Bilan social : François Hollande a-t-il tenu ses engagements de campagne ?

Bilan social : François Hollande a-t-il tenu ses engagements de campagne ?

03.04.2017

Gestion du personnel

Que sont devenues les promesses de campagne du candidat François Hollande en matière sociale ? Le bilan est en demi-teinte. Si certains de ses 60 engagements ont bien été tenus, d'autres n'ont pas résisté aux contraintes de l'exercice du pouvoir. Surtout, parmi les réformes d'ampleur du quinquennat, nombreuses sont celles qui n'avaient pas été annoncées.

Dans quelques semaines, François Hollande quittera l'Elysée. Son conseiller social, Michel Yahiel, est déjà parti depuis fin janvier, rejoindre France stratégie. L'occasion de dresser un bilan de ses réformes sociales. Le président de la République n'aura pas été fidèle à l'ensemble de ses engagements de campagne. Si certaines des grandes réformes annoncées ont bien vu le jour, comme le contrat de génération ou la sécurisation des parcours professionnels, toutes n'ont pas été couronnées de succès. D'autres promesses sont restées lettre morte, à l'instar de la constitutionnalisation du dialogue social. Enfin, d'autres réformes de taille, qui n'étaient pas dans son programme de campagne, ont été entreprises avec plus ou moins de succès populaire, comme la loi Travail.

→ Retrouvez à la fin de l'article une infographie récapitulative des lois sociales adoptées sous le quinquennat.

Dialogue social : la constitutionnalisation n'a pas eu lieu

C’était le marqueur de ce quinquennat : faire du dialogue social la méthode pour réformer. Bilan ? Un processus à bout de souffle et une promesse qui n’a pas été tenue : celle de la constitutionnalisation du dialogue social.

Il s’agissait pourtant de la proposition 55 de son programme de campagne, mais elle a fait long feu. "Tout texte de loi concernant les partenaires sociaux devra être précédé d’une concertation. Je ferai modifier la Constitution pour qu’elle reconnaisse et garantisse cette nouvelle forme de démocratie sociale", assurait le candidat Hollande. Déjà, dans une tribune publiée dans Le Monde en juin 2011, il affirmait vouloir "élargir l'article 8 du préambule de la Constitution de 1946 qui dispose que "tout travailleur participe par l'intermédiaire de ses délégués à la détermination collective de ses conditions de travail ainsi qu'à la gestion des entreprises".

Michel Sapin, alors ministre du travail, avait réitéré l'engagement, lors de la première conférence sociale en juillet 2012. A l'issue de la première journée, il assurait "qu'il n'y avait pas d'obstacle pour aller vers cette constitutionnalisation". Mais dès 2013, Michel Sapin avait rendu l’exercice plus périlleux en la liant à l’aboutissement de la représentativité syndicale et patronale.

C’est plutôt la négociation d’entreprise qui a eu tous les honneurs lors de ce quinquennat. Dans le prolongement de la réforme de la représentativité initiée en 2008 par son prédécesseur, Nicolas Sarkozy, François Hollande a promu petit à petit l’accord majoritaire. Les prémices de sa généralisation, consacrée dans la loi Travail, étaient déjà visibles dans la loi de sécurisation de l’emploi du 14 juin 2013 avec son application aux accords portants sur les PSE et sur les accords de maintien dans l’emploi. La loi Travail a franchi un pas supplémentaire en prévoyant sa généralisation, aux accords sur la durée du travail et les congés dans un premier temps, puis à tous les accords dès 2019.

Derrière cette volonté de mettre au premier plan la négociation d'entreprise, consacrée dans la loi Travail, émerge la volonté de permettre des normes sociales plus "adaptées" à chaque entreprise en s’appuyant sur une légitimité renforcée. C'est sur cela qu'avait insisté Manuel Valls dans sa lettre de mission adressée à Jean-Denis Combrexelle devant donner le coup d'envoi de la réforme qui a abouti - in fine - à la loi Travail.

C'est aussi cette idée d'adaptation qui a justifié la réforme des institutions représentatives du personnel : regroupement des instances, mais aussi des consultations et des obligations de négocier en vue d'introduire dans les entreprises plus de rationalisation.

