"Le barème prud'homal est sorti par la porte, le référentiel rentre par la fenêtre !"

"Le barème prud'homal est sorti par la porte, le référentiel rentre par la fenêtre !"

23.09.2016

Représentants du personnel

Le juge prud'homal doit pouvoir continuer à décider, en parité, du juste montant des dommages et intérêts auquel a droit un salarié licencié de façon abusive, estime, dans ce point de vue, Bernard Augier. Représentant CGT au conseil supérieur de la prud'homie, ce dernier se montre hostile au référentiel d'indemnités fixant des montants de dommages et intérêts, référentiel qui ne s'imposera au juge que si les parties le demandent.

Alors que le barème fixant à l'avance le montant des dommages et intérêts dans le cadre de la sanction d'un licenciement sans cause a été retiré de la loi El Khomri, le référentiel fixant des montants de dommages et intérêts ne s'imposant au juge prud'homal que si les parties le demandent, vient d'être soumis à l'avis du CSP, le conseil supérieur de la prud'homie (*). Ce référentiel est issu de la loi Macron, disposition introduite la veille du débat public en février 2015, alors qu'aussi bien devant le CSP, que devant la commission à l'Assemblée Nationale, il n'en avait jamais été question, démontrant de la part du gouvernement, comme pour la récente loi El Khomri, une curieuse conception du dialogue social.

Représentants du personnel

Les représentants du personnel sont des salariés élus ou désignés chargés de représenter les salariés de l’entreprise avec des missions spécifiques selon l’instance représentative du personnel (IRP) à laquelle ils appartiennent. Il y a quatre grandes IRP : les DP, le CE, CHSCT et les délégués syndicaux.  Au 1er janvier 2020, l’ensemble des IRP (hormis les délégués syndicaux) devront fusionner au sein du CSE.

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Une véritable politique de gauche devrait prévoir la possible réintégration du salarié abusivement licencié !

Ayant échoué à faire adopter son barème, le gouvernement s'arc-boute sur un dispositif de façade bien loin de faire droit aux salariés abusivement licenciés, ceux qui ont été jetés en dehors de l'entreprise sans motif réel et sérieux reconnu par les juges. Les conseillers prud'hommes seraient ainsi les seuls magistrats de la justice civile qui pourraient se voir imposer un r��férentiel de condamnation, marquant ainsi la défiance à l'égard des conseillers prud'hommes qui en parité dans plus de 80% des affaires décident du juste préjudice, (les autres étant traitées par le juge départiteur), alors qu'une véritable politique de gauche en matière de réparation du licenciement sans cause serait de prévoir, avec son accord, la possible réintégration du salarié abusivement licencié, mesure qui serait positive pour le maintien de l'emploi. L'instauration d'un référentiel pourrait être une source de conflit supplémentaire, entre les conseillers salariés et employeurs, et donc de départage, car nul doute que ce référentiel, même non automatique, sera dans la tête des uns et des autres lors de la prise de décision en délibéré, les conseillers salariés voulant aller au-delà, pour apprécier le véritable préjudice, les conseillers employeurs, ne voulant pas y déroger...

Ce référentiel pourrait être une source de conflit entre les conseillers salariés et employeurs

A la lecture du texte qui nous a été proposé, comment un salarié pourrait-il accepter un montant inférieur à la loi, lorsque le référentiel prévoit 3 mois de salaire pour deux années d'ancienneté, alors que le code du travail prévoit 6 mois minimum lorsque l'entreprise a plus de 11 salariés ! Là encore la hiérarchie des normes est mise à mal !

S'il fallait encore un exemple pour se persuader de l'iniquité de ce texte, il est inscrit noir sur blanc, "qu'un mois de plus pourra être octroyé au salarié en tenant compte de sa situation personnelle, de son niveau de qualification, au regard de la situation du marché du travail local ou dans le secteur considéré". Et il faudrait encore dire merci, Monseigneur est trop bon !!!!!!!!

 Le juge prud'homal doit pouvoir décider du juste montant des dommages et intérêts

Ce référentiel est en fait une réponse du gouvernement au patronat, qui se plaint des condamnations trop élevées sur le style "vous n'avez pas eu le barème, je vous livre le référentiel", au détriment de ceux qui subissent la politique du gouvernement, et les décisions patronales de licenciement. La CGT s'oppose à toutes formes de remise en cause des prérogatives du juge prud'homal qui doit pouvoir décider, en parité, du juste montant des dommages et intérêts, en tenant compte du préjudice subi par le salarié, préjudice qui ne doit pas se limiter uniquement à son ancienneté, et encore moins par rapport à un référentiel, car la perte d'un emploi, notamment dans la situation sociale que les salariés subissent aujourd'hui, rejaillit souvent sur la sphère sociale du salarié, quand à sa vie familiale, culturelle, sur l'éducation de ses enfants, et malheureusement parfois sur son état de santé.  

(*) Le conseil a rendu un avis négatif sur ce projet de décret, sachant que le décret n'a toujours pas été publié. Voir à ce sujet voir notre article sur le projet de décret.

Bernard Augier
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