Comment les personnes handicapées peuvent-elles être accompagnées dans leur accès à la sexualité ? Même si le sujet est tabou en France puisque ce service est assimilé à de la prostitution, l'association pour la promotion de l'accompagnement sexuel (Appas) ne rend pas les armes. Elle détaille les premières informations recueillies auprès d'environ 200 personnes en demande.
"Le comportement de mon frère ne va plus car il a besoin de rapport sensuel avec une femme, il ne peut pas se déplacer [...] Je pense qu'il a besoin de contact physique, de caresses, de toucher une femme et surtout d'échanger un dialogue autre qu'avec sa famille". Ce témoignage d'une soeur sur son frère de 52 ans, l'association pour la promotion de l'accompagnement sexuel (Appas) - créée à l'initiative de Marcel Nuss "lui-même en situation de dépendance vitale" - en a recueilli pléthore en ouvrant en mars dernier un espace sur son site pour que les attentes en ce domaine puissent s'exprimer soit directement par les intéressés, soit par des membres de leur entourage.
Très peu de femmes
Entre mars et décembre 2015, l'Appas a recueilli plus de 180 demandes d'accompagnement sexuel. Toutes les régions sont représentées, même si l'Ile-de-France l'est davantage (un quart). En termes d'âge, l'éventail est très large puisque les souhaits concernent des personnes de 18 à 94 ans. Les classes d'âge intermédiaires (de 26 à 45 ans) représentent environ la moitié. En revanche, l'attente exprimée est quasiment exclusivement masculine, les femmes ne constituant que 5 % des effectifs.
Des handicapés moteur vivant seul
L'étude permet également de savoir quels types de handicap sont les plus concernés par cette demande. Le handicap moteur est largement en tête, et ce dans toutes les catégories d'âge. En seconde position, on trouve les personnes souffrant d'un handicap psychique. Plus que la difficulté de nouer des relations, c'est la "limitation des capacités fonctionnelles" qui pose véritablement problème.
Une grande pluralité de situations personnelles existe chez ceux qui expriment une demande d'accompagnement sexuel. Ils vivent majoritairement seuls, sauf pour les 18-25 ans qui sont dans un cadre familial. Mais les personnes vivant en institution ou même en couple sont également représentées, certes dans des proportions moindres.
Demandes d'actes sexuels, mais pas seulement
Reste la question la plus importante : que recouvre exactement cette demande (finalement vague) d'accompagnement sexuel ? L'Appas identifie sept items auxquels il est possible de rattacher les aspirations qui ont été formulées par ces 180 personnes. Assez logiquement, la demande d'un acte sexuel est dominant, notamment dans les tranches d'âge centrales (26-45 ans). Mais d'autres dimensions ressortent également, comme la recherche de câlin/toucher ou d'affection/tendresse. La confiance en soi est aussi une quête qui peut passer par l'accès à la sexualité. "Nous avons constaté, explique Akim Boudaoud, psychologue-sexologue et vice-président de l'Appas, que, dans certaines formulations des attentes, un lien est établi entre une prestation sexuelle et le fait de retrouver confiance en soi".
"Carte d'embarquement pour le vol des désirs"
Le vice-président de l'Appas refuse de tirer une conclusion de cette enquête qui n'a pas valeur scientifique. Par-delà les sentiments contradictoires que ce type de propos peut susciter chez chacun d'entre nous ("une gêne, un malaise, de l'empathie et de la compassion"), par-delà les débats souvent très vifs (1), il juge important de "proposer une réponse humaine aux besoins exprimés". Voilà pourquoi l'Appas a organisé ces derniers jours une deuxième session de formation à l'accompagnement sexuel, avec l'objectif, à terme, que "la personne dans l'incapacité de bouger les bras et les jambes [soit dotée] d'une carte d'embarquement pour prendre le vol des envies et des désirs affectifs et sexuels."
(1) Sur ce thème, lire notamment ces deux articles : l'avis du comité consultatif national d'éthique en 2013 et celui du CNCPH en 2011