"Pour refaire société, il faut partager le pouvoir"

"Pour refaire société, il faut partager le pouvoir"

06.03.2019

Représentants du personnel

Face à un modèle "qui génère autant d'inégalités et d'injustices et met en péril la vie sur Terre de nos enfants", l'heure est à "la construction d'un nouveau pacte politique, social et écologique", soutiennent 19 organisations, parmi lesquelles les syndicats CFDT, CFTC et l'UNSA. Ce pacte du "pouvoir de vivre" prône une plus grande association des salariés à la prise de décisions, que ce soit dans la sphère publique ou au sein des entreprises.

"Notre point de départ n'est pas un point de déprime. Lorsqu'on est militant syndical ou associatif, c'est pour changer le monde (...) Nos organisations représentent des millions de citoyens qui sont engagés dans l'intérêt général". Ainsi Laurent Berger, le secrétaire général de la CFDT, a-t-il justifié hier matin, dans les locaux parisiens de la confédération syndicale réformiste, l'initiative de 19 organisations consistant à présenter un pacte écologique et social (*).

Représentants du personnel

Les représentants du personnel sont des salariés élus ou désignés chargés de représenter les salariés de l’entreprise avec des missions spécifiques selon l’instance représentative du personnel (IRP) à laquelle ils appartiennent. Il y a quatre grandes IRP : les DP, le CE, CHSCT et les délégués syndicaux.  Au 1er janvier 2020, l’ensemble des IRP (hormis les délégués syndicaux) devront fusionner au sein du CSE.

Découvrir tous les contenus liés

Le gouvernement paraît peu décidé à tenir réellement compte des corps intermédiaires et à écouter la société civile, la gauche est éclatée et la droite parlementaire adopte sur les sujets sociaux des positions conservatrices, comme on l'a vu pour le projet de loi Pacte ? Raison de plus pour affirmer un projet de société tenant réellement compte des enjeux sociaux et environnementaux que pose le défi du changement climatique, ont renchéri les représentants des 19 organisations, qui en appellent à un sursaut citoyen sur ces sujets, afin que tout ne soit pas refermé après l'épisode des gilets jaunes et la parenthèse du grand débat initié par l'Exécutif. "Notre problème n'est pas de remplir les bagages des organisations politiques, mais de proposer des solutions sur le long terme", a encore avancé Laurent Berger. Tout se passe donc comme si l'attitude du gouvernement et du président conduisait les acteurs sociaux à tenter de s'unir pour faire un front commun capable de peser sur la durée (**).

Il y a un tel décalage entre les discours et la réalité quotidienne

 

Pour ces organisations, l'urgence est sociale. "Il y a un tel décalage entre la réalité et les discours, comme par exemple sur la nécessité d'un accompagnement des personnes âgées chez elles. Chaque jour, une association d'aide à domicile met la clé sous la porte", a dénoncé Patrick Doutreligne, le président de l'Uniopss (union nationale interfédérale des oeuvres et organismes privés non lucratifs sanitaires et sociaux). "Il faut évaluer l'impact social et environnemental de toute nouvelle loi, notamment ses effets pour les 10% de citoyens les plus pauvres", a dit la représentante d'ATD Quart Monde. L'urgence est aussi climatique. "Nous vivons un tournant pour notre planète. Il faut des changements à la hauteur des enjeux", soutient le Réseau action climat.

"Pour donner à chacun le pouvoir de vivre", les 19 organisations proposent donc 66 mesures correspondant à 4 axes : "Donner à chacun le pouvoir de vivre", "remettre l'exigence sociale au coeur de l'économie", "préparer notre avenir en cessant de faire du court terme l'alpha et l'omega de nos politiques publiques", et "partager le pouvoir pour que chacun puisse prendre sa part dans la transformation de nos vie". 

