10 raisons d'être candidat aux élections CSE

01.12.2022

Représentants du personnel

Les arguments ne manquent pas, on le sait, pour décourager un salarié de se porter candidat au comité social et économique (CSE) à l'occasion des élections professionnelles : lourdeur des missions, peur de manquer de temps pour son travail, peur de voir son évolution professionnelle mise en cause par cet engagement voire peur de représailles de la part de l'employeur, indifférence quant aux enjeux collectifs, crainte de ne pas être à la hauteur et de parler en public, etc. Mais il existe aussi de solides raisons qui peuvent motiver une candidature. Nous en passons quelques-unes en revue.

1. Mieux connaître son entreprise

 

Faire partie du CSE, c'est accéder à des informations et à des relations professionnelles très diverses qui apportent à l'élu une bien meilleure connaissance de l'entreprise et de son environnement que celle que peut avoir un "simple" salarié (collectif de travail, diversité des métiers, situation économique, stratégie de l'entreprise, etc.).

Devenir élu du CSE, c'est être partie-prenante du destin de l'entreprise, c'est accéder à une forme de reconnaissance, non seulement de la part des autres salariés, de ses collègues, mais aussi de la direction de l'entreprise (directeur général, DRH, directeur des relations sociales, etc.). 

L'enjeu est donc collectif (le CSE a pour mission d'assurer l'expression collective des salariés permettant la prise en compte permanente de leurs intérêts) mais il peut aussi se doubler d'un intérêt individuel : mieux identifier son organisation, ses forces et ses faiblesses, c'est disposer d'éléments utiles pour la suite de sa carrière au sein de l'entreprise.

Ajoutons que le mandat permet aussi de développer de nouvelles compétences utiles : droit du travail, communication, organisation d'activités, etc., et parfois de les valoriser.

Alexandre Crétiaux, DSC CFDT à Framatome, ne dira pas le contraire, lui qui, parti du métier de soudeur, vient de décrocher un master 2 stratégie d'entreprise et management à l'EM de Lyon, "car il y a un bon niveau de dialogue social dans l'entreprise, ce qui fait qu'un engagement dans un mandat n'est pas pénalisant, les compétences acquises en tant que délégué syndical ou secrétaire de CSE seront reconnus via un nouveau coefficient".

Mais le délégué syndical ajoute : "Je dis aux futurs élus qu'il faut garder au moins 50% de temps pour continuer son travail, pour avoir un pied dans l'entreprise, afin de préparer la suite, car il ne nous faut pas oublier la limitation à 3 mandats successifs". 

 

2. "Peser" pour améliorer les conditions de travail

 

"Pourquoi se porter candidat ? Pour avoir la possibilité de s'exprimer, pour peser dans l'entreprise, pour faire évoluer les conditions de travail au bénéfice des salariés", nous répond Catherine Pinchaut, secrétaire nationale CFDT en charge du travail (voir nos vidéos sur les jeunes élus ici et ici).
En tant que secrétaire du syndicat CGT de PSA à Sochaux, Jérôme Boussard observe en effet que les jeunes qui veulent entrer au CSE sont motivés par les conditions de travail et par les salaires : "Chez nous, les cadences sont très fortes. On nous fait "marner" du lundi au jeudi et on se retrouve le vendredi en journée chômée. Nos camarades veulent remonter ces problèmes directement auprès de la direction, en CSE".
Le syndicaliste confie d'ailleurs qu'il n'a pas eu de mal à boucler sa liste de candidats pour les élections du 8 au 15 décembre : "On a des problèmes de riche : trop de candidats par rapport au nombre de mandats ! Il a fallu faire des choix. J'ai par exemple décidé d'être représentant syndical au CSE pour laisser un jeune de 30 ans devenir membre du comité". 
3. Donner un nouveau sens à son travail

 

S'investir dans un mandat de représentant du personnel (mandat syndical ou mandat d'élu CSE), c'est donner du sens à son travail. Pierre Jardon, secrétaire national de la CFTC en charge du dialogue social, soulignait récemment dans actuEL-CSE l'intérêt de ces missions : "Aujourd'hui, les jeunes sont en quête de sens au travail. Quel meilleur outil que le syndicalisme pour trouver du sens ? Le représentant du personnel va être un acteur de l'évolution de l'entreprise, il va pouvoir chercher à influencer les choses, à contribuer à l'amélioration des conditions de travail et au bien-être des collègues, il va pouvoir s'intéresser à la situation économique de son entreprise, à sa stratégie, participer à la prise en compte des enjeux écologiques, c'est passionnant !"

