Comment les élus du personnel peuvent-ils agir pour s'assurer que les salariés vont reprendre en toute sécurité le chemin du bureau, de l'atelier ou de l'usine ? Quelle peut-être l'action du CSE ? A quoi faut-il s'attendre de la part des employeurs dans les semaines et mois à venir ? Béatrice Bursztein , avocate associée chez LBBa, cabinet spécialisée dans la défense des CSE, syndicats et salariés, nous répond.
Le premier décret que vous évoquez annule la suspension des délais qui sont pour l'essentiel des délais administratifs relatifs notamment à l'homologation et à la validation des PSE (plan de sauvegarde de l'emploi) et à l'homologation des ruptures conventionnelles. Les délais normaux sont donc rétablis. S'il devait y avoir des PSE mis en oeuvre à la reprise d'activité, dès la sortie du confinement, l'administration sera saisie à la fin des consultations sans attente supplémentaire. La Direccte dispose, rappelons-le, de 15 jours pour valider ou non un accord collectif sur un PSE et de 21 jours pour homologuer ou refuser un PSE unilatéral.
Nous attendons le décret qui réduira, en application de l'ordonnance du 22 avril 2020, les délais de consultation du CSE pour les sujets liés au Covid-19, sachant que certaines fuites font état d'un délai de 8 jours (lire notre article).

Le problème est que la formule utilisée par l'ordonnance est très floue : tous les sujets en lien avec le Covid-19 pourraient être concernés par la réduction de ces délais. Je pense néanmoins que cela ne visera pas les délais de consultation du CSE en cas de PSE. Ces délais ne sont pas calendaires mais dépendent du nombre d'emplois mis en cause par le PSE : le CSE est informé et consulté dans des délais qui vont de 2 mois pour 10 à 99 licenciements, 3 mois pour 100 à 249 licenciements et 4 mois à partir de 250 licenciements.
S'il s'agit de raccourcir les délais pour la seule reprise d'activité, cela peut s'entendre eu égard à l'urgence. Mais c'est à mon sens une mauvaise façon d'aborder les choses. Pour une reprise d'activité, ce qui compte, ce n'est pas simplement d'avoir été consultés avant la reprise mais de suivre ensuite concrètement, une fois que les choses se mettent en place, quelles améliorations il faut apporter pour garantir la sécurité des salariés et des conditions de travail satisfaisantes. Ce n'est pas en consultant simplement le CSE "à froid", sans avoir bénéficié, comme l'a exprimé la cour d'appel de Versailles au sujet d'Amazon, "des apports essentiels des retours d'expérience", que l'avis de l'instance va être très nourri, cela risque d'être très formel.
Il faut associer les élus de la commission santé, sécurité, conditions de travail (CSSCT) et du CSE lui-même tout au long du processus de reprise du travail. Car la reprise sera sûrement très progressive dans les entreprises. Chaque arrivée d'une nouvelle catégorie de personnel sur les lieux de travail doit donner lieu à une évaluation de la situation. En outre, les conditions de travail vont être affectées en raison des gestes barrière à respecter mais aussi de la charge de travail à effectuer, le gouvernement ayant ouvert la voie à une durée du travail plus élevée dans certains secteurs.

Tout cela nécessite qu'il y ait, à chaque fois, des retours d'expérience. Se pose en outre la question de l'expertise liée à une modification importante des conditions de travail. Un expert ne va pas pouvoir analyser clairement les situations de travail avant la reprise, et a fortiori dans un délai très court puisque le décret annoncé sur le CSE traitera aussi des conditions de déroulement des expertises. Je défends l'idée d'une consultation/accompagnement du CSE sur plusieurs mois, tout au long de la reprise de l'activité et du travail sur place, afin que les choses puissent être ajustées à la demande des salariés et de leurs représentants.
L'un des gros apports de l'arrêt est le rappel de la nécessaire actualisation du document unique d'évaluation des risques (DUER). Mais l'arrêt rappelle aussi l'obligation faite aux entreprises de mettre en place des "gestes barrière", comme la fourniture de masques, de savons, de gels hydroalcoolique, mais aussi de respecter les distances physiques entre les personnes, ce qui en fonction des métiers n'est pas toujours évident, pensez à une ligne de production par exemple. A ce sujet, l'arrêt dit clairement que l'entreprise doit pouvoir bénéficier de "l'apport essentiel des retours d'expériences" notamment de la part des salariés. Pour moi, il s'agit encore une fois d'un principe qui s'applique tout au long de la reprise d'activité.
Nous sommes dans des circonstances exceptionnelles. Ne peut-on pas dire, à l'occasion de cette consultation sur les conditions de reprise de l'activité, que les suppléants du CSE, mais aussi les représentants de proximité lorsqu'ils existtent, ont un rôle à part entière à jouer ? Tout dépend bien sûr de la taille de l'entreprise et de l'accord éventuellement en vigueur mais la situation me paraît appeler des moyens exceptionnels pour le CSE.