Gestion du personnel

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

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La sécurisation des parcours professionnels sur les rails

Parmi les 60 engagements du candidat Hollande, un seul visait directement la sécurisation des parcours professionnels. Il avait pour ambition de permettre à chaque salarié de "se maintenir dans l’entreprise ou l’emploi et accéder à la formation professionnelle". Le chef de l’Etat a globalement honoré cette promesse de campagne. La loi Rebsamen du 17 août 2015, la loi formation du 5 mars 2014 puis la loi Travail du 8 août 2016 ont concrétisé brique par brique cette semi sécurité professionnelle avec la création du compte personnel de formation, qui remplace le droit individuel à la formation, puis du compte personnel d’activité. "Une réforme majeure, peut-être la plus importante du quinquennat", s’est félicité François Hollande, lors de ses vœux aux acteurs de l’économie, le 10 janvier dernier.

Opérationnel en 2017 (2018 pour les indépendants), le CPA permet à chaque actif, salarié et demandeur d’emploi, de réunir dans un seul "sac à dos" les droits associés à son compte personnel de formation (CFP), les points acquis au titre du la pénibilité (C3P) et du compte d’engagement citoyen (CEC). Le principe : les droits acquis sont attachés à une personne et ce peu importe les voies professionnelles empruntées. En période de chômage ou de création d’entreprise, chacun peut ainsi mobiliser les points accumulés sur son compte pour faire face à différents risques. Depuis le 15 mars, le permis B est même éligible au CPF. L’objectif affiché étant de sécuriser les parcours de moins en moins linéaires.

300 000 comptes ont déjà été activés au 31 mars.

Le dispositif est, toutefois, loin des ambitions de départ. Dans le rapport remis à France Stratégie fin 2015, pour définir les contours du dispositif, il était présenté comme un instrument qui pouvait évoluer vers un véritable portail de droits sociaux qui intégrerait l’ensemble des droits : sécurité sociale, CAF, retraite, complémentaire santé, épargne temps, et à terme pourquoi pas, assurances, mandats ��lectifs, syndicaux et politiques.

Les partenaires sociaux ont été missionnés pour réfléchir à son enrichissement, avant la fin du quinquennat, notamment aux "freins périphériques à l’emploi", tels que le logement, la mobilité et la garde d’enfants.  La synthèse des travaux devrait être présentée par le Cnefop (Conseil National de l'Emploi, de la Formation et de l'Orientation Professionnelles), le 25 avril. Reste à savoir le sort que réservera le futur exécutif à ce dispositif. François Fillon et Emmanuel Macron ont d’ores et déjà promis d’abroger le C3P.

La flexibilité du temps de travail, la réforme inattendue

Le temps de travail ne figurait pas dans les promesses de campagne de François Hollande. Mais il s’agit d’un des chantiers les plus significatifs du quinquennat. La loi Travail du 8 août 2016 bouleverse la hiérarchie des normes en faisant primer l’accord d’entreprise, majoritaire, sur la convention de branche pour la plupart des dispositions concernant le temps de travail. En clair, depuis le 1er janvier, une entreprise peut désormais déroger aux accords de branche pour la durée maximale de travail, le temps de repos quotidien, les heures supplémentaires, les congés…. Mais des seuils et des minima à respecter sont fixés ou rappelés par la loi.

C’est Jean-Denis Combrexelle qui avait été chargé de déminer le dossier. L'ancien DGT et actuel président de la section sociale du Conseil d'Etat formule dans un rapport remis au gouvernement, en 2015, 44 propositions pour doper la négociation de branche et d'entreprise. On connait la suite : la loi Travail est l’un des dossiers les plus polémiques, qui aura causé des mois d’affrontements politiques et de conflit social sans faire plier l’exécutif. Au point de constituer au sein de la majorité un véritable casus belli entre réformistes qui approuvent la plus grande liberté laissée aux partenaires sociaux et frondeurs qui voient dans la réforme un "facteur de dumping social". L’un d’entre d’eux, Benoît Hamon, vainqueur de la primaire de la Belle Alliance populaire, le martèle, d’ailleurs, depuis le début de sa campagne : il rétablira "la hiérarchie des normes afin que notre code du travail continue de prévaloir sur les accords négociés par les branches et les entreprises, sauf lorsque les accords apportent une protection supplémentaire aux salariés".

