"L'instance de dialogue sera un progrès économique et social dans la franchise"

"L'instance de dialogue sera un progrès économique et social dans la franchise"

20.05.2016

Représentants du personnel

Le secrétaire général de la fédération services de la CFDT, Olivier Guivarch, appelle les parlementaires et le gouvernement à maintenir dans la version finale du projet de loi Travail l'article instaurant une représentation du personnel pour les réseaux de franchise, une disposition rejetée par la CGPME.

C'était un peu la surprise de dernière minute lors de l'adoption en première lecture par l'Assemblée nationale du projet de loi Travail : sept pages, ajoutées au dernier moment au projet, instaurent une représentation du personnel dans les réseaux de franchise avec une instance dès 50 salariés et 20 heures de délégation mensuelle pour les salariés élus (voir notre article du 13 mai : "Une représentation du personnel pour les réseaux de franchise"). Olivier Guivarch, secrétaire général de la fédération services de la CFDT, fédération qui regroupe 84 000 adhérents (restauration, tourisme, hôtellerie, propreté, travail temporaire, etc.), se félicite de cet article 29 bis A. Un article dont la CGPME demande le retrait : "C'en est donc fini de la souplesse qu'offre le dispositif actuel de la franchise dont le succès repose pour partie sur l'indépendance de chacun. Imposer des normes sociales communes à tous les franchisés revient à introduire lourdeur et complexité (..) Ce projet, s'il va à son terme, amorcera la décrue du succès de la franchise qui compte aujourd'hui plus de 350 000 salariés", déplore le syndicat des petites et moyennes entreprises. Au contraire, le secrétaire général de la CFDT Services appelle les parlementaires et le gouvernement à maintenir ces dispositions dans le texte final. A ses yeux, elles apportent des "avancées" pour de nombreux salariés du secteur. Interview.

L'ajout dans le projet de loi Travail d'une représentation du personnel dans la franchise, qui deviendrait obligatoire à partir de 50 salariés, a-t-il constitué une surprise pour vous ?

Nous n’avons pas été surpris par cet ajout, nous l'attendions même fébrilement. Ces dispositions ont en effet été introduites par un amendement, déposé avec notre soutien par le député Denys Robiliard et d'autres députés de la commission des affaires sociales. Nous sommes très satisfait de voir ainsi complété le projet de loi car nous souhaitons depuis longtemps cette évolution. Des centaines de milliers de salariés des réseaux de franchise n'ont en effet pas d'espace de négociation. Il leur manque aussi une instance de dialogue leur permettant d’avoir des informations économiques et sociales sur leur réseau. Jusqu'à présent, ils ne peuvent que lire la presse pour tenter de s'informer sur la santé économique de leur entreprise.

 Nous n'avons pas voulu mettre trop de contraintes mais instiller un peu de responsabilité sociale

Cette évolution ne remet pas du tout en question le modèle économique de la franchise. Il ne s'agit pas de faire reconnaître une unité économique et sociale (UES) pour chaque réseau mais simplement d'instiller un peu de responsabilité sociale. Car de grandes et moyennes entreprises se servent de ce modèle pour échapper à cette responsabilité sociale. Dans ces réseaux, on ne peut pas conclure des accords et donc produire des garanties collectives et des droits pour les salariés. Or les salariés d'un même réseau partagent des conditions semblables pour l'organisation du travail, les obligations professionnelles (tenues, process de vente ou de fabrication, etc.). Créer une instance de dialogue sera un progrès économique et social. Cela ne peut que conduire les salariés d'une enseigne à se sentir partie prenante d'un réseau commun.

"Imposer des normes sociales communes à tous les franchisés revient à introduire lourdeur et complexité" et ne peut que favoriser la décrue de l'emploi dans la franchise, a réagi hier la CGPME en réclamant le retrait de ces dispositions. Que répondez-vous à la CGPME ?

La CGPME se place ici sur un terrain idéologique, c'est pour moi du poujadisme intellectuel. Si les normes sociales sont un problème, alors la CGPME doit réclamer la fin de toutes les conventions collectives ! Soutenir qu'une instance de dialogue va provoquer une décrue de l'emploi n'a pas de sens. Si c'était vrai, des groupes comme Novotel ou Accord, qui ont une réelle pratique du dialogue social et qui acceptent d'intégrer dans l'effectif d'un hôtel des salariés de la propreté ou qui imposent des conditions sociales à leurs prestataires, ne se porteraient pas si bien. Ce n'est pas les garanties ou avantages sociaux proposés au personnel qui freinent leur développement. Au contraire : ces éléments permettent à ces sociétés d'attirer des salariés.

A quoi servira donc une instance dépourvue de budget ?

