Dans cette chronique, Sophie Berlioz, Philippe Emont et Pierre-Yves Goarant, du cabinet de conseil AlterNego, reviennent sur la question de la valorisation des compétences acquises lors d'un mandat d'élu du personnel ou de délégué syndical.
Voilà un sujet épineux dont beaucoup d’entreprise tardent à se saisir, et pourtant, c'est un sujet stratégique qui devrait transcender les habituels clivages propres à notre dialogue social. Un rappel en préambule : GPEC signifie Gestion Prévisionnelle des Emplois et Compétences. Outil fondamental de la GRH (Gestion des Ressources Humaines), la GPEC se doit d’anticiper, prévoir les évolutions du travail afin d’adapter en conséquence sa formation professionnelle, ses référentiels métiers, ses politiques de mobilité, les évolutions de carrière, l’employabilité de ses collaborateurs, etc.
Représentants du personnel
Les représentants du personnel sont des salariés élus ou désignés chargés de représenter les salariés de l’entreprise avec des missions spécifiques selon l’instance représentative du personnel (IRP) à laquelle ils appartiennent. Il y a quatre grandes IRP : les DP, le CE, CHSCT et les délégués syndicaux. Au 1er janvier 2020, l’ensemble des IRP (hormis les délégués syndicaux) devront fusionner au sein du CSE.
Véritable enjeu de compétitivité, la GPEC est aux ressources humaines ce que le business plan est à une direction générale, un pari stratégique sur l’avenir qui engage l’intégralité du corps social. Évidemment, ça c’est pour la théorie. En l’état, la GPEC est trop souvent vécu par ceux qui en ont la responsabilité comme une usine à gaz. Car en effet, prévoir les métiers de demain en fonction des grandes évolutions socio-technologiques se marrie assez mal avec la rigidité traditionnelle de nos grandes entreprises dans lesquelles les marges de manœuvre des corps intermédiaires est inversement proportionnel au goût du risque. Ce qui explique en partie ce pour quoi rien ne ressemble plus à une GPEC… qu’une autre GPEC.

Et pourtant, alors même que ce débat reste au cœur des stratégies sociales des entreprises dans un contexte de changement permanent, voici qu’un autre caillou dans la chaussure fait son apparition. La reconnaissance des compétences acquises lors d’un mandat syndical en vue de la réintégration à un poste de celle ou de celui qui ne dispose plus du dit mandat, situation de plus en plus fréquente depuis la réforme de la loi travail et les lois Rebsamen.
Sans rentrer dans le détail sur la qualité de notre dialogue social national, il convient ici de souligner que l’employeur « est responsable d’assurer l’adaptation des salariés à leur poste de travail. Il doit veiller au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l’évolution des emplois, des technologies et des organisations » (cf article L. 6321-1 du code du travail). Se pose alors la question des parcours syndicaux. Un élu relève-t-il, au même titre qu’un autre salarié de cette obligation et à fortiori quand cet élu s’est évertué pendant la totalité de son mandat à s’opposer à tous les projets de direction ? Les compétences acquises lors d’un mandat sont-elles adaptables aux besoins de l’entreprise ? En somme, avoir un mandat, est-ce du travail ?

L’identification des compétences pour exercer un mandat est sans doute le cœur de ce qui pourrait constituer une véritable GPEC syndicale (1). En effet, le travail d’élu ne s’improvise pas. Il nécessite d’être en capacité d’identifier et de porter les intérêts des salariés, de comprendre et d’analyser, sans en devenir l’expert, les questions techniques, stratégiques, économiques et sociales actuelles et futures de l’entreprise.
Ce schéma des compétences constitue un enjeu RH important, car une meilleure visibilité permettrait de proposer des parcours de formation favorisant l’appropriation d’un rôle qu’on ne nous enseigne nulle part autrement que par l’usage du rapport de force et du sans compromission. Comment parvenir à ce changement culturel et reconnaître le rôle et les compétences de la représentation du personnel ?
- En reconnaissant d’abord le parcours de représentation du personnel comme partie intégrante du parcours professionnel : aptitude à l’animation d’équipe, capacités analytiques et synthétiques sur les sujets économiques, stratégiques et de santé au travail, médiation et gestion de conflit, compétences juridiques, etc.;
- en identifiant les compétences requises pour exercer un mandat et celles qui seront acquises par l’expérience et la validation des acquis (VAE,VAP,VAPP). Ce travail peut, par exemple, être réalisé dans le cadre d’un accord d’entreprise sur le dialogue social ou dans le protocole d’accord préélectoral ou dans un accord de branche;
- en proposant un accompagnement RH dédié tout au long du parcours syndical (lors de la prise de mandat, pendant l’exercice et à l’issue du mandat) pour identifier les besoins, les attentes, et envisager les ajustements nécessaires et assurer la réintégration de l’élu dans un métier qui correspondent à ses nouvelles compétences tout en répondant aux enjeux métiers de l’organisation;
- en sensibilisant managers et collaborateurs sur les vertus du dialogue social et le rôle essentiel des instances représentatives du personnel dans sa bonne animation pour déjouer les stéréotypes simplistes et pourtant ancrés de l’élu râleur, bon à rien ou faiseur d’ennui.
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