Un an avant, la loi Macron du 6 août 2015, avait ouvert la brèche avec le travail dominical et la création des zones touristiques internationales. Depuis les grandes enseignes parisiennes, Le Bon marché, La Fnac, le BHV Marais, Les Galeries Lafayette, se sont tour à tour converties au principe, avec la signature d’accords compensatoires, majorations salariales, repos compensatoires et prise en charge des gardes d’enfants, à géométrie variable. Le bilan est, pour l’heure, prématuré. Seule certitude : le nombre de magasins ouverts le dimanche aurait progressé de de 3,3 % dans les ZTI (de 17,5 % à 20,8 %), contre 0,6 point hors ZTI, selon le dernier pointage de l’Observatoire du commerce dans les ZTI, début mars. En revanche, cet accroissement des ouvertures dominicales n’a pas encore d’impact significatif sur l’emploi.

Autre gros morceau : la loi de sécurisation de l’emploi du 14 janvier 2013 qui instaure une durée minimale de 24 heures par semaine pour lutter contre les temps partiels subis. Mais ses détracteurs dénoncent un texte en demi-teinte. Car la réforme prévoit deux voies dérogatoires : un salarié peut demander à faire moins de 24 heures et un accord de branche peut fixer une durée minimale inférieure. Plus d’une quarantaine d’accords avaient été conclus, fin 2014. La quasi-totalité prévoit moins de 24 heures minimales.

Des acteurs du monde du travail déboussolés par des réformes "surprise"

Pénurie de médecins du travail, engorgement des prud’hommes, rénovation de l’inspection du travail : le quinquennat aura aussi été marqué par une remise à plat de la gouvernance d'un certain nombre d'acteurs du monde du travail. Des réformes qui n'étaient pas prévues dans son programme de campagne qui se sont heurtées à de vives oppositions intestines.

Michel Sapin voulait un "ministère du travail fort". Derrière ce terme, le souhait de réformer l'inspection du travail en profondeur en créant des unités de contrôle et en établissant des priorités d'intervention. Mais pas seulement. Les pouvoirs mêmes des inspecteurs du travail ont été modifiés afin de les inciter à délivrer davantage d’amendes administratives sous le contrôle renforcé des Direccte. Pour certains, il s'agit là d'un mouvement de dépénalisation du droit du travail, exprimé aussi dans la réforme du délit d'entrave annoncée par François Hollande en 2014, lors du conseil stratégique de l'attractivité afin d'envoyer un message aux investisseurs étrangers, et concrétisée par ordonnance dans la loi Macron.

Le gouvernement s'est aussi heurté à l'hostilité de certains professionnels de santé au travail lors de la mise en oeuvre de la réforme de la médecine du travail. Construite en plusieurs étapes, elle a été finalisée par la loi Travail. Objectif annoncé : recentrer les missions des médecins du travail sur des questions de fond en permettant de déléguer davantage aux équipes pluri-disciplinaires et aux infirmiers et en espaçant davantage les visites médicales obligatoires. Reste que pour certains, la vraie question n'a pas été réglée : comment revaloriser le métier de médecin du travail pour en augmenter le nombre ?

Enfin, François Hollande, par la voix de son ministre de l'économie Emmanuel Macron, a souhaité s'attaquer aux procédures prud'homales trop longues. L'Etat a en effet été condamné à plusieurs reprises en raison de la lenteur de la justice. Pour y remédier, le gouvernement décide de mettre en avant la conciliation et les modes alternatifs de règlement des litiges, mais aussi de renforcer la formation des conseillers prud'homaux et leurs obligations déontologiques.

Pomme de discorde de cette réforme : le barème d’indemnités en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse censé donner plus de "visibilité" aux entreprises, notamment aux petites. Censuré par le Conseil constitutionnel dans le cadre de la loi Macron, réintroduit dans le projet de loi Travail, il a finalement du être retiré face à la fronde des organisations syndicales dont la CFDT. Le sujet pourrait bien revenir très rapidement sur la table car plusieurs candidats n'en démordent pas.

Désaccord sur l'encadrement des licenciements "boursiers"

C'était la promesse 35 du candidat Hollande : s'attaquer aux "licenciements boursiers" : "pour dissuader les licenciements boursiers, nous renchérirons le coût des licenciements collectifs pour les entreprises qui versent des dividendes ou rachètent leurs actions, et nous donnerons la possibilité aux salariés de saisir le tribunal de grande instance dans les cas manifestement contraires à l'intérêt de l'entreprise". Une promesse restée lettre morte, même si certains dans la majorité jugent que le contrôle renforcé de l'administration dans la loi de sécurisation de l'emploi est un garde-fou suffisamment fort. La loi Travail a en revanche "sécurisé" les licenciements pour motif économique en codifiant certaines jurisprudences et en introduisant dans la définition légale de nouveaux éléments quantitatifs (baisse du chiffre d'affaires etc...).

