"Comment notre CE travaille en commission"

"Comment notre CE travaille en commission"

28.06.2017

Représentants du personnel

Suite de notre série sur les initiatives de CE partout en France, en partenariat avec le réseau interCE Cezam. Aujourd'hui : le CE de Renault Trucks à Bourg-en-Bresse (Ain). Ce comité d'un grand établissement (1 400 salariés) comprend des commissions très diverses et actives (vacances, enfants, entraide, etc.) dont les activités sont rappelées par SMS aux salariés qui le souhaitent. Interview du secrétaire du CE, Jean-Marc Guy.

Depuis combien de temps êtes-vous secrétaire du CE de Renault Trucks à Bourg-En-Bresse ?

"Je suis secrétaire du CE depuis 2015 mais je l'avais déjà été entre 2008 et 2010, et j'ai été aussi trésorier de l'instance. Je fais partie de la CFDT. Je suis ouvrier, retoucheur en bout de ligne dans l'usine où nous fabriquons 136 véhicules par jour, contre 250 il y a quelques années, mais je suis détaché à plein temps pour le comité d'entreprise. Notre CE a trois salariés dont l'un travaille sur la comptabilité et les deux autres sur les activités proposées (nous avons permanence de 9h à 10h et une permanence de 11H45 à 13h30), un salarié étant en contact avec le réseau Cezam pour la billetterie et les spectacles. Notre CE a d'ailleurs participé à la création de l'interCE en 1983, l'idée était de mutualiser pour permettre à des petits CE de proposer eux aussi des sorties (lire notre encadré). Je suis d'ailleurs toujours administrateur de Cezam mais c'est vrai qu'en dehors du conseil d'administration de l'InterCE, il est difficile d'avoir du temps pour débattre entre élus de différents CE

Quelle est l'identité ou la culture de votre comité d'entreprise ?

Nous sommes à Bourg-en-Bresse, une ville de 50 000 habitants, et c'est assez rural par ici. Beaucoup de salariés ont une maison et un jardin, nous sommes donc très sollicités pour la location de matériel de bricolage, mais l'activité se passe bien : nous avons bien spécifié dans le règlement que le matériel devait nous revenir en bon état.

Ici, beaucoup de salariés ont une maison et un jardin, d'où l'importance de notre commission bricolage

Cela dit, les mentalités ont changé ces dernières années. La moyenne d'âge de l'usine s'est rajeunie (autour de 47 ans) et l'entreprise est passée de 1 800 salariés en 2012 à 1 400 aujourd'hui, dont 1 000 ouvriers, 380 Etam et 40 cadres. Cette baisse d'effectifs représente 140 000€ de dotations en moins pour le CE, il a fallu s'adapter mais nous avons toujours 2 200 inscriptions par an pour nos activités. Sinon, on peut dire que l'entreprise va mieux : nous allons avoir 50 recrutements cette année. Certes, ça ne fera qu'à peine compenser le fort turn over que nous avons, avec des ruptures conventionnelles et des démissions, mais une telle annonce d'embauches, ça n'était plus arrivé depuis 2007-2008.

Et quel est le climat social dans l'entreprise ?

C'est calme, les gens sont un peu résignés. Nous avons des NAO avec +1,8% à +2,2% par an, mais c'est mal vécu par les salariés qui ont fait beaucoup d'efforts de productivité, et la prime d'intéressement a beaucoup baissé. Une négociation est en cours d'ailleurs pour un nouvel accord sur l'intéressement, on va voir...

Vous avez organisé le travail du CE en commissions. Pourquoi ?

Cela a toujours été le cas, nous avons toujours eu beaucoup de commissions. L'avantage que j'y vois, c'est que nous pouvons associer des élus, en tant que président de commission, à des salariés sans mandats et à d'autres élus pour réfléchir aux besoins des salariés et à l'orientation à donner pour l'utilisation du budget de la commission.

