Avis de tempête entre la Cnaf et ses caisses

Avis de tempête entre la Cnaf et ses caisses

07.03.2017

Action sociale

Le directeur de la CAF du Bas-Rhin a été démis de ses fonctions le 26 février et muté à une direction dédiée aux centres de vacances. La Cnaf invoque une liste de griefs contre l'ancien directeur. Solidaires de leur collègue, les directeurs de CAF se sont engagés dans un bras de fer avec la Cnaf. La CFDT dénonce "une sorte de management par la terreur". Enquête.

Fait rarissime dans l’histoire des caisses d’allocations familiales, le directeur de la Caisse nationale d’allocations familiales (Cnaf) Daniel Lenoir a démis de ses fonctions le 26 février le directeur de la CAF du Bas-Rhin Michel Reyser. Ce dernier a ensuite été remplacé et muté à la direction en charge de la préfiguration nationale des centres de vacances de la branche. Interrogé par tsa, le cabinet de Daniel Lenoir explique que cette procédure est exceptionnelle et n’avait jamais été utilisée dans la branche Famille.

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Elément déclencheur, le directeur de la CAF du Bas-Rhin avait refusé de diffuser au sein de ses caisses la charte de la laïcité. La charte, adoptée par la branche le 1er septembre 2015, quelques mois après les attentats de janvier 2015, rappelle les principes d’une « République indivisible, laïque, démocratique et sociale ».

Pourquoi refuser d’appliquer cette charte ? Selon Le Parisien, à qui Michel Reyser s’est confié le 5 mars, « ce document n'a pas de valeur légale, mais en aurait eu une si je l'avais diffusé. S'il y a un problème, c'est à moi d'en répondre aux Prud'hommes ou au pénal. Si j'ai cette responsabilité, qu'on me laisse définir ce qui est à diffuser. » La Cnaf rétorque que la charte a déjà fait l’objet de nombreuses consultations et n’a jamais fait débat.

« Une sorte de management par la terreur »

D’après la CFDT, qui a publié une lettre d'information sur le sujet deux jours après l’annonce de mutation de Michel Reyser, le procédé est « arbitraire » et « donne l’image au réseau d’un management par le fait du prince ». Le syndicat, pourtant peu réputé pour ses prises de position radicales, dénonce « une sorte de management par la terreur » alors que « le fait incriminé est pour le moins ‘léger’ et peut faire redouter à l’ensemble des directeurs d’être débarqués au moindre prétexte ».

De son côté, la Cnaf invoque « une succession de refus du directeur d’appliquer les directives de la Cnaf ». L’épisode de la charte de la laïcité serait le dernier élément d’une succession d’événements qui ont abouti à cette décision. En l’occurrence, selon le cabinet de Daniel Lenoir, il est reproché à Michel Reyser d’avoir « préempté des moyens de renforts nationaux en violation de ses engagements contractuels », d’avoir refusé de mener l’enquête nationale « vie au travail » sur les conditions de travail des salariés, et d’avoir fermé « sans aucune concertation » des sites de Hagueneau et Sélestat pendant deux mois en 2016.

Mise en lumière du statut particulier des CAF

L'application de la charte de la laïcité est une question fondamentale pour la Cnaf. Selon le cabinet de Daniel Lenoir, « il est difficile d’imaginer qu’une caisse décide de ne pas mettre en œuvre cette charte ». Les caisses d’allocations familiales ont en effet un statut particulier, de droit privé avec une mission de service public.

De ce fait, les agents ne possèdent pas un statut de fonctionnaire et ne sont pas obligés d’appliquer le principe de neutralité à leur instar. D’où l’importance de cette charte selon la Cnaf. « Concrètement, elle signifie qu’un agent de CAF ne peut pas arborer d’élément religieux dans l’exercice de ses fonctions. »

Un réseau national de plus en plus présent

Interrogée sur les propos très durs de la CFDT à son encontre, notamment concernant son management, l’entourage du directeur de la Cnaf assure que « les directeurs des CAF n’ont jamais été aussi associés aux décisions du réseau », mais aussi que « Daniel Lenoir a été nommé par la tutelle avec un mandat très clair de ‘régulation’ des caisses ».

Par « régulation », comprendre « reprise en main » ? Les propos du cabinet de Daniel Lenoir semblent accréditer cette hypothèse. « Historiquement, les CAF sont nées avec une relative autonomie de gestion. Avec le rythme soutenu des réformes en 2016, l’exigence d’efficacité s’est accrue, ce qui fait que le réseau national est de plus en plus présent. Les caisses sont autonomes dans leur mode de gestion, mais pas indépendantes. »

Conflit ouvert entre la Cnaf et les directeurs de CAF

Interrogée, l'association des directeurs de CAF (Adircaf), qui regroupe les 80 directeurs de caisses de la branche, soutient l'ancien directeur du Bas-Rhin. "Cet épisode est la goutte d'eau qui fait déborder le vase après plein de dysfonctionnements constatés. Il révèle une crise latente entre la Cnaf et l'ensemble des directeurs de la CAF." Une crise qui aurait conduit les 80 directeurs de CAF à quitter une réunion nationale le 23 février dernier, et à ne plus participer à toute réunion organisée par la Cnaf jusqu'à résolution de ce conflit. Sur ce dossier, Daniel Lenoir devait rencontrer l'Adircaf le 6 mars dans l'après-midi et ne la verra finalement que dans quelques jours. "La branche Famille traverse une crise de confiance vis-à-vis de la direction de la Cnaf", explique l'association.

Marie Pragout
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