l'accord de l'UES de Korian (25 000 salariés) dans cette catégorie. Après 4 mois de négociation, Raphaël Berhaiel, délégué syndical CFDT, a signé l'accord en vue des élections du 13 novembre prochain. Le texte prévoit la mise en place de 7 CSE avec 324 élus, "et dans chaque établissement nous avons entre 2 et 4 représentants de proximité désignés par le CSE". Le plancher des heures de délégations a été augmenté de 5 à 10 heures, selon les situations, souligne Raphaël Berhaiel, qui souligne le fait que l'ensemble des élus sera formé dès le début du mandat, et qu'une commission de suivi fera régulièrement le point sur l'accord, notamment pour l'intégration d'éventuelles acquisitions par Korian, un acteur très dynamique dans le monde de la santé et de l'action sociale.

La question centrale, celle de la qualité du dialogue social, est trop eu abordée

Mais ce type de cas de figure reste rare. Trop rare aux yeux de Philippe Portier, secrétaire confédéral en charge du dialogue social et des IRP à la CFDT :  "A 3 mois de la fin de la mise en place des CSE, nous estimons que la moitié des comités ont été mis en place. Et dans cette moitié, nous observons un recul du dialogue social".

Une baisse de 30% à 40% du nombre d'élus avec le CSE

 

A qui la faute ? Au nouveau cadre légal issu des ordonnances, qui laisse la part belle aux employeurs : en misant sur le supplétif, ceux-ci peuvent se passer de négociation pour mettre en place la nouvelle instance avec des moyens réduits, analyse la CFDT. La faute aussi à la façon dont entreprises, DS et élus ont le plus souvent abordé les discussions, les élus étant braqués sur la défense des moyens quand les directions focalisent sur les économies à réaliser. "Or la question centrale, c'est de voir comment on peut avoir dans une entreprise un dialogue efficace, dans la confiance", plaide Philippe Portier.

A l'instar du constat dressé récemment par Marcel Grignard, du comité d'évaluation des ordonnances, les retours de terrain analysés par la CFDT montrent une centralisation du dialogue social, une moindre proximité des représentants du personnel avec les salariés, avec une baisse de 30 à 40% du nombre des élus, une moindre importance accordée aux questions de sécurité et de conditions de travail, une augmentation de la charge des élus, sans pour autant que soit envisagée la valorisation du parcours des représentants du personnel, hormis quelques exceptions (accords de Total, de Solvay, etc.).

Le constat est donc négatif. Mais il reste possible de redresser la barre si les nouveaux accords comprennent "des préambules innovants donnant des objectifs", espère Philippe Portier, d'autant que l'expérience montre les limites d'un dialogue social à l'économie. Pour l'heure, le tempo politique ne va guère dans le sens d'une correction rapide des ordonnances mais le dirigeant CFDT veut croire qu'à moyen terme, le législateur en viendra à corriger les problèmes liés à l'instauration d'une "instance assez rigide et financement peu modulable par accord".

Les améliorations attendues

En attendant, Christophe Clayette plaide pour la réalisation systématique, préalablement aux négociations sur le CSE, d'un état des lieux du dialogue social : "Par exemple, cela peut être fait via les formations communes employeurs-élus". Il appelle aussi de ses voeux une généralisation des accords de méthode, souligne la nécessité "d'instaurer un rapport de forces pour que l'employeur doive justifier le périmètre choisi et le fasse évoluer". Il rappelle encore la nécessité des "clauses de revoyure", il invite les employeurs à desserrer l'étreinte des délais préfix "pour laisser les équipes avoir le temps de donner leur avis". Enfin, il signale aux négociateurs l'intérêt de prévoir des commissions du CSE sur des sujets nouveaux, comme la transformation digitale, commission prévue à la Maif, la commission interfiliales chez Framatome, la commission proximité chez Renault ou encore une commission environnement.

(*) La CFDT a donné les dernières évaluations du nombre d'entreprises déjà en CSE, que nous vous livrions le 25 septembre. Au 19 septembre 2019, 42 594 établissements ont mis en place un CSE, soit 24% de plus qu'en mai 2019. Sur ce total, 18 411 établissements ont moins de 50 salariés, 17 590 de 50 à 299, 3 646 de 300 salariés et plus. Et 15 761 établissements n'ont pas mis en place de CSE d'u fait de la carence totale de candidatures, 85% de ces situations concernant des établissements de mois de 50 salariés.

 

Le rapport d'évaluation d'Orseu-Amnyos sur les ordonnances et le CSE

A la demande de la Dares, les cabinets d'expertise Orseu et Amnyos viennent de publier une évaluation des conséquences des ordonnances réalisée à partir de l'analyse de 38 cas d'entreprise ayant appliqué différentes dispositions.

Le passage relatif au CSE est sans surprise. Le rapport fait état d'une évolution plus facile pour les entreprises déjà en délégation unique du personnel, mais d'un "bouleversement" dans les entreprises plus importantes, l'évolution vers la nouvelle instance étant pensée d'abord sous l'angle des moyens, de la "simplification" et de la "rationalisation" selon les mots fréquents des DRH.

"Le passage au CSE renforce la logique de concentration et de centralisation", constate l'étude. Le document parle de négociations "asymétriques" en citant ce mot d'un DRH : "J'ai dit aux syndicats : si vous ne jouez pas le jeu de la négociation, les actionnaires vous imposeront le minimum légal". Comme la CFDT, les deux cabinets soulignent que les objectifs du dialogue social ont rarement été intégrés à la négociation : "Bien que nombre de cabinets conseil aient suggéré de réaliser des diagnostics partagés du dialogue social comme première étape des négociations, le plus souvent celles-ci sont basées sur des analyses informelles, peu cadrées et rarement partagées". 

Le rapport interroge également "la question du fonctionnement pratique et opérationnel" de l'intégration dans le CSE des problèmes liés aux conditions de travail. Il constate "des tentatives de préservation des droits ou prérogatives du CHSCT"  par la voie conventionnelle dans la commission santé sécurité et conditions de travail (CSSCT), ce qui symbolise "un attachement fort à cette ancienne instance".  

Représentants du personnel

Les représentants du personnel sont des salariés élus ou désignés chargés de représenter les salariés de l’entreprise avec des missions spécifiques selon l’instance représentative du personnel (IRP) à laquelle ils appartiennent. Il y a quatre grandes IRP : les DP, le CE, CHSCT et les délégués syndicaux.  Au 1er janvier 2020, l’ensemble des IRP (hormis les délégués syndicaux) devront fusionner au sein du CSE.

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Bernard Domergue
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