La manifestation parisienne contre la réforme des retraites a rassemblé, de la gare de l'Est à Nation, de nombreux représentants du personnel, délégués syndicaux, militants et salariés. Ceux-ci ont souvent exprimé une forme de ras-le-bol généralisé, de l'hostilité à un système de retraite à points en passant par la dénonciation des bas salaires et de la détérioration des conditions de travail.
Appelés à faire grève et à manifester par plusieurs confédérations syndicales (CGT, FO, Solidaires, etc.) et par plusieurs fédérations d'autres organisations comme la CFE-CGC et l'UNSA, les salariés ont battu jeudi 5 novembre le pavé parisien de la Gare du Nord à Nation, dans une capitale frigorifiée à la circulation étonnamment fluide. Nous n'avons pas assisté aux violences qui ont eu lieu au niveau de la place de la République aux alentours de 16h, émanant visiblement d'éléments surgis en avant du cortège intersyndical. Au contraire, l'ambiance aux abords de la gare de l'Est, au sein d'une foule compacte et ayant du mal à avancer, comme on ne l'avait pas vu depuis longtemps dans une mobilisation syndicale, nous a paru relativement décontractée et sereine. Elle rappelait les manifestations d'avant la loi El Khomri, d'avant les blacks blocs et l'état d'urgence, comme par exemple à l'époque des multiples mobilisations contre la réforme des retraites de 2010 qui a relevé de 60 à 62 ans l'âge de départ légal.
Plusieurs points communs entre ces deux périodes. D'abord, la présence de plusieurs générations, des retraités aux jeunes actifs, mais aussi de groupes d'équipes syndicales et de salariés venus du secteur privé (commerce, banque, assurance, industrie, services informatiques, etc.) s'ajoutant aux traditionnels cheminots, fonctionnaires et agents de la RATP. Ensuite, des slogans et pancartes inventifs, une des marques de Solidaires notamment, ciblant non plus la figure de Nicolas Sarkozy mais celle d'Emmanuel Macron ("Peuple hors de lui, Macron hors de nos vies !'), sans parler de cet homme costumé en crustacé et réclamant "Du homard pour nous aussi" ou ces inscriptions "Métro, boulot caveau" et autres "Grève jusqu'à la retraite". L'on pouvait percevoir chez ces salariés et militants comme une sorte de fierté de se retrouver ensemble aussi nombreux et à redresser la tête. Une fierté ainsi exprimée par ce retraité CGT : "Avant de venir ici, nous avons manifesté ce matin à Melun. Habituellement, nous sommes peu nombreux. Là, nous étions 700 !"

Mais derrière cette fierté retrouvée se cachait à peine une grogne et une colère sociale parfois livrées crûment (voir ci-dessus nos interview vidéos). Benedeict, ingénieur chez Suez et militant CGT, exprime ainsi un refus pur et simple de la réforme projetée par le gouvernement : "Je suis là pour m'opposer au système à points, je n'en veux pas. Si nous sommes plus mobilisés que d'habitude, c'est peut-être au vu de l'ampleur des dégâts qui s'annoncent avec cette réforme". Les retraites, "c'est la goutte d'eau qui fait déborder le vase", confirme le délégué syndical FO David Boulanger, entouré de ses collégues qui sont, comme lui, également gilets jaunes, un mouvement à l'origine, rappelle-t-il, des 200€ de prime de pouvoir d'achat versée par Carrefour, l'enseigne où ils travaillent dans l'Oise. Leur fait-on remarquer qu'il y a du monde dans la manifestation ? "Oui, mais pas encore assez. Vous allez voir quand ça va vraiment péter, tout ça", réplique l'un des membres de l'équipe en vitupérant contre le pouvoir d'achat trop faible. Rien n'a changé depuis un an, même après la revalisation de la prime d'activité ? "Mais non, il y a toujours des taxes, des médicaments trop chers, l'essence. Rien n'a changé", répondent-ils.

"Je manifeste pour de meilleures retraites et de meilleurs salaires. Le ras-le-bol est général", insiste, comme en écho, David, un miliant CGT d'un magasin But près de Sarcelles. Catherine, une militante CGT qui travaille dans un cabinet d'expertise auprès des CE/CSE, s'inquiète pour l'avenir de sa fille âgée de 16 ans. "Mais le ras-le-bol dépasse le cadre de la réforme des retraites, ajoute-t-elle à son tour, car nous le voyons bien, de nombreux salariés n'ont pas de quoi vivre décemment dans de nombreux secteurs". On aperçoit dans la foule une importante délégation de l'audiovisuel public, avec notamment des salariés de Radio France épaulés par les humoristes de France Inter Charline Vanhoenacker et Guillaume Meurice, en colère contre le plan de départs volontaires de Radio France. D'autres représentants du personnels venus du privé soulignent eux une autre préoccupation, celle de conditions de travail qui se détériorent pour une production dépourvue de sens global, comme cet élu d'une commission santé, sécurité et conditions de travail : "Je suis informaticien et je travaille en mission chez les clients. En ce moment, je bosse sur des logiciels pour les places de marché. Mais quel sens cela a-t-il ? Ce capitalisme détuit nos acquis sociaux et notre planète. Les promesses de dividendes aux actionnaires sont respectées mais nos salaires n'ont pas augmenté depuis deux ans. Elle est où la démocratie dans l'entreprise ?" interroge-t-il.
Et maintenant ?
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Dans un communiqué publié hier soir, la CGT estime que la journée du jeudi 5 décembre a marqué une "mobilisation historique", la confédération annonçant qu'une intersyndicale CGT, FO, CFE-CGC, Solidaires, FSU avec les syndicats d'étudiants et de jeunesse doit se réunir vendredi 6 décembre "pour proposer d'autres temps forts interprofessionnels dès la semaine prochaine". Solidaires indique qu'elle portera "le mandat de l'appel à la reconduction de la grève et des manifestations partout le 7 décembre". La grève a d'ores et déjà été reconduite à la SNCF jusqu'au 6 décembre et à la RATP jusqu'au 9 novembre. Après une première intervention publique qui aurait lieu en début de semaine prochaine de Jean-Paul Delevoye, en charge du projet de réforme des retraites, Edouard Philippe devrait faire des annonces sur la future réforme des retraites, peut-être en milieu de semaine. Si l'on en croit Les Echos, l'exécutif pourrait renoncer à imposer aux régimes des retraites un retour à l'équilibre avant le passage au nouveau système universel, c'est-à-dire un abandon d'un nouvel allongement des durées de cotisation pour bénéficier d'une retraite à taux plein. Sera-ce le cas ? Et si oui, cela sera-t-il suffisant pour calmer la grogne sociale relayée par la CGT, FO et SUD et relancer le dialogue, auquel aspirent les syndicats comme la CFDT, la CFTC et l'UNSA qui n'ont pas réclamé le retrait de la réforme mais la négociation de ses modalités ? A suivre. |
Représentants du personnel
Les représentants du personnel sont des salariés élus ou désignés chargés de représenter les salariés de l’entreprise avec des missions spécifiques selon l’instance représentative du personnel (IRP) à laquelle ils appartiennent. Il y a quatre grandes IRP : les DP, le CE, CHSCT et les délégués syndicaux. Au 1er janvier 2020, l’ensemble des IRP (hormis les délégués syndicaux) devront fusionner au sein du CSE.
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