"Toutes les entreprises jusqu'à 250 salariés pourront distribuer de l'intéressement sans charge ni impôt"

"Toutes les entreprises jusqu'à 250 salariés pourront distribuer de l'intéressement sans charge ni impôt"

13.04.2018

Représentants du personnel

Le chef de l'Etat a promis hier une disparition début 2019 du forfait social pour les entreprises de moins de 250 salariés qui distribueront de l'intéressement. Le patronat se réjouit, les syndicats sont partagés. Nous publions le projet du rapport de l'instance consultative sur ces sujets, que le gouvernement n'a pas rendu public, qui propose une révision de la formule de calcul de la participation.

Lors de son interview hier au journal de 13h sur TF1, le Président de la République a promis qu'au 1er janvier 2019, "toutes les entreprises jusqu'à 250 salariés pourront distribuer de l'intéressement", et ce "sans aucune charge ni impôt" car "il n'y aura plus de forfait social sur l'intéressement". Cette annonce survient alors que le gouvernement n'a toujours pas rendu public le rapport de l'instance de consultation sur ces sujets, le Copiesas (lire notre encadré et le projet de rapport en pièce jointe).

Le forfait social est une contribution versée par l'employeur prélevée sur les rémunérations non soumises aux cotisations et contributions sociales mais assujetties à la CSG (contribution sociale généralisée). L'employeur doit actuellement acquitter un forfait social au taux de 20% pour les sommes versées aux salariés au titre de l'intéressement ou de la participation, ce taux étant abaissé à 8% pour les entreprises de moins de 50 salariés concluant un premier accord de participation ou d'intéressement. L'employeur bénéficie aussi d'un taux réduit (mais tout de même de 16%) pour les sommes issues de l'intéressement ou de la participation (et aux abondements) affectées dans un plan d'épargne pour la retraite collectif (PERCO), et ce sous conditions (lire les explications de l'Urssaf). Ce dispositif, qui a plutôt été alourdi ces dernières années, a souvent été dénoncé par les partenaires sociaux au motif que ces prélèvements pénalisaient les entreprises vertueuses qui partagent effectivement leurs profits.

Le pouvoir d'achat en ligne de mire

Pour l'intéressement, ce forfait ne s'appliquerait donc plus l'année prochaine en-dessous de 250 salariés, cette mesure pouvant concerner selon le chef de l'Etat "plus de dix millions de salariés français". Il faudra vérifier si une telle suppression, et avec quelles dispositions précises, est effectivement retenue dans le projet de loi pour la croissance (Pacte) que prépare le ministre de l'Economie, et dont la présentation, une nouvelle fois repoussée, pourrait avoir lieu le 16 mai en conseil des ministres. Ce serait un signal politique important afin de contrebalancer dans l'opinion l'effet provoqué par la hausse de la CSG sur les salaires.

Hier sur Europe 1, Bruno Le Maire a abondé dans ce sens. Actuellement, selon les chiffres du gouvernement, seules 16% des entreprises de moins de 50 salariés, et seules 22% de celles de 50 à 250 salariés, ont un accord d'intéressement ou de participation. Le ministre de l'Economie se donne comme objectif de faire passer la part d'entreprises ayant des accords d'intéressement à 34% pour les sociétés de moins de 250 salariés : "Nous souhaitons que 10 millions de salariés soient concernés à l'avenir dans ces entreprises", a-t-il répété.

La CPME satisfaite

Jusqu'à présent, l'Exécutif avait semblé opter pour une suppression du forfait social mais limitée aux entreprises de moins de 50 salariés, TPE et PME étant les plus réticentes à mettre en place un intéressement compte-tenu de ce prélèvement. La CPME a, logiquement, exprimé hier soir sa satisfaction. "C'est une excellente nouvelle tant pour les entreprises que pour les salariés français (...) Le forfait social incitera les entreprises à mettre en place des accords d'intéressement, formidable outil de motivation, d'implication et de fidélisation des salariés" a réagi l'organisation patronale des PME qui a souligné l'alourdissement progressif du forfait social, passé de 2% en 2009 à 6% en 2011, 8% puis 20% en 2012.