Les propositions relatives au travail insistent sur le partage et l'équité

Concernant le travail et l'entreprise, le pacte multiplie les propositions de nature à bousculer l'Exécutif :

  • conditionner les aides publiques aux entreprises pour les rendre solidaires de leur territoire;
  • adosser la rémunération variable des dirigeants à la performance sociale et environnementale, et pas seulement financière;
  • plafonner les rémunérations des dirigeants d'entreprise et encadrer les écarts entre les plus hautes et les plus basses rémunérations;
  • revaloriser les minimas sociaux et les faire évoluer au même rythme que les revenus du travail;
  • négocier le partage de la valeur ajoutée au sein des entreprises et avec les sous-traitants;
  • concevoir, piloter et évaluer les politiques économiques en fonction de leur impact sur la qualité de vie, la justice sociale, la réduction des inégalités, l'usage sobre des ressources et leur capacité à favoriser des emplois de qualité, etc.

Sur la question, directement posée par le mouvement des gilets jaunes, d'une plus grande association des citoyens à la prise de décisions, les initiateurs du pacte soutiennent qu'il faut promouvoir une forme de partage de pouvoir avec les citoyens, via par exemple "des jurys citoyens pour l'évaluation des projets de loi, des politiques publiques, et un droit d'interpellation des gouvernements et institutions".

Une représentation pour moitié des salariés dans les conseils d'administration

 

Ce partage doit aussi, soutiennent-ils, être mis en oeuvre dans l'entreprise. Les propositions vont dans le sens d'une expression des salariés au travail ("généralisation des espaces d'expression des travailleurs pour intervenir sur les transformations de leur travail") mais aussi de leur participation à la vie de l'entreprise ("faire participer tous les salariés à la définition de l'agenda social dans l'entreprise, à l'initiative des institutions représentatives du personnel").

Non seulement il faut, dit le pacte sans plus de précisions, "soutenir la vie associative et syndicale en renforçant ses moyens et en prenant en compte ce qu'elle représente", mais il faut instaurer une représentation pour moitié des salariés dans les conseils d'administration et les conseils de suerveillance, et "rendre obligatoire dans l'entreprises la négociation d'une raison d'être sur ses finalités économiques, sociales, environnementales ou sociétales". Des revendications qui vont beaucoup plus loin que les dispositions prévues dans le projet de loi Pacte, actuellement discuté au Parlement, et même plus loin que les revendications de la seule CFDT.

Des revendications portées à la fin du grand débat, mais aussi après

Sur le volet de la transition écologique, les 19 organisations suggèrent une fiscalité écologique et solidaire ("reverser les recettes de la fiscalité écologique aux ménages et à la transition écologique", "supprimer les subventions e tles mesures fiscales dommageables à l'environnement") mais aussi un engagement "résolu" dans les énergies renouvelables et les économies d'énergie avec un plan massif d'investissement. Il faut maintenir le principe polleur payeur et l'étendre à tous, "en particulier au transport aérien et maritime"

Les initiateurs de ce pacte entendent interpeller tous les élus, les décideurs, mais aussi l'ensemble des citoyens, sur ces propositions. Elles devraient notamment être défendues lors des 4 conférences thématiques, les 11 et 13 mars, annoncées par le gouvernement en clôture du grand débat, auxquelles participeront les partenaires sociaux. Les 19 organisations veulent ensuite créer, avant l'été, un osbervatoire du "pouvoir de vivre" afin d'assurer la continuité du "portage" de ces revendications. Cette tentative de peser face à l'Exécutif et aux politiques en élargissant la base de leur mouvement peut-elle se traduire par quelque retombée pour les syndicats et associations qui s'y risquent ? A suivre...

 

(*) Parmi ces 19 organisations figurent trois syndicats de salariés (CFDT, CFTC, UNSA), un syndicat étudiant (La Fage), des associations d'aide sociale comme ATD Quart Monde, Le Secours Catholique ou la fondation Abbé Pierre, d'aide aux migrants (France Terre d'asile, La Cimade), des associations de défense de l'environnement (France nature environnement, Humanité et biodiversité, Fondation Hulot), des organisations mutualistes, etc.

(**) L'union est cependant limitée. Sur le champ syndical, ni FO, réfractaire par principe à toute prise de position politique sur l'intérêt général, ni la CGT, qui prépare son congrès, ne se sont associés à ce pacte.

Bernard Domergue
Vous aimerez aussi