Développer l'intergénérationnel : un défi trop ambitieux

François Hollande avait misé gros sur les contrats de génération, solution à la fois au chômage des jeunes et à celui des seniors : 500 000 contrats devaient être conclus durant son quinquennat. Pourtant, fin 2015, la Dares dénombre à peine 50 000 contrats conclus. Un chiffre en constant ralentissement depuis le coup d'envoi du dispositif en mars 2013. La cause de cet échec : une trop grande complexité, si l'on en croit la Cour des comptes qui préconise une réforme du contrat de génération, voir sa suppression. A contrario, l'autre dispositif pour l'insertion des jeunes, les emplois d'avenir, a rencontré le succès. Et si la proposition n° 34 de François Hollande visait la création de 150 000 emplois d'avenir, le gouvernement a annoncé, au total, la conclusion de plus de 320 000 contrats entre 2013 et 2016.

Pour lutter contre "la précarité, qui touche avant tout les jeunes", François Hollande avait annoncé une augmentation des cotisations chômage des "entreprises qui abusent des contrats précaires" (engagement 24). Promesse tenue : depuis juillet 2013, les entreprises qui emploient des CDD de moins de trois mois paient une cotisation supplémentaire. Une avancée abandonnée par les partenaires sociaux durant la négociation chômage la semaine dernière.

La lutte contre les discriminations : des mesures fortes à concrétiser

La lutte contre les discriminations, en particulier celles liées à l'embauche, figurait expressément dans les promesses de campagne de François Hollande (engagement 30). Favorable, au début de son mandat, au CV anonyme (rendu obligatoire par la loi de 2006 pour l'égalité des chances), ce dernier est pourtant enterré dans la loi Rebsamen qui le rend seulement facultatif. François Hollande met alors le cap sur un nouveau dispositif, jusque là réservé aux consommateurs vis-à-vis des entreprises : l'action de groupe. Dès 2015, il s'engage à la rendre applicable en matière de lutte contre les discriminations. C'est chose faite avec la loi Justice du XXIe siècle, qui permet aux associations spécialisées et aux organisations syndicales d'agir pour défendre les intérêts des victimes de discrimination en entreprise. Le quinquannat se conclut par une grande opération de testing, fin 2016. Deux entreprises ont ainsi fait les frais du "name and shame" promis par la ministre du Travail Myriam El Khomri.

Pour peser en faveur de l'égalité femmes-hommes, le candidat Hollande affirmait en 2012 qu'il supprimerait les exonérations de cotisations sociales pour les entreprises ne respectant pas l'égalité salariale (engagement 25). Cette mesure ne figure pourtant dans aucune loi du quinquennat, pas même dans la loi pour l'égalité réelle entre les femmes et les hommes de 2014. Cette dernière fait toutefois un pas en avant, en augmentant la durée du congé parental s'il est pris par les deux parents. Trop tôt, peut-être, pour voir les effets de ce dispositif, pas encore tout à fait entré dans les moeurs : en 2015, les hommes n'étaient que 5% à bénéficier du congé parental.

Handicap au travail : les promesses coercitives oubliées

S'agissant du handicap, François Hollande s'était engagé à "renforcer les sanctions en cas de non-respect des 6% de travailleurs handicapés dans les entreprises" (engagement 32). Un engagement non tenu, à la grande déception des associations spécialisées. Au contraire, certaines mesures adoptées permettent aux entreprises de contourner l’obligation d’emploi. Par exemple, en accueillant des travailleurs en stage, en période de mise en situation en milieu professionnel – non rémunérée – pendant un mois... Ou encore en déduisant de leur contribution Agefiph les dépenses préalables à la négociation d’un accord collectif sur le handicap. Selon l'association des paralysés de France : le nombre de chômeurs en situation de handicap a progressé de 65 % entre 2011 et 2015, portant leur taux de chômage à 21%, soit le double de celui de l'ensemble de la population.

 



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Anne Bariet, Laurie Mahé Desportes et Florence Mehrez (infographie : Florence Mehrez)
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