Assises du travail : ce qu'en attend la CFDT

27.11.2022

Représentants du personnel

Le gouvernement organise le 2 décembre des "assises du travail" au Conservatoire national des arts et métiers (Cnam) à Paris. Qu'en attend la CFDT, qui avait plaidé pour l'organisation d'un tel événement ? Les réponses de Catherine Pinchaut, secrétaire nationale CFDT en charge du travail.

Le 2 décembre, le gouvernement organise des assises du travail, dans le cadre du Conseil national de la refondation (1). De quoi s'agit-il ? 
A la CFDT, nous demandions depuis quelque temps des assises du travail car nous estimons que depuis la crise sanitaire et l'essor du télétravail, il se joue en ce moment quelque chose d'important dans le monde du travail. Il s'est exprimé pendant la crise sanitaire un fort besoin de reconnaissance de la part des travailleurs de deuxième ligne, et, de façon plus générale, un fort besoin d'avoir du sens au travail.
 Il faut échanger sur les enjeux des conditions de travail et de sens du travail

 

 

Nous avons vu aussi la montée en puissance des problèmes de recrutement dans les entreprises, avec des enjeux pas seulement liés à la rémunération, mais aussi à des problèmes de conditions de travail et de sens au travail. La crise sanitaire a fait aussi évoluer la place que tout un chacun fait au travail dans sa vie, et on a vu que le télétravail bousculait totalement l'organisation du travail. Il s'agit là de changements majeurs à l'oeuvre dans le monde du travail dont il faut nous saisir pour préparer l'avenir. Sur ces sujets, la CFDT a transmis au gouvernement une note fouillée (Ndlr : lire en pièce jointe).

Représentants du personnel

Les représentants du personnel sont des salariés élus ou désignés chargés de représenter les salariés de l’entreprise avec des missions spécifiques selon l’instance représentative du personnel (IRP) à laquelle ils appartiennent. Il y a quatre grandes IRP : les DP, le CE, CHSCT et les délégués syndicaux.  Au 1er janvier 2020, l’ensemble des IRP (hormis les délégués syndicaux) devront fusionner au sein du CSE.

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Que proposez-vous ?
Nous avons proposé de traiter 5 thématiques : la conciliation des temps de la vie, la démocratie au travail avec des travailleurs acteurs dans les entreprises et les administrations, les rapports au travail et les rapports aux collectifs, la reconnaissance du travail et des compétences, la qualité du travail et la performance globale.
Le ministère pourrait ne retenir que 3 thématiques 

 

 

Il semble que le ministère du travail ait choisi de ne traiter que trois thématiques : le rapport au travail et la conciliation des temps, la qualité de vie au travail et la santé au travail, la démocratie sociale. Nous verrons. Mais à notre sens, ces assises doivent aborder l'articulation entre le dialogue social et le dialogue professionnel dans les entreprises, mais aussi l'expression des travailleurs sur la qualité de leur travail.
L'organisation du travail devrait être davantage discutée

 

 

La façon dont les salariés et les managers abordent les questions du contenu du travail, de la qualité du travail et de son organisation doit être traitée. Le 2 décembre ne doit d'ailleurs pas être une réunion "one shot", cela doit être le début d'une réflexion longue, qui s'inscrit dans la démarche du Conseil national de la refondation. Nous avons proposé que participent à ces assises l'ensemble des acteurs du monde du travail : les partenaires sociaux, les acteurs des territoires, les parlementaires, des agences comme l'Anact et des associations professionnelles comme l'ANDRH, des universitaires, des sociologues, etc. Nous pensons qu'un croisement des regards, qui se produit très rarement, peut s'avérer très intéressant. Mais j'ignore pour l'heure qui le ministère du travail va inviter.

Allez-vous pousser vos revendications d'évolution des ordonnances sur le CSE ?
Bien sûr ! Nous revendiquons davantage de représentants de proximité, la possibilité pour les représentants du personnel de s'adresser aux salariés via leur mail professionnel afin de rester en contact même en télétravail, fin de la limitation à 3 mandats successifs, abaissement à 50 salariés du seuil de mise en place obligatoire de la CSSCT (commission santé, sécurité et conditions de travail) d'autant que les questions de conditions de travail sont un peu mises sous le tapis en ce moment, etc. Mais nous voulons aller au-delà et parler du dialogue professionnel dans l'entreprise. Il faut échanger sur l'idée d'espaces d'expression dans l'entreprise dans lesquels les salariés parleraient de leur travail, de sa qualité, de la façon dont il est réalisé, la manière dont le manager doit se préoccuper des collectifs de travail pour améliorer le travail.
Selon l'enquête "Parlons de travail" menée par la CFDT en 2016, les salariés se montraient préoccupés par l'intensification du travail, plus de la moitié jugeant leur charge de travail excessive. Quelle vous semble être aujourd'hui la situation ?
Pendant le confinement, on a vu une intensification forte du travail pour ceux qui télétravaillaient. Aujourd'hui, la situation est très hétérogène selon les secteurs d'activité. Alors que nous pensions que ça allait bouger beaucoup plus dans l'organisation du travail et dans les relations sociales et les pratiques managériales, nous observons finalement qu'il n'y a pas eu de révolution, comme si la citoyenneté au travail avait toujours du mal à se mettre en place. 
 Les salariés veulent d'autres relations et une autre organisation du travail

 

 

 

 

Pourtant, les salariés ont beaucoup d'attentes, ils veulent un changement de ces relations et de ces pratiques. Il faut aller au-delà d'un simple droit d'expression, les salariés veulent être écoutés et entendus, ils veulent pouvoir peser et décider sur un certain nombre de questions qui touchent à leur travail. Il faut envisager une délibération sur l'organisation du travail elle-même. 

Peut-il sortir quelque chose de ces assises alors que les organisations syndicales et le gouvernement sont en désaccord total au sujet de l'assurance chômage et des retraites ? 

Avec les assises, il s'agit de traiter d'un sujet, le travail, qui n'a pas vraiment été pris en compte jusqu'à présent. On parle beaucoup plus des questions de l'emploi et du chômage, qui sont certes des sujets importants, mais il faut aussi parler en profondeur de l'aspect concret du travail. Nous espérons qu'il en sortira des choses. Certains sujets pourront être renvoyés à la négociation entre partenaires sociaux, il peut y avoir aussi des expérimentations à mettre en place dans les entreprises, il y a l'enjeu du travail dans les territoires, etc. Il nous faut collectivement tous sortir de notre zone de confort, et produire ensemble des projets concrets, ce qui nécessitera un peu de temps. 

 

(1) Méfiants sur l'initiative d'Emmanuel Macron, certains refusant "de jouer un rôle de faire-valoir", d'autres reprochant au président d'afficher une volonté de concertation démentie par ses décisions sur l'assurance chômage comme sur les retraites, plusieurs syndicats de salariés (CFE-CGC, CGT, FO, Solidaires) ont choisi de boycotter le CNR, auquel participent pour l'instant la CFDT, la CFTC et l'Unsa  (lire notre article).

 

Bernard Domergue
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