Baromètre Syndex : "Colère et déception" prédominent chez les élus du CSE

Baromètre Syndex : "Colère et déception" prédominent chez les élus du CSE

14.03.2022

Représentants du personnel

La cabinet Syndex a présenté jeudi 10 mars dernier les résultats de son 4ème baromètre du dialogue social. Réalisé avant la guerre en Ukraine, il fait déjà apparaître les inquiétudes des élus qui se disent "déçus et en colère". Tour d'horizon des résultats avec Jérôme Fourquet (Ifop), Nicolas Weinstein et Claire Morel, de Syndex, ainsi que les témoignages de deux élus.

"Avec le CSE, c'est la direction qui a tiré ses marrons du feu" pour Jérôme Fourquet, directeur du département Opinion et stratégies d’entreprise de l'Institut français d'opinion publique (Ifop). "On observe une dégradation du dialogue social, avec de la colère et de la déception", selon Nicolas Weinstein, membre du comité directeur de Syndex. "Les élus sont pessimistes sur l'année à venir, et c'était avant l'Ukraine", déplore Claire Morel, directrice chez Syndex.

En résumé, les résultats du 4ème baromètre du dialogue social élaboré par Syndex et l'Ifop laissent percevoir des élus découragés par leurs fonctions (voir les documents en pièces jointes). Ce sondage a été réalisé du 17 décembre 2021 au 22 janvier 2022, auprès d'un échantillon représentatif de 1 308 salariés du privé, travaillant dans des entreprises de plus de 50 salariés. Côté IRP, 1 127 élus du personnel ont été interrogés parmi la base de contacts du cabinet Syndex.

Une bonne situation économique mais un découragement des élus

Si 77 % des élus interrogés jugent bonne la situation économique de leur entreprise, 91 % d'entre eux présentent un état d'esprit plutôt négatif. Les sentiments prédominants sont la fatigue (65 %) et l'inquiétude (51 %). Mais deux tendances apparaissent en nette hausse par rapport au baromètre 2021 (lire notre article) : la déception (41 %, en hausse de 5 points) et la colère (34 %, en hausse de 5 points). Ils ne sont que 25 % à se dire motivés, et 27 % se déclarent attentistes.

Côté salariés, ces derniers s'attribuent une note de 5,7 sur 10 quant à leur connaissance du CSE. "On note donc un désintérêt, un manque d'implication des salariés au sujet de leur CSE", observe Jérôme Fourquet. Pour autant, 59 % d'entre eux disent avoir une bonne image de leur CSE. Un chiffre qui reste fragile, car ce pourcentage s'élevait à 66 % dans l'édition 2021 du baromètre Syndex.

Les chiffres de l'étude montrent aussi un hiatus entre salariés et élus dans la perception qualitative du dialogue social : les salariés attribuent une note de 5,9 sur 10, et les élus seulement 4,8 sur 10. Jérôme Fourquet commente ces chiffres : "La tendance est baissière, ce qui indique une forme de tension ressentie par ceux qui sont au charbon". Les élus perçoivent aussi négativement leur direction : 52 % la qualifient de fermée (en hausse de 5 points par rapport à 2021) et 43 % la jugent attentiste (en hausse de 5 points).

Représentants du personnel

Les représentants du personnel sont des salariés élus ou désignés chargés de représenter les salariés de l’entreprise avec des missions spécifiques selon l’instance représentative du personnel (IRP) à laquelle ils appartiennent. Il y a quatre grandes IRP : les DP, le CE, CHSCT et les délégués syndicaux.  Au 1er janvier 2020, l’ensemble des IRP (hormis les délégués syndicaux) devront fusionner au sein du CSE.

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Des moyens, toujours des moyens

Un nouvel item a par ailleurs fait son appartition dans ce baromètre 2022 au sujet des inquiétudes des élus : 42 % d'entre eux font apparaître un ordre du jour des réunions trop chargé comme principal inconvénient des CSE. Arrive en 2ème position l'affaiblissement des CSE par rapport aux directions (33 %) puis un accroissement du temps nécessaire pour les élus (32 %). Un sujet d'inquiétude confirmé par la fait que pour 59 % des élus répondant, le passage au CSE a eu pour conséquence personnelle une hausse du temps à consacrer aux missions d'élus. Cette tendance est à la hausse de 9 points par rapport à 2021. Conséquence : 75 % des élus ont l'intention de renégocier les moyens du CSE à l'occasion des prochaines élections professionnelles.

 Les représentants de proximité, une coquille vide

 

La présence de représentants de proximité ne règle pas forcément la question des moyens. Dans les entreprises qui en sont dotées, les questions individuelles sont évacuées des réunions de CSE. En revanche, dans celles qui en sont dépourvues, ces questions polluent au contraire les réunions. Selon Sophie Lebrun, élue du CSE de l'association Les petits frères des pauvres, et déléguée syndicale centrale CFDT, les représentants de procimité restent une préoccupation. "C'est une coquille vide, chez nous, ils n'ont ni trouvé leur place, ni compris leur rôle. Il y a aussi une question d'articulation entre eux et les élus du CSE, il faut déterminer comment on échange nos informations. C'était plus facile d'interagir avec les délégués du personnel. De plus, les représentants de proximité ne sont pas assez formés", témoigne-t-elle.