Une commission permet d'associer des salariés non élus au travail du CE

Chaque commission dispose en effet de son budget. Par exemple, la commission enfant représente 23% du budget du CE, la commission vacances 21%, ce sont deux priorités qui durent. Cette année, pour les deux grands voyages que nous avons décidé de maintenir mais en réduisant le nombre de places (cela représente deux cars de 50 personnes), nous avons la Sardaigne et la Crète, et comme le CE apporte une aide qui représente 40% du coût du voyage, cela reste très apprécié car nous permettons à des salariés de s'offrir des vacances auxquelles ils n'auraient pas accès. Nous nous adaptons en fonction du besoin de la demande des salariés, ou du moins de ce que nous en ressentons. Mais gérer un CE, c'est aussi devoir faire face à des dépenses, comme par exemple l'entretien des mobil-homes que nous proposons aux salariés. Nous continuons pour l'instant à les entretenir, mais cela coûte cher et nous ne développerons pas ce patrimoine. 

Vous mettez aussi l'accès sur l'aide aux études des enfants des salariés...

Nous avons commencé ce soutien en 1998-1999 car c'était une demande des salariés. Nous avons d'abord privilégié les aides à partir de la 3e, car c'est là que cela devient de plus en plus coûteux pour les familles, mais nous avons depuis décidé d'aider les familles pour les enfants dès la 6ème.

L'entraide fait l'objet chez vous d'une commission. Que fait-elle ?

Au départ, il s'agissait de proposer un colis en fin d'année pour les salariés qui ne se déplacent jamais jusqu'au CE. Maintenant, nous voulons venir en aide aux salariés qui ont des problèmes financiers ou personnels mais c'est délicat, car les personnes les plus en difficulté ne sont pas celles qui confient ou se plaignent le plus.

Les dossiers sont montés par une assistante sociale

Nous ne faisons plus de prêts mais nous avons un budget secours : par exemple, nous prenons en charge des factures que les salariés ne peuvent plus acquitter. Les dossiers sont montés avec une assistante sociale qui les présente, de façon anonyme, à la commission entraide. Quand l'organisation du travail a changé, en 2010-2011, certains salariés ont perdu de 180€ à 200€ par mois, et nous avons été très sollicités. La direction a fait un geste pour tenter de compenser. D'autre part, depuis 25 ans, un avocat fait des permanences. Un mercredi par mois, il reçoit les salariés qui le souhaitent : il les informe, leur donne des conseils, la stratégie à suivre. Une dizaine de salariés en bénéficient environ chaque mois.

Comment informez-vous les salariés ?

Il y a les tableaux d'affichage, les permanences, le site du CE, mais ça ne suffit pas dans un site industriel où tout le monde n'a pas d'ordinateur ni le temps de venir au CE. Donc, depuis deux ans, grâce à un prestataire, nous envoyons des SMS aux salariés qui le souhaitent pour les informer ou leur rappeler les activités que nous organisons. Cela marche bien puisque 900 salariés se sont inscrits pour recevoir ces alertes.

L'obligation de transparence des comptes du CE vous pose-t-elle des problèmes ?

Non, nous ne sommes pas assujettis à l'obligation d'avoir un commissaire aux comptes d'une part et, d'autre part, nous travaillions déjà avec un expert-comptable, le cabinet In extenso de Lyon qui vient deux fois par an chez nous.

Que pensez-vous du projet de gouvernement de fusionner les instances représentatives du personnel ?

C'est une connerie ! Chaque instance a son rôle. Pour moi, le but de la manoeuvre est de diminuer le nombre d'élus et leur crédit d'heures".

 

Les budgets des commissions du CE Renault Trucks
de Bourg-en-Bresse (2015-2016)
DR
Le budget de chaque commission Principaux postes de dépenses par commission
Commission sportive

102 999€

(soit 10% du budget total du CE)

 

dont

30 900€ de week-end

16 000€ de sports individuels

15 000€ de sorties ski et sports d'hiver

10 000€ de participations diverses

9 600€ de sports collectifs (foot, rugby, basket, etc.)

7 900€ de sport en salle

 5 800€ de sports mécaniques, etc.

 

Commission culturelle

131 212€

(soit 8% du budget total du CE)

 dont

63 900€ de billetterie spectacles

44 000€ de tickets cinéma

10 600€ de billetterie parcs

4 900€ de participation culturelle, etc.