Je suis persuadée que c'est aussi l'intérêt de l'entreprise. Au moment de l'arrivée du coronavirus, on disait que le droit de retrait était très discutable dès lors que l'employeur avait mis en oeuvre l'ensemble des dispositifs de protection. Il en ira différemment demain s'il est impossible aux élus qui constatent des problèmes lors de la reprise de faire part à l'employeur de ces retours d'expérience : là, le droit de retrait risque de retrouver toute son actualité !
Oui, et cet accord devrait aussi, précisément, porter sur les conditions de l'association des élus de la CSSCT et du CSE à la réflexion sur les conditions de reprise. Peuvent être négociées les modalités de consultation du CSE sur l'aménagement des délais d'expertise tout au long du processus. Pourquoi ? Pour permettre l'examen concret des différentes situations de travail après la reprise, via des réunions avec compte-rendu systématique, ou des points réguliers assez souples avec au moins un rendez-vous par semaine par exemple, etc. Un accord aura l'intérêt de remettre tout à plat.

Mais, la construction de plans d’actions adaptés et efficaces ne peut pas se faire dans une démarche seulement verticale. Il pourrait donc être préconisé de mettre en place des espaces de dialogue social au plus près du terrain pour identifier les problèmes et faire remonter les solutions qui marchent, au niveau de chaque service, chaque atelier, chaque ligne de production...Quand ils ont été créés et en fonction de la mission dont ils sont chargés, les représentants de proximité pourraient être mis à contribution. Mais, même dans les entreprises qui n’en sont pas dotés, le dialogue doit être recherché au plus proche des salariés afin qu’émergent des solutions, coconstruites avec le CSE et/ou la CSSCT, adaptées aux besoins réels. Pour qu’un telle démarche fonctionne, il faut que l’entreprise accorde le temps nécessaire aux salariés et à leurs représentants et que s’exerce un droit à l’expression directe et collective rénové.
Première chose, vérifier si l'employeur a bien prévu les gestes barrière, et s'assurer ensuite qu'ils sont bien appliqués. Il se peut que de belles consignes sur le papier ne soient pas suivies d'effet, parce que les masques ne sont pas arrivés, par exemple, ou simplement parce que la reprise est prioritaire sur tout le reste. Les élus ne doivent pas non plus hésiter à alerter l'inspection du travail. Même si on a, en général, du mal à la joindre, sur ces questions de santé et sécurité au travail, elle peut être très présente et réactive. Il ne faut pas se bercer d'illusions : il y aura des problèmes. Tout le monde va apprendre en marchant, mais il ne faut pas que la santé et la sécurité des salariés en pâtisse.
Je ne sais pas. Les entreprises qui refusaient à leurs salariés des demandes de télétravail occasionnel vont avoir du mal à continuer à pouvoir tenir ce discours. Certaines pratiques vont devoir changer : je pense à une entreprise qui autorisait le télétravail mais en faisant signer un chèque de caution au salarié en échange de la fourniture d'un ordinateur !

D'autre part, la question du maintien de l'organisation en open space du travail dans le tertiaire peut aussi se poser. Après, il y aura sûrement une volonté des directions de rattraper le chiffre d'affaires perdu, voire de reprendre de façon plus sévère les projets de réorganisation qu'elles envisageaient avant la crise, et certaines pourront être tentées de faire baisser les rémunérations. Je m'attends à une recrudescence des accords de performance collective. Il va être très compliqué d'avoir à la fois une charge de travail qui augmente et des effectifs en diminution. Il va y avoir des secousses.
Jusqu'il y a peu, on considérait qu'il fallait l'accord d'un salarié protégé pour qu'un employeur puisse le placer en chômage partiel, mais le gouvernement a fait évoluer les textes à la faveur de cette crise sanitaire. Dès lors que le critère de choix de l'employeur n'est pas le mandat de représentation du salarié, mais se rapporte au métier ou au service auquel appartient le salarié protégé, et dès lors qu'il s'agit de critères objectifs, je pense que le fait d'avoir un mandat ne protège pas le salarié de cette mesure de chômage partiel.
Pour l'instant, leur durée est limitée. J'espère que la remise en cause du caractère préalable de la consultation du CSE à l'occasion de la demande d'activité partielle ne va pas donner des idées autres, même si certains textes européens nous protègent à cet égard. Il ne faudrait pas transformer le CSE en chambre d'enregistrement.
► Retrouvez dans notre dossier spécial Covid-19 nos articles sur : |
Représentants du personnel
Les représentants du personnel sont des salariés élus ou désignés chargés de représenter les salariés de l’entreprise avec des missions spécifiques selon l’instance représentative du personnel (IRP) à laquelle ils appartiennent. Il y a quatre grandes IRP : les DP, le CE, CHSCT et les délégués syndicaux. Au 1er janvier 2020, l’ensemble des IRP (hormis les délégués syndicaux) devront fusionner au sein du CSE.
Nos engagements
La meilleure actualisation du marché.
Un accompagnement gratuit de qualité.
Un éditeur de référence depuis 1947.
Des moyens de paiement adaptés et sécurisés.