La fédération Adessadomicile a commandé une étude auprès d'un cabinet pour mesurer le gain socio-économique des activités d'aide à domicile dans chacun de ses segments (familles, personnes handicapées, personnes âgées). Rien que pour le dernier champ, une heure d'aide à domicile chaque semaine génère, au bout d'un an, un bénéfice pour la collectivité de 1,5 milliard d'euros.
"Il faut bien reconnaître que nos fédérations n'ont pas forcément la culture de la mesure socio-économique. En confiant une étude au cabinet Citizing, nous essayons de changer de logiciel dans notre façon de voir. Nous prenons au mot le Président de la République qui parle souvent de mesures d'impact." Hugues Vidor, le directeur général de la fédération Adessadomicile, explique l'origine de cette initiative insolite. Se tourner vers le cabinet d'étude Citizing pour évaluer le gain socio-économique de l'aide à domicile, c'est une manière de commencer à combler les carences en matière de chiffres. L'objectif est très clair : obliger les pouvoirs publics à comprendre que l'aide à domicile, ce n'est pas un coût mais un investissement.
Réduire la maltraitance
Citizing a donc, sur chacune des activités de l'aide et du soin à domicile, mesuré le rapport entre le coût et les bénéfices. "C'est la première fois, explique sa directrice Julie de Brux, que l'on réalise une évaluation socio-économique sur un secteur aussi large". Dans ce cadre, des études par sous-secteur ont été réalisées. Par exemple, sur l'aide aux familles, ont été mesurées deux activités : l'appui aux femmes enceintes et le soutien aux familles fragilisées pour réduire la maltraitance. Dans le premier cas, l'intervention d'un professionnel au domicile permet de réduire la proportion d'enfants naissant avec un faible poids, ce qui a un effet sur la mortalité à moins d'un an et permet de réduire les coûts supportés par l'assurance maladie. Au final, "chaque naissance prise en charge via l'aide à domicile génère un bénéfice socio-économique de 591 €", souligne l'étude.
Près d'un milliard économisé
Une même analyse a été réalisée pour l'accompagnement des familles fragilisées afin de mesurer quels effets cela peut avoir sur la maltraitance. Laquelle maltraitance a des incidences sur la poursuite de la scolarité, la mortalité précoce, la délinquance, la consommation des soins pendant la période adulte, la probabilité d'être placé... L'étude estime que l'aide à domicile permet d'éviter 20 % des cas de maltraitance dont certains débouchent sur des placements. Or, ceux-ci représentent un coût unitaire de 80 000 €. En tout, ce volant de l'aide à domicile permet d'éviter 927 M€ de coûts de long terme.
Soulagement psychologique pour les aidants
Concernant les personnes handicapées, la question tourne autour du bénéfice que tirent les aidants familiaux de cette intervention au domicile d'un professionnel. Le soulagement psychologique (moindre exposition aux maladies liées à l'épuisement), les revenus supplémentaires pour les finances publiques ont ainsi ��té évalués. Résultat : "Chaque heure supplémentaire d'aide à domicile en direction des personnes handicapées bénéficiaires de la PCH (284 000 personnes) génère un bénéfice socio-économique de 35,6 millions d'euros par an", établit l'étude.
Réduire les urgences
Le volant personnes âgées est également détaillé. L'intervention d'une aide à domicile a des effets sur la personne elle-même : moindre recours aux urgences, probabilité moins forte d'aller en Ehpad, meilleure santé mentale et physique... Mais elle a aussi des incidences sur les presque trois millions d'aidants familiaux. La probabilité d'être en emploi, le soulagement psychologique sont améliorés grâce à cette intervention au domicile. Tout cela a des effets sur les finances publiques, par exemple en réduisant le nombre d'hospitalisations d'urgence ou en augmentant les recettes fiscales. Citizing se livre à un petit calcul : "Si chaque personne âgées recevant de l'aide familiale bénéficiait d'une heure hebdomadaire d'aide à domicile (une heure de plus pour certains) pendant un an, les bénéfices socio-économiques, nets des coûts pour les finances publiques, s'élèveraient à 1,5 milliard d'euros".
La demande d'un 5e risque
Dans les jours qui viennent, Hugues Vidor et les responsables d'Adessadomicile vont remettre cette étude très fouillée à la ministre Agnès Buzyn et à la secrétaire d'Etat Sophie Cluzel. L'objectif est très clairement de forcer les pouvoirs publics à passer à l'action et de répondre enfin aux urgences dans l'aide à domicile. "Il faut absolument que l'Etat débloque 80 M€ pour financer les déplacements de nos salariés d'une mission à l'autre", assène le DG d'Adessadomicile. La période qui s'ouvre avec la concertation sur le grand âge semble favorable pour faire passer des messages. La fédération rappelle sa demande d'aller vers un 5e risque financé par la solidarité nationale. Elle demande que la méthode de l'expérimentation soit retenue à l'image de ce qui s'est passé pour les territoires zéro chômeur de longue durée. "Si on veut améliorer les choses, il faut expérimenter puis élargir", conclut Hugues Vidor.