La situation de confinement et le recours au télétravail et au chômage partiel vont réduire les échanges entre les salariés. Comment, dans ces conditions, mener à bien sa mission de représentant du personnel ? Comment tenir des réunions du CSE ? Les réponses de Luc Bérard de Malavas, juriste chez Secafi.
Il me semble que le rôle des représentants du personnel est encore plus indispensable dans cette période de difficultés. De nombreux salariés vont se retrouver isolés, sous pression et sous stress, certains ont peur de perdre leur emploi, et ils doivent pouvoir compter sur l'action des représentants du personnel.
Représentants du personnel
Les représentants du personnel sont des salariés élus ou désignés chargés de représenter les salariés de l’entreprise avec des missions spécifiques selon l’instance représentative du personnel (IRP) à laquelle ils appartiennent. Il y a quatre grandes IRP : les DP, le CE, CHSCT et les délégués syndicaux. Au 1er janvier 2020, l’ensemble des IRP (hormis les délégués syndicaux) devront fusionner au sein du CSE.
Cette situation liée au confinement change radicalement la donne en effet. C'est une chose de télétravailler un jour ou deux par semaine, c'en est une autre de basculer dans un télétravail permanent pendant une longue période, qui pourrait durer 6 semaines. Il devient impossible, au vu des consignes sanitaires, de mener une enquête auprès des télétravailleurs, d'aller voir les salariés à leur domicile, comme on le conseille souvent afin de limiter les risques (solitude, risques psychosociaux, par ex.) liés au télétravail. Il me semble donc indispensable pour les représentants du personnel de chercher les moyens de garder le lien avec les salariés. Or l'utilisation du mail professionnel groupé reste malaisé en l'absence d'accord collectif. En même temps, nous sommes face à des circonstances exceptionnelles, et un employeur doit pouvoir comprendre qu'il est également de son intérêt de laisser les représentants du personnel communiquer et échanger avec les salariés, afin que les problèmes lui remontent et que l'information de prévention passe bien auprès du personnel. L'enjeu pour l'employeur est aussi de réduire les risques d'exposition des salariés. Un élu de CSE doit pouvoir dire aux salariés comment il est joignable. Faute de pouvoir utiliser les mails ou l'intranet de l'entreprise, un CSE peut aussi organiser un forum externe, ou utiliser les mails des personnes qui ont donné leur accord.
Le code du travail cadre précisément les cas où les réunions plénières peuvent se faire à distance (1). Il est nécessaire d'avoir à la fois le son et l'image, et ces visioconférences ne peuvent être qu'au nombre de 3 par an maximum en l'absence d'accord plus favorable. En temps ordinaire, faire une visioconférence pour deux groupes d'élus de deux sites différents ne paraît pas si compliqué. Le faire avec une vingtaine d'élus chacun sur des sites différents, depuis leur domicile, cela me paraît autrement plus compliqué. Cela pose donc clairement la question de la légalité de réunions de CSE faites simplement par téléphone.
On voit bien que la situation pose le problème de l'applicabilité de cette règle. De mon point de vue, il est quand même très important de réunir le CSE. Etant donné qu'il est impossible de réunir physiquement ensemble les élus du CSE et l'employeur, il faut que la représentation du personnel et l'entreprise se demandent comment faire. A vrai dire, nous n'avons pas de réponse à cette question, mais je conseille aux élus et aux syndicats de trouver un accord sur le sujet avec l'employeur. A mon sens, il vaut mieux faire une réunion par téléphone plutôt que pas de réunion du tout !
En effet, pour l'heure, la consultation préalable du CSE sur la demande d'activité partielle (Ndlr : communément appelé chômage partiel) est requise (2). C'est une condition indispensable. Le ministère du Travail prépare un nouveau décret sur l'activité partielle et nous ne savons pas si cela sera encore le cas. Ce serait très dommage qu'on décide qu'il ne faille plus ni informer ni recueillir l'avis de la représentation du personnel sur un sujet aussi important que l'emploi. Une instance représentative est là pour faire remonter les problèmes rencontrés par les salariés et donner son avis sur la situation de l'entreprise. Se passer de ces remontées et de cet avis serait une négation du principe même de la représentation du personnel !
C'est déjà le cas ces derniers jours, mais ce n'est pas possible partout. Pour certains secteurs, je pense par exemple aux magasins ou aux emplois industriels, c'est inadapté. Pour les autres, comme les fonctions support, cela dépendra aussi de l'activité : à quoi bon faire du télétravail au siège s'il n'y a plus d'activité faute de production ? Se pose en outre la question de la sécurisation des données échangées et du matériel informatique mis à disposition, comme pour les salariés des banques.
Dans l'idéal, ce serait une bonne chose. D'autant qu'une action de formation s'accompagne du maintien total de la rémunération du salarié. Or ce n'est pas le cas du chômage partiel : dans son communiqué sur le décret en préparation, la ministre du Travail évoque le fait que le dispositif couvrira 100% des indemnisations versées aux salariés par les entreprise. Cela semble ouvrir la voie à des accords d'entreprise pour permettre une indemnisation supérieure à celle de la loi, qui est dans les faits d'environ 83% du salaire net. Mais si j'en reviens à la formation à distance, j'ai des doutes sur le fait qu'elle puisse être généralisée massivement, notamment pour des questions pédagogiques.
(1) En l'absence d'accord entre l'employeur et les membres élus du comité, l'article L. 2315-4 du code du travail limite à trois réunions par année civile le nombre de réunions du CSE pouvant se dérouler par visioconférence. L'art. D.2315-1 impose que le dispositif technique mis en oeuvre garantisse l'identification des membres du comité et leur participation effectif, mais aussi la confidentialité des votes.
(2) Selon l'art. R. 5122-2 du code du travail, l'employeur doit joindre à sa demande préalable d'autorisation d'activité partielle, "1. les motifs justifiant le recours à l'activité partielle; 2. La période prévisible de sous-activité; 3. le nombre de salariés concernés". La demande "est accompagnée de l'avis préalable du CSE en application de l'art. L.2312-17", cet article renvoyant au principe de la consultation du comité sur la situation économique et financière, la politique sociale, les conditions de travail et l'emploi.
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