La loi vieillissement a placé la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) face à un défi de taille : harmoniser le système d’information des MDPH et assurer son interopérabilité avec les partenaires du médico-social. Un chantier qui nécessite de clarifier le cœur de métier des MDPH, explique Assia Afaifia, directrice du programme SI MDPH à la CNSA.
Dix ans après la création des MDPH et leur évolution en ordre dispersé, comment abordez-vous l’uniformisation de leur système d’information ?
La CNSA a conduit tout d’abord un audit qui visait à comprendre les difficultés des MDPH dans le développement d’un système de pilotage et de remontée des données. Il a mis en évidence l’hétérogénéité de leurs systèmes d’information, construits en fonction d’une organisation propre. Il faut savoir que trois éditeurs de logiciels se partagent le marché des MDPH, et qu’une dizaine d’entre elles ont conçu leur propre système. Si leur logiciel permettait d’effectuer les missions quotidiennes, il devenait en revanche très compliqué de partager des informations sur l’usager avec les partenaires ou entre MDPH.
Avant de se lancer dans l’harmonisation des systèmes d’information, il fallait donc définir un tronc commun des fonctionnalités sur lequel chacun pouvait s’accorder.
Quelle forme peut prendre ce tronc commun, compte tenu de la grande diversité des MDPH ?
L’idée n’est pas d’aboutir à un logiciel identique pour toutes les MDPH. Derrière, il y a en effet des tailles de structures, des organisations, des relations aux départements très diverses. L’objectif est d’harmoniser progressivement les éléments indispensables à l’échange d’informations entre MDPH et partenaires. Nous avons rassemblé une quarantaine de MDPH afin de mettre à plat l’ensemble des données, concepts et processus constituant le cœur de leur métier. Ce peut être des éléments très basiques, de l’ordre de la terminologie pour s’accorder sur une nomenclature d’actes. Mais le tronc commun se réfère aussi aux différentes étapes du suivi d’un demandeur, de l’accueil jusqu’à l’orientation, et intègre une description du projet d’accompagnement global, tel qu’il est voulu dans le cadre de la démarche « une réponse accompagnée pour tous ».
Cela a débouché en juin dernier sur un document envoyé à l’ensemble des 101 MDPH. Fin septembre, nous intégrerons les remarques qui ont été formulées durant l’été, pour aboutir à une première version de tronc commun partagée par les MDPH, les conseils départementaux et les éditeurs de logiciels.
L’évaluation fait-elle aussi partie de ce processus d’harmonisation ?
En effet. La grille utilisée par les MDPH est le Geva. Même s’il existe des versions électroniques, la démarche d’évaluation n’est pas intégrée aujourd’hui dans le système d’information de la MDPH. Si un médecin codifie des déficiences mais que celles-ci se retrouvent dans un fichier Word ou une feuille de papier, il est impossible de faire des requêtes. L’enjeu est de structurer et d’informatiser la grille Geva afin que ses résultats deviennent exploitables. Seuls les éléments assurant la traçabilité d’une situation auront vocation à être transmis aux partenaires. Il en résultera un gain de temps et une plus grande efficience dans le suivi d’un usager.
Comment vont se traduire les relations avec les partenaires des MDPH ?
Un travail de dématérialisation des échanges entre les caisses d’allocations familiales et les MDPH a été lancé. Celui-ci vise à faciliter l’accès aux droits en évitant les procédures répétitives et en accélérant les délais de réponses de l’administration, notamment dans le cadre de demandes de renouvellement d’AAH (allocation adulte handicapé). En lien avec l’harmonisation des systèmes d’information des MDPH, la conception et le développement de l’informatisation du suivi de l’orientation des personnes en situation de handicap est un autre chantier majeur. Il doit prendre en compte la généralisation du dispositif d’orientation permanent à l’horizon de la fin d’année 2017. Ce qui suppose d’installer des flux d’échanges entre les systèmes d’information des MDPH et ceux des établissements médico-sociaux, des agences régionales de santé et des départements. C’est l’esprit de la loi d’adaptation de la société au vieillissement et c’est toute la notion de parcours qui est en jeu.
Combien de temps faudra-t-il pour aboutir à ce résultat ?
Nous sommes en train de travailler avec les éditeurs de logiciels et les MDPH autonomes pour traduire le tronc commun dans un référentiel fonctionnel et technique. À partir de ces spécifications, les éditeurs vont être en mesure de développer une nouvelle version de leurs SI entre la fin d’année et le premier semestre 2017. Après une phase de test, le déploiement pourrait débuter au cours du second semestre 2017. Tout cela prend du temps. L’harmonisation repose sur la mobilisation de l’ensemble des acteurs.
Une harmonisation à 15 millions d’euros
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Lors de la dernière conférence nationale du handicap, le 19 mai 2016, François Hollande a posé sur la table une enveloppe de 15 millions d’euros : 13 millions d’euros pour soutenir la modernisation des systèmes d’information des MDPH et 2 millions d’euros pour le déploiement d’outils de suivi des orientations sur le territoire national. |
Retrouvez nos précédents articles sur le défi des NTIC (nouvelles technologies de l'information et de la communation) dans le travail social :
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