Canal +, déjà condamné pour délit d'entrave de son CHSCT, se voit interdire vendredi 16 décembre par le tribunal de grande instance de Nanterre de mettre en oeuvre son projet de Newsfactory, à l'origine de la grève des salariés d'i-Télé, tant qu'il n'a pas légalement informé et consulté son comité d'entreprise.
Le 16 novembre 2016, le tribunal de grande instance de Nanterre a condamné l'UES Canal + pour délit d'entrave : les juges considéraient que l'entreprise avait privé son CHSCT des informations nécessaires au rendu d'un avis éclairé concernant son projet de mise en oeuvre de Newsfactory, un projet consistant à faire collaborer plusieurs médias du groupe Vivendi et de Bolloré parmi lesquels la chaîne i-Télé. C'est ce projet, et la façon dont il était conduit avec des déménagements de salariés qui paraissaient précipités, qui a été à l'origine, avec l'affaire Morandini, de la longue grève des journalistes de cette chaîne télévisée d'information en continu.
Représentants du personnel
Les représentants du personnel sont des salariés élus ou désignés chargés de représenter les salariés de l’entreprise avec des missions spécifiques selon l’instance représentative du personnel (IRP) à laquelle ils appartiennent. Il y a quatre grandes IRP : les DP, le CE, CHSCT et les délégués syndicaux. Au 1er janvier 2020, l’ensemble des IRP (hormis les délégués syndicaux) devront fusionner au sein du CSE.
L'action du comité d'entreprise, qui s'était joint à celle du CHSCT, avait en revanche été jugée irrecevable. Cela avait emmené le CE à saisir directement le TGI en référé, sur le même projet de Newsfactory. Le CE demandait aux juges de constater que le délai de 3 mois dont il disposait pour rendre un avis sur le projet devait être prolongé du fait du manque de communications d'informations précises, et ce même si le comité avait commencé à être saisi du projet le 22 septembre 2016. Canal +, de son côté, persistait à soutenir que ce projet était sans lien avec les opérations de déménagement de salariés sur le site d'une part et, d'autre part, que ce projet était de toute façon trop prématuré pour justifier une information-consultation pleine et entière, ce qui expliquait sa décision d'avoir mis fin à cette consultation.
Ces arguments défensifs sont écartés par les juges dans leur jugement (lire le texte en pièce jointe). "Le projet même formulé en termes généraux devait être soumis à l'information-consultation du comité d'entreprise dès lors que son objet était assez déterminé pour que son adoption ait une incidence sur l'organisation, la gestion et la marche générale de l'entreprise (..) L'UES ne pouvait comme elle le soutient procéder par simple information du CE", décide le TGI. Les juges notent aussi qu'en date du 2 décembre 2016, le CE ne disposait toujours pas "des informations les plus élémentaires sur le projet Newsfactory". Par conséquent, le TGI estime que le délai de 3 mois dont disposait le CE pour exprimer un avis sur les orientations générales du projet n'a pas commencé à courir. Le fait que l'entreprise ait néanmoins décidé l'emménagement des équipes de Direct Matin et de Daily Motion sur le site Arc de Seine confirme aux yeux des juges "l'entrave au fonctionnement régulier du CE".
Autrement dit, la justice interdit à Canal + de mettre en oeuvre le projet Newsfactory et lui ordonne de consulter son comité d'entreprise. Quelle conséquence peut avoir cette décision, sachant que la longue grève des salariés d'i-Télé s'est soldée par de multiples départs via des ruptures conventionnelles ? "Nous avions déjà une décision interdisant à Canal + la mise en oeuvre de son projet tant qu'il ne consultait pas son CHSCT, nous répond l'avocat du CE, Mikaël Klein, de LBBA. Maintenant, nous avons un jugement qui va dans le même sens pour le CE. Cela signifie que tant que ces consultations n'ont pas lieu, et la consultation du CE doit reprendre à zéro, Canal + ne peut pas mettre en oeuvre son projet". Mais son projet n'a-t-il pas déjà été mis en oeuvre avec les déménagements de salariés déjà intervenus ? "Non, Canal + n'a pas encore fait travailler ensemble les personnels des différentes entités. Cette deuxième décision doit l'inciter à la réflexion", nous répond Mikaël Klein. Reste que Canal +, qui a déjà fait appel de sa condamnation pour délit d'entrave du CHSCT, pourrait à nouveau faire appel.
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