Certaines organisations syndicales ont aussi réagi positivement. "Ce serait une bonne nouvelle, cela permettrait d'inciter les entreprises à distribuer de l'intéressement", nous indique Geoffroy de Vienne, de la CFTC, membre du comité intersyndical de l'épargne salariale. Joint hier soir, Gérard Mardiné, secrétaire national CFE-CGC en charge de l'économie, se dit partisan d'un forfait social nul "pour favoriser l'amorçage" de l'intéressement, mais en limitant la durée de l'absence de forfait social par exemple à 5 ans. Il souhaite aussi que soit privilégié "l'investissement dans des formules d'épargne longue et positives sur le plan économique comme le PERCO ou l'actionnariat salarié". La CFE-CGC estime en effet que si le forfait social a été trop lourdement alourdi ces dernières années, il ne faut pas pour autant le supprimer complètement "car il participe aussi du financement à la sécurité sociale" : "Nous pourrions ramener ce forfait autour de 8% pour l'épargne salariale", soutient Gérard Mardiné.

La CGT s'inquiète d'une baisse des ressources de la sécurité sociale

Pierre-Yves Chaunu, pour la CGT, se dit au contraire "furieux" des annonces d'Emmanuel Macron, alors même que le rapport du Copiesas n'a toujours pas été rendu public (lire notre encadré). "Nous sommes opposés à cette mesure de suppression du forfait social car cela équivaut à envoyer aux employeurs le message suivant : "Pas besoin d'augmenter les salaires, faites de l'intéressement !" Si 10 millions de salariés sont concernés, cela veut dire que la moitié du salariat français sera touché". L'autre argument avancé par la CGT concerne le financement de la sécurité sociale : "Ce sont plusieurs milliards d'euros qui ne financeront plus la caisse nationale d'assurance vieillesse", estime Pierre-Yves Chaunu.

Emmanuel Macron a également évoqué pour le 1er janvier prochain une baisse de l'impôt sur les sociétés.

 

L'instance consultative (Copiesas) propose un forfait social de 8% et une refonte du calcul de la participation

L'annonce d'Emmanuel Macron survient alors que le rapport du Copiesas (conseil d'orientation de la participation, de l'intéressement, de l'épargne salariale, qui associe partenaires sociaux, représentants de l'Etat et parlementaires), une instance consultative du gouvernement, censé être achevé à la mi-mars, n'a toujours pas été rendu public par le gouvernement, ce qui n'a pas manqué d'irriter les organisations syndicales. Ce rapport, dans la dernière version connue (lire ci-dessous en pièce jointe) préconise de ramener à un taux de 8% le forfait social pour les entreprises de moins de 50 salariés, une proposition donc en-deçà de la mesure annoncée par le Président de la République, et de rendre obligatoire dans les entreprises de moins de 50 salariés une forme d'épargne salariale. "On nous a pressés pour rendre le rapport au plus vite et, curieusement, nous ignorons s'il a été remis à la ministre, car il n'a jamais été publié", s'énerve Pierre-Yves Chaunu, de la CGT. Ce rapport prône également une révision de la formule de calcul de la réserve spéciale de participation, qui serait simplifiée radicalement puisqu'elle équivaudrait à 10% du bénéfice net comptable.

 

 

 

Représentants du personnel

Les représentants du personnel sont des salariés élus ou désignés chargés de représenter les salariés de l’entreprise avec des missions spécifiques selon l’instance représentative du personnel (IRP) à laquelle ils appartiennent. Il y a quatre grandes IRP : les DP, le CE, CHSCT et les délégués syndicaux.  Au 1er janvier 2020, l’ensemble des IRP (hormis les délégués syndicaux) devront fusionner au sein du CSE.

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Bernard Domergue
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