Ces startups d’État qui réinventent l’administration

Ces startups d’État qui réinventent l’administration

02.03.2018

Action sociale

Depuis quelques années, de nouveaux services numériques apparaissent sur les plateformes des administrations. Mus par le seul souci de simplicité et d’efficacité, ils sont le produit de startups d’État. Focus sur un mode de production de la réponse administrative radicalement nouveau.

La promesse d’un État plateforme, entièrement accessible depuis son ordinateur, va-t-elle transformer jusqu’au mode de fonctionnement des administrations ? Depuis juin 2013, l’État expérimente au sein de la direction interministérielle du numérique et des systèmes d’information et de communication (Dinsic) une nouvelle manière de construire des services publics numériques. Celle-ci se fonde sur la chasse aux « irritants », autrement dit des points bloquants rencontrés par les usagers d’une administration, que ce soit l’attente, le gaspillage, la complexité des démarches ou le non-recours.

Sur la base des besoins des usagers

Chaque problème reconnu par l’administration entraîne la création d’une « startup d’État », portée par un incubateur mis en place par la Dinsic, qui va cerner les besoins des usagers, tester différentes versions d’un produit auprès des utilisateurs potentiels, avant de restituer à l’administration concernée un service exploitable. « C’est ce que font les entrepreneurs du numérique depuis les années 1980. Mais cela représente pour les administrations une approche radicalement nouvelle dans la méthode et dans le principe. Plutôt que ce soit l’administration qui édicte les règles de fonctionnement d’un service, elle s’adapte en développant des services sur la base des besoins des usagers », explique Héla Ghariani, responsable de l’incubateur de services numériques de la Dinsic.

Seul cahier des charges : le problème à résoudre

En cinq ans, ces petites équipes de deux à quatre personnes ont créé plus de 30 services dans tous les compartiments de la société, comme Le.Taxi, registre national des taxis géolocalisés, la Bonne Boite, qui aide les demandeurs d’emploi à candidater auprès des entreprises qui recrutent, jusque dans des domaines très spécialisés du social comme MDPH en ligne, qui facilite les demandes de compensation du handicap auprès des maisons départementales des personnes handicapées.

Autre nouveauté de ces startups, aucune directive ne leur est imposée. « Le problème auquel s’attelle une startup d’État constitue son seul cahier des charges. Tout le reste n’est qu’une affaire de petite équipe resserrée, proche du sujet, fonctionnant en autonomie par rapport à l’administration commanditaire pour ne pas reproduire les règles explicites ou implicites qui ont conduit au problème », explique Thomas Guillet, responsable produit du désormais fameux Mes Aides, qui permet d’évaluer ses droits à une trentaine d’aides sociales en quelques clics.

Maximum d’aides en un minimum de temps

Lancé en 2014 pour lutter contre le non-recours aux prestations sociales, Mes Aides incarne tout le caractère disruptif de la démarche. Plutôt que de se focaliser sur la promotion des aides, le pari de la startup a été d’évaluer l’éligibilité d’un individu au maximum d’aides en un minimum de temps. Un renversement de logique inédit dans l’administration. Sortie de sa phase d'expérimentation en mars 2017, Mes Aides a depuis renseigné plus d’un million de personnes, dont un tiers est allé jusqu’au bout de la simulation, et obtenu des réponses. Le moteur de calcul de l’application est lui-même réutilisé par de nombreux portails gouvernementaux. « Pour 2018, l’objectif est d’amplifier notre impact sur le recouvrement des droits en ouvrant davantage l’application aux aides des collectivités, et en redirigeant les personnes vers des lieux d’accueil sur les territoires où elles pourront être accompagnées dans leurs démarches », se félicite Thomas Guillet.

Rassurer en partant du terrain

L’accueil des acteurs sociaux à ces innovations a d’abord été mitigé, reconnaît toutefois Héla Ghariani. « Avec leur expérience d’une informatisation forcée, certains peuvent voir dans ces outils une forme de nouveau diktat. Cette réticence est facile à déconstruire à partir du moment où l’on se place dans une logique de service » assure-t-elle. De fait, chaque startup se crée autour du projet d’un agent public qui a repéré un « irritant » et propose un dispositif pour y remédier. Jasmine Meurin et Lucie Delorme, cadres référentes sur la protection juridique des majeurs à la DRJSCS des Hauts-de-France, sont ainsi à l’origine de la startup Le Bon Tuteur, qui se propose de rapprocher magistrats et tuteurs mandataires pour une meilleure gestion des mesures de protection des majeurs. Toutes deux ont été détachées de leur administration et sont entourées d’un coach et d’un développeur pour mettre au point leur solution. « Le Bon Tuteur part d’un besoin du terrain. C’est un outil qu’on co-construit, teste et modifie en lien avec les juges et les mandataires pour que chacun puisse s’y retrouver. En aucun cas, c’est un outil qui nous est imposé », insiste Jasmine Meurin.

Vers des administrations agiles

Jusqu’où peut conduire ce mouvement ? Une vingtaine de services numériques arrivés à maturité ont déjà été transférés à leur administration commanditaire, ou sont en passe de l’être. Dans cette opération, l’administration prend en charge l’exploitation et l’amélioration en continu du service, soit en intégrant la startup d’État dans sa structure, soit en formant son personnel. Pour Héla Ghariani, l’horizon est donc bien celui « d’un changement des pratiques à l’intérieur de l’administration, avec des équipes acculturées à des méthodes plus agiles et plus ciblées sur les attentes des utilisateurs. »

Premier à avoir franchi le pas, Pôle Emploi s’est doté depuis 2015 de son propre incubateur numérique. La détection des projets est effectuée via les échanges de pratiques sur des réseaux sociaux internes, ou à l’occasion de challenges qui permettent de collecter des propositions d’innovations. Huit services sont actuellement développés en mode startup, comme La Bonne Boite, construit avec la Dinsic pour prédire les perspectives d’embauche d’une entreprise, la Bonne Formation, La Bonne Alternance, etc. « L’idée est de multiplier les projets à partir des compétences internes, et cela dans un esprit de partage de manière à ce que d’autres puissent réutiliser ce que l’on a créé (1) », explique Reynald Chapuis, directeur de l’expérience utilisateur et du digital de Pôle emploi. L’objectif : tendre vers une « propagation massive » de services facilitant la tâche des chômeurs et des acteurs de l’emploi. Un enjeu de diffusion autant qu’un gage d’efficacité pour tout opérateur public.

 

(1) Voir la plateforme Emploi Store Développeurs qui permet d’exploiter à la carte les différents applicatifs mis au point par Pôle emploi.

 

Appel à collaboration

Vous intervenez dans la protection judiciaire des majeurs, notamment en tant que mandataire ? L’équipe de la startup d’État Le Bon Tuteur invite les lecteurs de tsa concernés à lui envoyer leurs propositions et demandes – contact@lebontuteur.gouv.fr. « Plus nous aurons de contributeurs, plus le service répondra aux attentes des professionnels », assure l’équipe.

 

Action sociale

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Michel Paquet
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