Le Conseil supérieur du travail social (CSTS) est mort ! Vive le Haut conseil du travail social (HCTS) ! Par-delà le changement de sigle, qu'est ce qui pourrait bouger pour cette instance installée le 7 juillet ? La députée Brigitte Bourguignon propose, dans un rapport, une nouvelle architecture qui accorde plus de place aux professionnels et aux personnes accompagnées.
Quand on enterre une institution jugée dépassée comme le Conseil supérieur du travail social (CSTS), on commence par lui rendre un hommage appuyé. C'est ce que fait consciencieusement la députée (PS) Brigitte Bourguignon dans son "rapport de préfiguration du conseil interministériel du travail social" (1). Celle qui avait déjà commis voici un an un rapport sur la refonte des formations en travail social explique ainsi que "le CSTS, créé en juillet 1984, était une instance nationale reconnue tant par les professionnels que leurs employeurs pour la qualité de ses travaux et la pertinence de ses recommandations, notamment en matière d'éthique et de déontologie".
Les trois grands défauts du CSTS
Pour autant, le CSTS souffrait, à lire le rapport de la parlementaire, de trois grands défauts : un manque de notoriété qui fait que ses avis n'ont pas eu l'écho qu'ils méritaient ; une absence de dimension interministérielle ; une faible représentation des professionnels et encore plus des personnes accompagnées. En clair, feu le CSTS souffrait d'un manque d'ouverture à l'ensemble des composantes de la société et d'un faible débouché dans les pratiques des professionnels.
Trouver des articulations avec les autres instances
Et maintenant, on fait quoi ? La députée rappelle que le paysage du social et du médico-social est passablement encombré d'un tas de conseils spécialisés traitant des diverses thématiques (pauvreté, handicap, parentalité, adoption...) qui "associent peu le travail social à leurs travaux". Aussi la légitimité du Haut conseil du travail social (HCTS) ne peut-elle être que transversale. Il faut trouver des articulations, voire des mutualisations, entre les travaux de ces dizaines d'instances qui travaillent souvent chacune dans leur coin. De façon très concrète, Brigitte Bourguignon propose l'organisation par le HCTS d'une conférence annuelle des "présidents des grands conseils engagés dans la conduite des politiques sociales".
Les trois fonctions du HCTS
A quoi peut servir ce haut conseil ? Trois grandes fonctions pourraient lui être assignées : observer l'état du travail social pour produire des recommandations ; élaborer une doctrine en matière de déontologie ; animer la réflexion sur les pratiques professionnelles. Sur ce dernier point , la députée souhaiterait que le HCTS soit en mesure "d'anticiper les difficultés de mise en oeuvre [des politiques publiques] et d'identifier les contraintes directes ou incidentes que feraient peser les projets sur les personnes accompagnées". En clair, être une vigie quand les politiques publiques ont tendance à prendre des vessies pour des lanternes... Même s'il a une dimension transversale, cette instance n'aurait pas vocation à mettre son nez partout. Seraient ainsi exclues de son champ toutes les questions relatives aux diplômes, aux certifications et aux contenus des formations, autant de chasse gardée pour la CPC (commission professionnelle consultative) du travail social.
Quatre collèges et une présidence "politique"
Sur quelles bases organiser cette nouvelle instance ? Se réunissant au moins deux fois l'an, l'assemblée du conseil "devra disposer d'une grande latitude pour constituer et composer commissions et groupes de travail", estime Brigitte Bourguignon. Celle-ci doit être construite autour de quatre grands collèges : pouvoirs publics (Etat et collectivités locales), professionnels, personnes qualifiées et personnes accompagnées. La présidence devrait être assurée par "une personnalité politique engagée dans le social ou une personnalité de la société civile à l'expérience sociale reconnue". Sur son blog, Didier Dubasque propose que ce poste soit attribué à... Brigitte Bourguignon. Les deux vice-présidences seraient attribuées à un représentant des départements et à un professionnel.
Entrée des associations professionnelles
Justement, le collège des professionnels serait composé de représentants des syndicats mais aussi - ce serait nouveau - des associations professionnelles, comme l'Anas, l'Ones, France CESF, Andass...). Les personnalités qualifiées "dégagées des enjeux voire des tensions du secteur" seraient nommées par les autorités ministérielles.
Comment faire participer les personnes accompagnées ?
Reste la question épineuse de la participation des personnes accompagnées. Sur le principe, tout le monde est d'accord, mais l'expérience du 8e collège du comité national de lutte contre la pauvreté et l'exclusion (CNLE) montre que cette démarche "nécessite une importante préparation pour que les personnes accompagnées aient suffisamment de distance pour être expert de leur propre situation tout en étant porteur d'une parole collective." Aussi la députée propose-t-elle que la participation se décline sur deux niveaux. Les associations nationales représentatives couvrant tous les champs du travail social désigneraient un représentant pour siéger au conseil. Au niveau local, des "groupes miroir" constitués sur le modèle de l'association "Nous aussi" ou d'ATD Quart Monde seraient sollicités en amont sur les grandes réflexions conduites par le HCTS.
Des correspondants de terrain "éthique et déontologie"
Au final, Brigitte Bourguignon reconnaît qu'il n'est pas possible de tenir l'objectif initial : réduire la taille du conseil. Celui-ci pourrait être constitué de 54 membres (dont un tiers de professionnels) qui participeraient à l'assemblée plénière, mais aussi aux divers groupes de travail et à la commission (permanente) "éthique et déontologie". Celle-ci travaillerait à partir des retours de terrain venant d'un réseau territorial de correspondants que devra constituer le HCTS.
Il va falloir communiquer...
Reste que ce bel organigramme ne garantit pas que les réflexions de ce haut conseil auront un meilleur écho que celles du CSTS. La députée demande plus de rigueur en définissant un programme de travail annuel pour donner plus de visibilité aux différents acteurs, notamment à la dizaine de ministères (potentiellement) intéressés. Elle souhaite surtout une vraie stratégie de communication avec un site internet, des partenariats avec la presse spécialisée ou l'édition, sans compter des rendez-vous réguliers avec la presse. Une petite révolution pour un organisme qui a cultivé l'entre-soi !
... et dégager des moyens humains
Pour que la greffe ait une chance de prendre, Brigitte Bourguignon insiste sur les moyens humains nécessaires qui sont estimés à deux postes équivalents temps plein (contre 0,5 ETP actuellement). Ces ressources seraient d'autant plus indispensables que le HCTS sera chargé de rédiger tous les trois ans un rapport sur l'état du travail social.
Il reste à attendre la publication du décret pour savoir si le gouvernement reprendra une architecture aussi ambitieuse que celle qui est préconisée par la députée du Pas-de-Calais. Il faut faire vite car la première réunion du HCTS est prévue le 7 juillet...
(1) Pour une raison non explicitée, cette appellation a été remplacée par le Haut conseil du travail social.