Le baromètre fait également remonter un manque de moyens d'information sur la nouvelle prérogative environnementale des CSE : 84 % des élus interrgés estiment qu'ils ne sont pas bien informés à ce sujet. Selon Nicolas Weinstein, du cabinet Syndex, "il y a donc un vrai sujet de dialogue social sur la transition écologique, et pourtant il apparaît nécessairement moins prioritaire pour les élus. Les nouvelles prérogatives datent de l'été dernier, le décret sur la base de données économique sociale et environnementale (BDESE) n'est toujours pas publié. Donc s'il n'y a pas d'effort dans l'entreprise à ce sujet, il ne se passera pas grand chose".

Bilan du passage au CSE : les directions gagnantes

Comme l'indique aussi l'enquête d'Officiel CSE (lire notre brève), les directions apparaissent comme les grandes gagnantes du passage des trois anciennes instances au CSE pour 82 % des élus. Les dirigeants bénéficient d'une meilleure articulation des réunions, d'un "effet volume" avec moins de réunions à préparer et d'une baisse du nombre d'interlocuteurs. Côté représentants du personnel, on considère que les salariés sont les grands perdants de la réforme de 2017 (54 %), suivis par les élus (45 %) et les syndicats (45 %, en hausse de 12 points par rapport à 2021).

Face à ce constat, le bilan est sombre : 60 % des élus indiquent une dégradation du dialogue social, une conclusion également tirée par le comité d'évaluation des ordonnances Macron (lire notre article). En conséquence, les élus redoutent la perte du lien de proximité et un traitement plus superficiel des sujets. Ils pointent également un dialogue social déséquilibré qui s'emboîte avec une crise de vocation des élus, des suppléants pas assez formés et la limitation du nombre de mandats. Pour Claire Morel, directrice au cabinet Syndex, "les élus couvrent plus de territoire et plus de services. Comme ils ont la tête dans le guidon, il leur est compliqué de tout gérer".

La concentration des fonctions d'élus crée une frustration 

 

En revanche, les élus en CSE ont le sentiment gratifiant d'être au courant de tout ce qui se passe dans l'entreprise et que la direction ne peut pas "botter en touche". Mais la frustration demeure, comme en témoigne Pascal Guiheneuf, élu du CSE et délégué syndical CFDT chez Nokia : "On a concentré les fonctions d'élus, donc nous portons plusieurs chapeaux, cela crée une vraie frustration. Sans compter les questions traitées en négociation. Nous avions un accord de télétravail signé en 2008, avec deux jours à domicile par semaine. Mais la direction ne pense plus que coworking et flex-office, avec une application pour réserver sa place. Moi je suis parti en province, je travaille depuis Quimper"...

Les salariés satisfaits de l'accompagnement des CSE pendant la crise sanitaire

61 % des salariés sont satisfaits de l'accompagnement fourni par les CSE pendant la crise sanitaire. De leur côté, les élus sont 63 % à juger bon le positionnement de leur direction pendant cette crise. Pour 64 % des élus, le CSE a été consulté en amont sur le plan de prévention anti-Covid, sur la reprise d'activité (52%), sur l'activité partielle (53 %) et sur la mise en place du télétravail (60 %).

45 % des salariés interrogés ont déclaré avoir télétravaillé depuis le début de la crise sanitaire. Parmi eux, si 85 % le vivent bien, ils sont 47 % à remarquer son impact négatif sur les liens sociaux et le collectif. Ce pourcentage passe à 75 % lorsque les élus répondent à la même question. Les conditions de travail (92 %), la santé et les risques psychosociaux (91 %) demeurent les sujets prioritaires à traiter en CSE pour les élus.

Quelles attentes pour le prochain quinquennat ?

Les élus ne manquent pas d'idées à l'égard des candidats à la présidentielle. 98 % souhaitent un renforcement du poids des avis émis par le CSE, notamment via la mise en place d'un avis conforme. 95 % appellent de leurs voeux un agenda social articulant consultations et négociations. Ils sont 94 % à réclamer un meilleur accès à la BDESE et 93 % à demander du temps de délégation et des moyens supplémentaires. En 5ème position arrive le recentrage des réunions de CSE sur les sujets importants (91 %), suivi d'un dialogue social plus proche du terrain (88 %), de la mise en place d'une cogestion à la française (87 %) et d'un développement du dialogue social sur la transition climatique (84 %).

58 % d'entre eux restent pessimistes sur les négociations salariales, dans un contexte global de tensions sur les prix et d'exigence pouvoir d'achat.

Marie-Aude Grimont
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