Ce qui va changer en matière d'expertise CHSCT : les cabinets plutôt satisfaits

Ce qui va changer en matière d'expertise CHSCT : les cabinets plutôt satisfaits

11.04.2016

Représentants du personnel

Le SEA-CHSCT, syndicat des experts agréés CHSCT, semble plutôt satisfait de la nouvelle rédaction de l'article du code du travail sur les modalités de contestation par l'employeur d'une expertise CHSCT. Le syndicat, dont c'était vendredi la première assemblée générale annuelle, a également publié des données inédites sur les expertises réalisées en France.

En novembre 2015, le Conseil constitutionnel a censuré l'article du code du travail contraignant l'employeur à payer l'expertise demandée par le CHSCT, y compris lorsque l'entreprise obtient en justice l'annulation de la délibération du CHSCT. Cette censure ne prendra effet qu'en 2017. Mais elle impose au gouvernement et au législateur de revoir l'écriture de l'article L. 4614-13 alinéa 1er du code du travail. C'est la raison pour laquelle le gouvernement a introduit dans le projet de loi Travail, via son article 17, un passage révisant cette disposition. Ce projet a lui-même été amendé la semaine dernière par la commission des affaires sociales de l'Assemblée. La rédaction qui en résulte (voir notre autre article dans cette même édition) reste à confirmer lors du débat parlementaire s'ouvrant le 3 mai. Mais en l'état, elle satisfait plutôt le syndicat des experts CHSCT.

"La solution trouvée par les ministères du Travail et de la Justice de faire juger en premier et dernier ressort par le juge judiciaire la contestation par l'employeur d'une délibération sur une expertise signifie qu'il n'y aura plus d'appel. C'est de nature à réduire les contentieux", estime Dominique Lanoë, le président du SEA-CHSCT, qui a tenu jeudi 7 avril à Paris sa première assemblée générale annuelle. Les experts estiment en effet qu'un employeur va réfléchir avant d'aller en Cassation s'il n'est pas satisfait par la décision du juge : "Pour se pourvoir, il faut faire appel à un avocat spécialisé et avoir de solides motivations", dit François Cochet, responsable des activités santé au travail de Secafi et vice-président du SEA-CHSCT.

15 jours donnés à l'employeur pour contester le recours à l'expertise

Le délai de 10 jours donné au juge pour rendre sa décision satisfait aussi les cabinets. Tout comme l'ajout par la commission des affaires sociales d'un délai de 15 jours au delà duquel un employeur ne pourra plus contester la délibération du CHSCT lançant l'expertise.  "Un délai de 5 jours, comme le demandait la CFDT, aurait été trop court et des employeurs auraient pu faire un recours par réflexe. Quinze jours, cela va donner le temps aux parties de discuter et d'examiner le fond avant toute décision de contestation", se félicite François Cochet. En revanche, la phrase indiquant que "le comité d'entreprise peut, à tout moment, décider de prendre en charge" les frais d'expertise en cas d'annulation définitive par le juge de la décision du CHSCT choque le syndicat des experts.

Pas question pour les experts CHSCT de présenter la facture au CE

Pas question pour eux de demander à un CE de prendre en charge les frais d'expertise, ni de demander à cette instance de se porter caution en cas d'annulation de la délibération du CE, jurent-ils. "C'est une question d'éthique", tranche Dominique Lanoë qui craint que l'employeur n'en profite pour faire pression sur le CE pour qu'il prenne en charge les expertises du CHSCT.  "Nous n'étions pas du tout demandeur d'une telle disposition. Si le législateur croit résoudre notre problème d'honoraires en cas d'annulation de l'expertise avec cette solution, il se trompe, cela ne nous satisfait pas. Regardez ce qui se passe avec l'expertise sur les orientations stratégiques du CE où le comité doit prendre en charge 20% du coût : ça ne marche pas !", renchérit François Cochet.

"Les élus sont perdus sur la loi Rebsamen"

L'autre motif de préoccupation pour le SEA-CHSCT concerne la loi Rebsamen, encore méconnue par les élus du personnel. "Entre les délais préfix et la réduction du nombre d'informations-consultations, beaucoup d'élus sont perdus", s'inquiète Arnaud Eymery, du cabinet Degest. L'inquiétude concerne aussi les modalités pratiques de l'expertise commune CE-CHSCT dans le cadre de la délégation unique du personnel (DUP), modalités jugées "assez floues". Le syndicat regrette de n'avoir pas obtenu que les experts participant à cette expertise commune (et non unique) puissent en rendre compte devant l'instance. "Cette expertise commune va sans doute donner lieu à l'intervention de cabinets intégrant les aspects CE et CHSCT, mais aussi à l'intervention conjointe de cabinets spécialisés CE et d'autres CHSCT. Ce sera à eux de s'entendre pour produire un document commun", observe Catherine Allemand, du cabinet Syndex. Le syndicat déplore aussi un renforcement de l'instance de coordination CHSCT mais seulement côté employeurs : "Cette instance n'est réunie que pour rendre un avis mais ensuite, plus rien ne se passe. Le législateur est passé à côté de la possibilité d'un dialogue plus utile pour les conditions de travail entre l'employeur et les élus", juge Dominique Lanoë.