 

Commission vacances

216 604€

(soit 21% du budget total du CE)

dont

112 000€ de chèques vacances

78 900€ de séjours

15 500€ d'amortissements

8 200€ d'entretien de matériels, etc.

 

Commission enfance

173 900€

(soit 23% du budget total du CE)

dont

55 300€ d'aides et études

45 500€ de bons de Noël

26 900€ de week-end et sorties

19 000€ de colonies

7 000€ de spectacle de Noël

4 200€ de classes et séjours linguistiques, etc.

 

Commission loisirs

121 428€

(soit 9% du budget total du CE)

dont

48 000€ de grands voyages

39 700€ de week-end

9 200€ de sorties

8 200€ de billetterie parcs

6 000€ de manifestations et expositions

2 700€de participation pêche

1 800€ de cours de cuisine, etc.

 

Commission entraide

69 319€

(soit 14% du budget total du CE)

dont

55 400€ de colis de fin d'année

6 700€ d'aides exceptionnelles

4 900€ d'aide alimentaire

1 200€de frais funéraires

864€ de permanence avocat, etc.

 

Commission bricolage

 5 352€

(soit 0% du budget total du CE)

dont

2 700€ d'amortissements

1 171€ de réparation matériel

660€ de petits matériels, etc. (Ndlr : la commission gère surtout la location de matériel de bricolage)

Commission

gestion

(Ndlr : gestion du budget du fonctionnement)

88 000€

soit 15% du budget total du CE

dont frais de photocopies, abonnements, salaires des permanents, etc.

 

 

Cezam dans l'Ain et l'Isère : une centaine de collectifs adhérents

Directrice du Cezam Ain-Isère, Sylvie Perret est elle-même une ancienne élue de CE, de l'entreprise de salaison La Bresse : "J'ai fait adhérer mon CE au Cezam dont je suis devenue administratrice. Je m'y suis occupée de la comptabilité et j'ai fini par être embauchée, d'abord à mi-temps puis à temps plein", raconte-t-elle. Sur les deux départements de l'Ain et de l'Isère, le réseau Cezam, qui compte 5 salariés, regroupe une centaine de collectifs (soit 19 000 salariés). Le CE de l'usine Renault Trucks de Bourg-en-Bresse, avec 1 400 salariés, est l'un des CE les plus importants, il est aussi l'un des comités qui ont pris l'initiative dans les années 80 e fonder l'interCE (lire ci-dessus). Les autres CE, de taille moyenne ou modeste, relèvent d'entreprises de l'agroalimentaire, de la métallurgie et du plastique, bien que le pôle d'Oyonnat ("la plastics vallée") ait souffert de la crise économique. "Les CE sont de plus en plus régionalisés. Nous devons donc nous adapter pour mieux répondre à leurs attentes, en mutualisant les activités à une plus grande échelle", nous explique Sylvie Perret. Le réseau a donc entrepris de regrouper ses 5 interCE (Ain-Isère, Pays de Savoie, Drôme Ardèche, Rhîone-Loire et Auvergne), ce qui représentera une structure de 24 salariés au service de 720 collectifs soit 92 000 salariés.

Dans l'Ain et l'Isère, Cezam fait bénéficier ses adhérents d'une aide au fonctionnement du CE, de la billetterie, mais aussi d'activités organisées sur place comme les journées ou des week-ends de ski, des séjours touristiques en France et à l'étranger. Des adhérents par ailleurs inquiets, confie Sylvie Perret, du futur contenu des ordonnances Macron sur les instances représentatives du personnel...

Le site Internet du réseau Cezam

Le site Internet du réseau Cezam en Rhône-Alpes

 

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Représentants du personnel

Les représentants du personnel sont des salariés élus ou désignés chargés de représenter les salariés de l’entreprise avec des missions spécifiques selon l’instance représentative du personnel (IRP) à laquelle ils appartiennent. Il y a quatre grandes IRP : les DP, le CE, CHSCT et les délégués syndicaux.  Au 1er janvier 2020, l’ensemble des IRP (hormis les délégués syndicaux) devront fusionner au sein du CSE.

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Bernard Domergue
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