Alexandre Crétiaux, DSC CFDT à Framatome, confirme : "Certains jeunes nous rejoignent car ils veulent comprendre le mécanisme des négociations, les raisons de tel investissement ou de telle ou telle embauche". 

 

4. Retrouver du collectif après le confinement, s'intégrer

 

De nombreuses études montrent l'inquiétant effet produit sur la santé des salariés par le confinement et par le télétravail. Faire partie d'un CSE, c'est rejoindre une instance collégiale, c'est donc, normalement, retrouver un esprit solidaire et collectif.  

Sortir d'un isolement, ou pour le dire de façon plus positive élargir le cercle de ses connaissances parmi les collègues de l'entreprise, peut aussi constituer une motivation pour rejoindre un CSE. 

Pas d'illusion cependant, avertit Alexandre Crétiaux (DSC CFDT à Framatome), il faut toujours quelques années d'ancienneté dans l'entreprise pour que les salariés envisagent de prendre un mandat : "Les salariés qui arrivent directement des écoles, c'est plus compliqué, ils sont davantage individualistes, ils rejettent le système, il faut commencer par leur expliquer pourquoi on a signé ou pas tel accord et quelles sont les conséquences".

Pour le syndicaliste, la campagne des élections professionnelles ne peut pas faire l'impasse sur la raison d'être du CSE et des élus, "d'autant que ce n'est pas à l'école que les jeunes salariés ont appris quelque chose sur le dialogue social !"

 

5. "Verdir" les activités sociales et culturelles, les ASC du CSE

 

Comment attirer les jeunes vers les mandats ? On sait que les jeunes générations ont une sensibilité plus importante que leurs aînés à la crise climatique et à l'enjeu d'une transformation de nos modes de production et de consommation. Justement : le CSE a un rôle à jouer en la matière. Comme acteur, en choisissant des activités sociales et culturelles (ASC) respectant davantage l'environnement (circuits courts, moindre empreinte carbone, etc.) et le mieux-disant social. Mais aussi comme institution représentative qui peut "challenger" la direction d'une entreprise sur ce sujet : le CSE a récemment vu ses prérogatives étendues à l'environnement, l'entreprise devant notamment compléter la base de données économiques, sociales et environnementales, la BDESE (voir notre infographie).

Cela peut motiver des salariés particulièrement sensibilisés aux enjeux environnementaux à entrer dans l'instance pour faire changer les choses. Dans son CSE d'Angers Loire Habitat (230 salariés), Noureddine El Mezdari, qui a transmis cette année le secrétariat de l'instance, a vu la montée en puissance de cette préoccupation : "Notre discours sur les valeurs de notre comité que nous voulons proches de l'économie sociale et solidaire et aussi impliqué dans la transition écologique plaît aux salariés, surtout aux agents de maîtrise et aux cadres".  

 

6. Aider les autres

 

Une sensibilité particulière aux injustices est souvent le moteur d'un investissement dans la représentation collective des travailleurs. Du temps des instances séparées (CHSCT, CE, DP), le mandat de délégué du personnel était souvent la voie d'accès au CE. Etre délégué du personnel, c'était allez voir les salariés, recueillir leurs demandes et critiques, et les transmettre à la direction pour les faire prendre en compte, c'était aussi, parce que les DP étaient proches du terrain, souvent venir en aide à un salarié menacé ou dans la difficulté.

Si les délégués du personnel ont disparu avec le CSE, leur rôle est toujours censé être assumé par la délégation du personnel, c'est-à-dire par tous les membres du CSE, éventuellement par les représentants de proximité (RP) si un accord a prévu leur existence. Donc, un salarié ayant ce souhait d'aider les autres peut trouver dans le CSE une capacité à agir. 

