Catherine Doublet : chef d’entreprise, journaliste, juriste, pédagogue

Catherine Doublet : chef d’entreprise, journaliste, juriste, pédagogue

02.10.2017

Action sociale

Catherine Doublet nous a quittés en ce mois de septembre 2017 des suites d’une longue maladie qu’elle a combattue avec stoïcisme. Elle avait 59 ans. Catherine fut l’une des chevilles ouvrières de TSA dès ses débuts.

En 1983, je suis journaliste au quotidien Liaisons sociales. Pour le lancement de l’hebdomadaire Travail social actualités, destiné aux travailleurs sociaux, il m’est demandé de recruter un juriste. Les candidatures sont nombreuses. Chaque prétendant est soumis à un test de rédaction juridique. Les résultats sont décevants jusqu’à ce que la candidate Catherine Doublet présente son travail. Sa copie dominait, de loin, toutes celles que j’avais retenues jusqu’ici. La décision d’embauche fut prise immédiatement à l’unanimité de la rédaction. Catherine entrait dans la carrière de journaliste spécialisée qu’elle ne quittera plus.

Action sociale

L'action sociale permet le maintien d'une cohésion sociale grâce à des dispositifs législatifs et règlementaires.

Découvrir tous les contenus liés

Un an plus tard, avec l’arrivée d’un nouveau directeur à Liaisons sociales, les choses se gâtent. Il veut arrêter TSA, le vendre, on ne savait pas très bien. Surtout écarter une rédaction trop contestataire, trop revendicative. Le conflit éclate. Il s’envenime et se résout directement avec le patron du groupe. Celui-ci me cède TSA si je pars. C’est toute la rédaction de TSA qui partira. Catherine Doublet, Étienne Deschamps et Gérald Barnier n’hésitent pas. Personne n’aurait parié un kopeck sur la SARL Droit et Société que nous fondons à la date symbolique du 1er mai 1985. Catherine en sera la gérante. Chef d’entreprise à 27 ans. Les débuts sont durs, le marché est étroit, la concurrence bien implantée. Ce n’est pas une rédaction, c’est un commando. Plus d’une fois le bateau prend l’eau, mais chaque fois Catherine tient ferme la barre. Par son sang-froid et son intelligence, il ne sombre pas. Au contraire, l’entreprise se développe, diversifie ses activités si bien qu’en 1993, elle pourra quitter ses vieux bureaux de la rue d’Alsace pour s’installer confortablement à Stalingrad, rue de l’Aqueduc. Le tournant du siècle sera marqué par la publication, sous sa caution juridique, du Guide des Assistantes maternelles et du Guide des assistantes familiales, best-seller tiré à des dizaines de milliers d’exemplaires et qui en est aujourd’hui à sa 18e édition. Dans la foulée, en 2001, sera lancé le mensuel L’Assmat, à destination des lecteurs du guide et plus largement des professionnels de la petite enfance. Catherine en prend la rédaction en chef qu’elle cumule avec celle de TSA.

Loi santé du 26 janvier 2016

Morceaux choisis d'un texte aux multiples facettes

Je télécharge gratuitement

La rédaction en chef, pour Catherine, n’était pas un poste de commandement, elle exerçait une autorité de compétence. C’était une mission. Celle de garantir la qualité et l’éthique des journaux. Les professionnel(le)s d’aujourd’hui ne savent peut-être pas qu’à l’époque du lancement de TSA, dans le monde du travail social, le droit n’était pas ressenti comme un outil pertinent pour la profession, il était vu comme un frein, une complication, voire un instrument de contrôle de l'État. Il était difficile de faire admettre à des professionnels nourris de sociologie, de psychologie et autres sciences sociales que ces savoirs-là étaient utiles sans être suffisants dans un monde qui se « judiciarisait ». Que connaître le droit ce n’était pas seulement répertorier les textes mais savoir les lire, les interpréter, les appliquer. Catherine dut batailler jusque devant les tribunaux pour convaincre leurs centres de formation qu’une bonne connaissance du droit peut être mise au service de la population.  Aujourd’hui, on peut dire que la bataille menée avec Catherine est gagnée, 34 ans après, TSA existe toujours.

Cette connaissance du droit, cette rigueur dans l’étude des textes, cette clarté dans l’exposé, que vous appréciez dans TSA, vous les lui devez. Catherine fut une des meilleurs spécialistes du droit de l’aide sociale et de la sécurité sociale et, la meilleure, sans conteste, du droit – si compliqué – des assistantes maternelles et familiales. Je ne me souviens pas qu’elle se soit un jour trompée dans ses analyses et souvent la jurisprudence lui a donné raison sur l’interprétation de certaines dispositions légales, réglementaires ou conventionnelles. Quand en 2003, les Éditions législatives prirent le relais, elles héritaient d’une rédaction qui avait profité de son enseignement et de son savoir. Ceux qui furent ses élèves et qui sont toujours en poste dans l’édition papier ou en ligne de TSA, peuvent témoigner de son intransigeance. Tant que l’article n’était pas parfait dans le fond et la forme, il n’était pas validé. Ils témoigneront aussi de ses qualités pédagogiques, de sa patience, de son refus de tout autoritarisme. Des traits de caractères qui ne guidaient pas seulement sa vie professionnelle et personnelle, mais aussi, pendant huit ans, son mandat de secrétaire du comité d’entreprise de Martin-Média, éditeur de l’Assmat depuis 2007.

Aucune idée d’avant-garde ne lui faisait peur. Sans les partager, elle les comprenait. Cela tombait bien car les copains du directeur, comme les imprimeurs-coopérateurs avec qui nous travaillions, n'étaient pas des amis choisis par Montaigne et La Boétie, comme aurait dit Georges Brassens. Un libre penseur, un humaniste, comme Catherine.

Je n’ai pas écrit tout cela parce que Catherine n’est plus, mais parce que je l’ai toujours pensé.

 

Pierre Bance

Directeur de Droit et Société de 1985 à 2008

Vous aimerez aussi

Nos engagements