Vous comparez ici cette instance à un comité d'entreprise. Mais dans un secteur où rien n'existe sur le plan du dialogue social, nous n'avons pas voulu mettre trop de contraintes. L'idée était de commencer à mettre un pied dans la porte en créant une instance de dialogue et montrer à partir de là ce qu'elle peut apporter aux salariés comme aux entreprises. Cette instance permettra de faire remonter des soucis sur l'organisation du travail quotidien des salariés, les problèmes comme d'ailleurs les idées d'amélioration des salariés et de leurs représentants.

Il n'y a pas non plus dans la loi d'obligation pour les réseaux d'organiser des activités sociales et culturelles (ASC)...

Pour les réseaux de franchise, le projet de loi rend possible les ASC mais, en effet, il ne les impose pas. Du reste, ce n'est pas non plus le cas pour le CE : il n'y a pas dans le code du travail une obligation à mettre en place des ASC et pourtant il y a des activités sociales et culturelles gérées par les comités d'entreprise. Maintenant, notre priorité avec cette instance est clairement le dialogue économique. Si le texte passe, ce sera aussi un défi pour les syndicats.

Un défi pour trouver des candidats ?

Oui, ce ne sera pas si facile. Mais le premier défi, c'est le gros travail qu'il faudra mener pour faire connaître la loi, l'instance de dialogue, auprès des salariés, puis de commencer à organiser cette représentation.

L'objectif n'est pas de faire fermer des entreprises !

Notre objectif, je le répète, ne consiste pas à obtenir la fermeture des entreprises mais à permettre aux salariés de s'organiser pour faire valoir leurs revendications et pouvoir s'exprimer. C'est d'ailleurs paradoxal : les organisations d'employeurs nous reprochent régulièrement de n'avoir des adhérents que dans les grandes entreprises mais quand il s'agit d'avoir des instances dans les petites entreprises, ils ne sont pas d'accord !

Vous craignez que le texte ne passe pas en l'état ?

Le Sénat va sous doute détricoter l'article sur les franchises et nous n'avons pas l'assurance des ministères du Travail et de l'Economie que ces dispositions seront alors rétablies dans le texte final. Mais nous poussons dans ce sens.

Dans le commerce, des adhérents en désaccord avec la CFDT (*) ont créé un syndicat concurrent, le SCID. Avez-vous perdu des adhérents ?

Il est difficile de le dire pour l'instant car avec la désaffiliation de ce syndicat, ses membres doivent se manifester pour adhérer de nouveau chez nous. Mais nous avons des réadhésions massives. Nous espérons reconstituer les trois quarts de notre fichier d'adhérents.

 

(*) Les adhérents du syndicat SCID, qui fait partie du Clic-P, l'intersyndicale parisienne du commerce opposée au travail dominical, ont voté en janvier 2016 leur désaffiliation de la confédération CFDT. Ils étaient en désaccord avec la CFDT sur la question du travail en soirée et le dimanche, les adhérents s'opposant aux accords permettant de déroger au repos en soirée et au repos dominical. Ils ont donc créé un syndicat national, le SCID signifant désormais le Syndicat commerce indépendant et démocratique et non plus comme auparavant le syndicat commerce interdépartemental d'Ile-de-France. De son côté, la CFDT a créé en mars 2016 le SICO-CFDT, nouveau syndicat affilié à la confédération pour le commerce en Ile-de-France. 

 

"Un comité d'entreprise factice" pour l'avocat Antoine Montant

Les avocats d'entreprise se mobilisent contre l'article du projet de loi Travail concernant les franchises. Pour l'avocat Antoine Montant, du cabinet Fiducial Sofiral, il est faux de penser que les salariés des entreprises franchisées sont dépourvues de tout droit de représentation : "Si l'on reprend la répartition des entreprise par secteur d'activité, on constate que tous les secteurs identifiés sont couverts par au moins une convention collective étendue (..) En affirmant l'absence de représentation, cela voudrait donc dire que les promoteurs de l'amendement font le constat amer que le dialogue social de branche est totalement infructueux". Et l'avocat d'ajouter : "Aucune entreprise n'échappe aux dispositions (..) relatives à la représentation du personnel. Et dans le cas où des entreprises franchisées disposent déjà d'institutions représentatives du personnel de droit commun, comment vont s'articuler ces différents lieux de dialogue ?" Antoine Montant juge enfin que la création "d'un comité d'entreprise factice", destinée "à satisfaire une mouvance minoritaire au sein du parti du gouvernement", découragera "plus d'un entrepreneur".

Représentants du personnel

Les représentants du personnel sont des salariés élus ou désignés chargés de représenter les salariés de l’entreprise avec des missions spécifiques selon l’instance représentative du personnel (IRP) à laquelle ils appartiennent. Il y a quatre grandes IRP : les DP, le CE, CHSCT et les délégués syndicaux.  Au 1er janvier 2020, l’ensemble des IRP (hormis les délégués syndicaux) devront fusionner au sein du CSE.

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Bernard Domergue
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