Reste que le CSE apparaît comme un mandat lourd, contraignant, les élus devant revêtir de multiples casquettes. Cela s'oppose à la recherche d'équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle, un objectif partagé par de nombreux salariés et singulièrement les jeunes.

Comment rendre le CSE attractif ? "Les entreprises ont elles-mêmes intérêt à nourrir un dialogue social de qualité, ne serait-ce qu'au regard des tensions sur le marché de l'emploi. Elles devraient desserer les contraintes qui pèsent sur les CSE en augmentant les crédits d'heures des élus, par exemple", soutient Marie-Laure Billotte, directrice de mission chez l'expert Groupe 3E.

 

7. Faire évoluer salaires et pouvoir d'achat

 

 "Chez nous, des bas salaires sont rattrapés par le Smic du fait de l'inflation. C'est une préoccupation majeure", confirme Noureddine El Mezdari, élu au CSE d'Angers Loire Habitat.

Dans certaines entreprises en effet, certains salariés au Smic ou ayant un faible salaire jugent en effet n'avoir rien à perdre et prennent un mandat au CSE avec comme principal signe d'intérêt la question salariale.  La dimension revendicative est bien sûr exercée par les délégués syndicaux (quand ils sont présents dans l'entreprise !), mais le CSE n'est pas tout à fait impuissant sur la question.

Où ailleurs qu'au CSE peut-on obtenir des éléments chiffrés sur les rémunérations, sur l'écart des salaires dans l'entreprise ou encore sur la répartition de la valeur ajoutée ? Et si les salaires sont du domaine de l'employeur, le CSE dispose quand même de leviers d'action très variés pour tenter d'améliorer l'ordinaire des salariés : négocier une augmentation du budget des activités sociales et culturelles, offrir de nouveaux services aux salariés type aide à la personne (garde d'enfant, par exemple), demander à l'employeur une meilleure prise en charge de la complémentaire et des titres-restaurant, etc. (►à ce sujet, lire notre article).

 

8. Avoir un CSE plus actif ou conforme à ses idées

 

Il en va du CSE comme de la politique : si vous n'êtes pas satisfait du travail des élus de l'instance de votre entreprise, si vous jugez l'instance trop peu active, pas assez à l'écoute des salariés ou réagissant trop peu aux initiatives de l'employeur, changez-en, et, mieux encore, soyez candidat pour porter un autre projet. 

C'est ce qu'entend faire, pour les élections prévues en avril prochain chez Connecting Ground Services (WFS), une société de services aéroportuaire, Farid Diabi. Depuis 25 ans dans cette entreprise spécialisée dans le tri et l'acheminement des bagages, Farid Diabi est RSS (représentant de section syndicale) mais il souhaite que sa liste Sud aérien, son syndicat, décroche au moins 10% au CSE pour faire bouger les choses.

"Je ne suis pas très content du CSE sortant, ils ne font pas grand chose. En tant que RSS, j'ai beaucoup travaillé pour obtenir masques et gel lors de la crise sanitaire, mais aussi pour faire bénéficier les salariés des aides à l'activité partielle octroyées par les caisses de prévoyance. Je suis donc en train de monter ma liste", nous explique-t-il.

Les attentes des salariés ? "Chez nous, ce sont les conditions de travail, il y a beaucoup de stress lié aux livraisons, beaucoup d'arrêts de travail. Et il y a le pouvoir d'achat". 

 

9. Faire profiter les autres de ses compétences et de son expérience

 

Vous êtes particulièrement à l'aise avec les chiffres ? Vous savez rédiger de façon efficace et rapide ? Vous avez un talent d'organisateur ? Vous connaissez bien l'entreprise ? Le droit du travail n'a pas de secret pour vous ? En rejoignant une équipe CSE, vous mettrez vos compétences au service d'un collectif, vous pourrez aussi en développer d'autres.

"Certains de nos camarades qui arrivent en CSE parlent parfois un peu trop familièrement à la direction. On doit leur apprendre à faire autrement", nous glisse Jérôme Boussard, de la CGT de PSA Sochaux. Ce dernier explique que la formation des nouveaux se fait par des modules syndicaux mais aussi en les faisant travaillant en binôme avec des élus plus expérimentés, "c'est presque du tutorat".

