Abus du statut d'auto-entrepreneur : les prud'hommes de Bordeaux écartent le barème d'indemnités de licenciement

Abus du statut d'auto-entrepreneur : les prud'hommes de Bordeaux écartent le barème d'indemnités de licenciement

11.04.2019

Représentants du personnel

Dans un jugement du 9 avril 2019, le conseil des prud'hommes de Bordeaux écarte à son tour l'application du barème obligatoire de dommages et intérêts en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse. Cette affaire concerne la collaboratrice d'un cabinet d'architecte qui a travaillé de mars 2017 à février 2018 sous le statut d'auto-entrepreneur.

Barème obligatoire en cas de licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, suite ! Le feuilleton continue en effet, avec cette fois le conseil prud'hommes de Bordeaux qui se prononce sur l'application de ce barème dans le cas d'une demande de requalification en contrat de travail d'une auto-entrepreneuse. Observant que la collaboratrice du cabinet d'architecte travaillait avec ses clients sous l'intitulé et l'adresse postale et mail de la société, qu'elle travaillait exclusivement pour celle-ci ou encore qu'elle était présentée à l'extérieur "comme une collègue", le juge requalifie d'abord cette relation de travail en un un contrat de travail à temps plein et à durée indéterminée. Il qualifie ensuite la rupture de cette relation de travail en licenciement sans cause réelle et sérieuse et fixe ensuite des dommages et intérêts.

Représentants du personnel

Les représentants du personnel sont des salariés élus ou désignés chargés de représenter les salariés de l’entreprise avec des missions spécifiques selon l’instance représentative du personnel (IRP) à laquelle ils appartiennent. Il y a quatre grandes IRP : les DP, le CE, CHSCT et les délégués syndicaux.  Au 1er janvier 2020, l’ensemble des IRP (hormis les délégués syndicaux) devront fusionner au sein du CSE.

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Pour cela, le conseil des prud'hommes estime que le barème obligatoire ne permet pas d'indemniser correctement le préjudice subi par la collaboratrice, au regard du fait que celle-ci a été contrainte d'adopter un statut d'auto-entrepreneur "laissant à sa charge le paiement de toutes les cotisations sociales" et au regard de sa situation personnelle (seule avec deux enfants à charge).

OIT et charte sociale européenne

Le juge prud'homal s'appuie sur la convention 158 de l'organisation internationale du travail (Ndlr : le texte mentionne sans doute par erreur la convetion n°159) et la nécessaire "d'indemnité adéquate" en réparation d'un préjudice, et il s'appuie également sur le fait que le comité européen des droits sociaux juge que le mécanisme de la réparation évoquée par l'article 24 de la charte sociale européenne doit être "d'un montant suffisamment élevé pour dissuader l'employeur et pour compenser le préjudice".

Pour le juge, ce n'est nullement le cas des plafonds d'indemnisation fixés par le barème de l'ordonnance Travail qui, s'ils étaient appliqués ici, limiteraient la réparation du préjudice à 0,5 mois de salaire du fait d'une ancienneté de moins d'un an. Le jugement parle même d'un plafond "dérisoire" et fixe ces dommages et intérêts à 12 000€, soit 6 mois de salaire.

Bernard Domergue
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