Les cabinets soulignent l'utilité sociale des expertises sur le travail

Concernant l'avenir de la nouvelle DUP et du regroupement par accord des IRP, le SEA-CHSCT se montre circonspect : il ne voit pas les employeurs se précipiter sur ces solutions. Sauf dans le cas d'établissements où il y a un problème de candidatures aux instances, et dans le cas où la négociation sur un regroupement par accord des IRP s'accompagne d'un donnant-donnant avec les syndicats. Le syndicat des experts refuse d'ailleurs d'être enfermé dans un débat public ne portant que sur l'utilité des expertises et de leur coût. Fin septembre 2016, lors des assises du CHSCT organisées au stade de France dans le cadre du salon Eluceo, le SEA-CHSCT veut mettre l'accent sur l'utilité sociale de l'expertise CHSCT. "Nous avons ensemble un panorama approfondi d'analyses sur les troubles musculosquelettiques, les risques psychosociaux, les conditions de travail, nous devons capitaliser ces données et les partager, c'est une contribution à la connaissance collective. Nous devons aussi mettre en avant les effets induits par l'expertise : montée en compétences des élus du personnel, meilleure prise en compte des conditions de travail dans la conduite des projets, etc.", soutient Franck Martini, du cabinet Cateis.

Des données inédites sur le recours aux expertises du CHSCT en France

Le SEA-CHSCT a par ailleurs communiqué des données intéressantes livrées par la direction générale du travail (DGT) sur le nombre d'experts et d'expertises CHSCT. La France compterait 97 experts agréés fin 2015, contre 89 en 2014 et 81 en 2013. Sur ces 89 experts, 55% réalisent entre 1 et 10 expertises, 15% entre 11 et 20, 13% plus de 20 et 17% aucune. Le SEA-CHSCT souligne que ses 24 cabinets adhérents ont réalisé 1011 expertises en 2014, soit 82% du nombre total d'expertises annuel en France. Le schéma ci-dessous montre que le marché reste dominé par Secafi (plus de 300 expertises CHSCT par an), devant Technologia (plus de 200), Syndex (près de 100), Isast, Emergences, etc.

Part des expertises réalisées par les cabinets adhérant au SEA-CHSCT

SEA-CHSCT

Ces expertises ont connu une progression, passant de 1 151 à 1 231 par an de 2013 à 2014, le chiffre de 2015 devant se situer probablement autour de 1 300. Mais ce chiffre reste aux yeux du syndicat limité car il est à rapporter aux 22 000 à 25 000 CHSCT qui existent. "Environ 4% à 5% des CHSCT utilisent annuellement le recours à une expertise", souligne le SEA-CHSCT.

45% des expertises CHSCT réalisées en Ile-de-France
Régions

Nombre d'expertises réalisées en 2014

 % du total d'expertises
Ile-de-France 555 45
Rhône-Alpes 121 10
Provence-Alpes-Côte-d'Azur 64 5
Nord-Pas-de-Calais 50 5
Autres régions 410 35
Total en France 1231 100

Source : SEA-CHSCT / DGT

Motifs à l'origine des expertises réalisées
Motifs de l'expertise Nombre d'expertises % du total
Réorganisation du travail 333 27
Réorganisation du travail pour motif économique 271 22
Risques psychosociaux 225 18
Risques graves et accidents du travail 135 11
Autres motifs 261 22

Source : SEA-CHSCT / DGT. Commentaire : Les données sur les motifs des expertises montrent une progression des risques psychosociaux (18% en 2014 contre 14% en 2013) et des risques graves (11% contre 8%).

Effectif des entreprises concernées par les expertises CHSCT
Répartition par effectif Nombre d'expertises dans cette tranche d'effectifs % du total
50 à 200 salariés 475 39
201 à 500 275 22
501 à 1500 231 19
+ de 1500 215 17

Source : SEA-CHSCT / DGT. Commentaire : entre 2013 et 2014, on observe peu d'évolutions sur le recours aux expertises selon la taille de l'entreprise.

 

 

Un syndicat qui représente 80% des expertises CHSCT
Créé en janvier 2015, le SEA-CHSCT comprend 24 cabinets adhérents (parmi lesquels Technologia, Syndex, Secafi, Degest, Isast, etc.) qui représentent environ 80% des expertises CHSCT réalisées chaque année. Le bureau du SEA-CHSCT comprend Dominique Lanoë (Isast), président, Catherine Allemand (Syndex), François Cochet (Secafi), et François Poitrey (Technologia), tous vice-présidents, Jean-Luc Bizeur (Orseu) étant secrétaire général et Stéphane Roose (Impact) trésorier. 

Représentants du personnel

Les représentants du personnel sont des salariés élus ou désignés chargés de représenter les salariés de l’entreprise avec des missions spécifiques selon l’instance représentative du personnel (IRP) à laquelle ils appartiennent. Il y a quatre grandes IRP : les DP, le CE, CHSCT et les délégués syndicaux.  Au 1er janvier 2020, l’ensemble des IRP (hormis les délégués syndicaux) devront fusionner au sein du CSE.

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Bernard Domergue
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