Inversement, le CSE peut aussi attirer à lui de jeunes salariés qui maîtrisent des compétences que l'équipe d'élus n'a pas. "Un syndicat ou un CSE a besoin de communiquer sur les réseaux sociaux. Il peut être intéressant d'intégrer dans l'équipe un jeune qui maîtrise très bien un réseau social comme Tik Tok, par exemple, et cela donnera en plus un rôle spécifique à ce jeune élu", conseille Marie-Laure Billotte, directrice de mission chez l'expert Groupe 3E. 

 

10. Se protéger

 

C'est un argument peu collectif, avouons-le, mais réel : devenir élu de CSE, c'est bénéficier du statut de salarié protégé. L'employeur ne pourra pas licencier un élu sans en demander l'autorisation à l'inspection du travail. Ce statut protecteur offre donc une certaine sécurité à des salariés en conflit avec leur employeur ou qui se sentent menacés. *

On voit parfois d'ailleurs des salariés s'engager ainsi, presque à contre-coeur, dans un mandat de représentant du personnel avant de découvrir ensuite, au fil des réunions et des missions, tout l'intérêt de participer à la représentation collective et à la défense des travailleurs. Mais Alexandre Crétiaux, DSC CFDT à Framatome, est sceptique : "Un salarié qui veut entrer au CSE pour se protéger, ça part mal ! Où est le souci du collectif ?"

 

Comment intégrer les nouveaux au CSE ?

S'il a lâché cette année le secrétariat de son CSE (Angers Loire Habitat, 230 salariés, 10 titulaires) pour se consacrer à son mandat de président national du réseau inter-CSE Cezam, Noureddine El Mezdari (élu CFDT) est toujours très impliqué dans la préparation des élections professionnelles du 8 décembre, pour lesquelles le comité a fait plancher une agence de communication sur la conception et la fabrication des tracts.

"Il y a 4 ans nous avions déjà renouvelé la moitié des membres et notre satisfaction, c'est qu'ils sont restés", nous raconte-t-il. Et cette année, les quelques départs pour raisons professionnelles (mutations, changements d'entreprise) ont été remplacés. Le secret ? "Déjà, nous n'obligeons pas les nouveaux à se syndiquer, ils y viennent eux-mêmes par la suite. Et pour les intégrer durablement au CSE, il ne faut pas mettre les nouveaux en difficulté en leur imposant des choses. Nous leur demandons ce qu'ils souhaitent faire : si ce sont des ASC, très bien, nous les amenons peu à peu à partager nos valeurs. Ce sont eux-mêmes qui, au bout de 2 à 3 ans, vont demander à faire autre chose". C'est aussi la dynamique des échanges au sein du collectif, ajoute-t-il, qui conduit les nouveaux élus à se documenter sur les sujets et à s'informer.

Reste que dans d'autres secteurs, une problématique nouvelle se fait jour quant au renouvellement des CSE : la mobilité des jeunes actifs. "Les jeunes bougent à nouveau beaucoup, ils ont tendance à changer d'entreprise dès qu'ils sont déçus ou qu'ils s'aperçoivent que l'entreprise ou leur poste ne correspond pas à ce qu'il leur avait été annoncé. Or on sait bien qu'il faut quelques années de stabilité à un poste pour qu'un jeune salarié commence à s'intéresser au CSE et aux syndicats : moins de 5% des moins de 35 ans sont syndiqués", constate Marie-Laure Billotte, du cabinet d'expertise Groupe 3E. 

► Voir notre dossier spécial sur les jeunes élus CSE

 

Représentants du personnel

Les représentants du personnel sont des salariés élus ou désignés chargés de représenter les salariés de l’entreprise avec des missions spécifiques selon l’instance représentative du personnel (IRP) à laquelle ils appartiennent. Il y a quatre grandes IRP : les DP, le CE, CHSCT et les délégués syndicaux.  Au 1er janvier 2020, l’ensemble des IRP (hormis les délégués syndicaux) devront fusionner au sein du CSE.

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Bernard Domergue
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