Chômage : l'Etat va proroger l'actuelle convention

Chômage : l'Etat va proroger l'actuelle convention

17.06.2016

Représentants du personnel

L'Etat va proroger par décret l'actuelle convention d'assurance chômage afin de garantir les indemnisations des demandeurs d'emploi après le 30 juin. Les partenaires sociaux ont en effet acté hier l'échec des négociations sur l'assurance chômage. Un mauvais signe de plus sur l'état du paritarisme et du dialogue social en France.

Le Medef avait scellé lundi l'échec des négociations d'assurance chômage en interdisant à ses négociateurs de discuter d'une augmentation des cotisations et d'une surtaxation accrue des contrats précaires. Deux mesures réclamées par l'ensemble des organisations syndicales, CFDT comprise, mais refusées par le Medef au motif que les entreprises ne peuvent pas supporter un alourdissement de leurs charges. Dès le début de la huiti��me séance de négociation, hier après midi, les partenaires sociaux ont donc acté l'échec des discussions dans un PV de désaccord de quelques lignes (*). "Le patronat s'était engagé dans l'accord de retraite complémentaire d'octobre 2015 à mettre en oeuvre la taxation des ruptures des contrats de travail des salariés de plus de 50 ans. Le patronat ne respecte donc pas sa signature", ont réagi, dans un communiqué commun visiblement préparé à l'avance, la CFDT et la CFTC.

Nous ne voulions pas de nouvelle surtaxation des CDD

"Nous avions dit dès le départ notre refus d'une taxation supplémentaires des CDD qui n'aurait eu aucun effet sur le nombre de CDI. Le Medef nous a rejoint", a rappelé Jean-Michel Pottier, de la CGPME. "Cet échec est dû à l'incapacité de nos partenaires sociaux à dépasser les postures dogmatiques visant à "punir" les entreprises en procédant à des hausses de cotisation sur le travail", a réagi le président du Medef, Pierre Gattaz, dans un communiqué. "Nous sommes restés sur des lignes parallèles qui ne rejoignent pas (..) Accepter une surtaxation des contrats courts, là où se concrétise la fragile reprise d'emploi que nous observons, était inacceptable", a commenté Jean Cerutti, le chef de file des négociateurs patronaux.

Deux décrets à venir

En fait, comme l'ont souligné Eric Aubin, de la CGT, et Véronique Descacq, de la CFDT, les négociations sur la nouvelle convention d'assurance chômage du régime général ne sont jamais vraiment entrées dans le vif, parasitées par la question du régime des intermittents, par le débat sur le projet de loi Travail (voir notre article) et in fine par des enjeux propres aux organisations patronales. "Nous étions prêts à négocier et à faire des efforts. Mais les enjeux de la représentativité patronale ont tout bloqué", explique Jean-François Foucard, de la CFE-CGC. D'aucuns confient aussi que les tensions internes au Medef s'expliquent par la perspective de la succession de Pierre Gattaz en 2018, ce dernier ayant promis de n'effectuer qu'un seul mandat.

Le ministère du Travail a rapidement pris acte de cet échec. "Dans l'attente d'un prochain accord", l'Etat va proroger par décret, donc par une mesure d'urgence, les règles de l'actuelle convention au-delà du 30 juin. Seule différence : les annexes 8 et 10 intégreront les nouvelles dispositions issues de l'accord des partenaires sociaux du spectacle, cette négociation s'étant déroulée parallèlement à celle du régime général. Cela nécessitera un deuxième décret. "Ce projet de décret nécessaire sera transmis au Conseil d'Etat d'ici la fin du mois de juin et publié au Journal officiel d'ici la mi-juillet, date à laquelle il produira ses effets", indique le ministère du Travail.

Représentants du personnel

Les représentants du personnel sont des salariés élus ou désignés chargés de représenter les salariés de l’entreprise avec des missions spécifiques selon l’instance représentative du personnel (IRP) à laquelle ils appartiennent. Il y a quatre grandes IRP : les DP, le CE, CHSCT et les délégués syndicaux.  Au 1er janvier 2020, l’ensemble des IRP (hormis les délégués syndicaux) devront fusionner au sein du CSE.

Découvrir tous les contenus liés
Quel contenu dans ces décrets ?

Cela semble signifier que l'Etat renonce à imposer une évolution des cotisations (surtaxation des contrats courts), même si Myriam El Komri juge dans son communiqué que cette question "apparaissait souhaitable et aurait au moins mérité d'être discutée". Autrement dit, les demandes de la CGT sur l'intégration de recettes nouvelles ne seront pas satisfaites. "Le point positif de la reconduction de la convention, c'est qu'on reconduit aussi les droits rechargeables qui étaient une avancée de la précédente négociation", nuance quelque peu Véronique Descaq (CFDT).

 Il faut une prorogation jusqu'à la présidentielle



Il parait également peu probable, vu le caractère d'urgence du texte à établir et la situation sociale tendue, que l'Etat se risque à imposer une dégressivité des allocations, alors même que plusieurs ministres l'avaient réclamée. "Prorogeons au moins jusqu'aux présidentielles l'actuelle convention pour laisser les choses s'apaiser, afin que nous puissions négocier dans de meilleures conditions", suggère Eric Courpotin (CFTC). C'est dire si le souhait du ministère de voir les partenaires sociaux reprendre une négociation en septembre paraît pour l'heure irréaliste. "Il ne faudrait pas avoir deux échecs de négociation de l'assurance chômage la même année", met en garde Michel Beaugas, de FO. "Une évolution du contrat du travail est un préalable à une nouvelle négociation", prévient Jean Cerutti, du Medef, ce qui semble tout renvoyer à l'après présidentielle.

L'avenir du paritarisme en jeu

Le jour même où des parlementaires ont remis un rapport sur l'avenir du paritarisme (lire notre article dans cette édition), cet échec des négociations chômage augure mal pour les prochains mois de la suite d'un dialogue social déjà en crise depuis la présentation du projet de loi Travail, alors que les enjeux politiques vont être de plus en plus présents dans le débat public. "Le paritarisme, s'il ne consiste qu'à mettre en place des reculs pour les salariés, nous n'en voulons pas. Nous, nous voulons un paritarisme qui apporte du positif pour les salariés", a réagi Eric Aubin (CGT).

"Quand celui qui tient la plume est totalement autiste à ce que proposent les autres, ça ne peut pas avancer. Il faut revoir les méthodes de négociation", renchérit Jean-François Foucard (CFE-CGC). "Les négociations ne doivent plus se tenir au Medef. Il faudra un jour arrêter de négocier sur la base du texte du Medef", avertit Michel Beaugas, de FO.

Pour la CFDT, en revanche, la méthode de la négociation interprofessionnelle sur le chômage (réunions entrecoupées de bilatérales et de documents techniques fournis par l'Unedic) n'est pas en cause : "C'est la position de refus de négocier du Medef qui a tout bloqué". Un point de vue partagé par Jean-Michel Pottier de la CGPME : "Ce n'est pas en changeant le flacon qu'on va changer le contenu !"

(*) Le PV de désaccord prend simplement acte de "l'interruption de la négociation" et du courrier du ministre du Travail dans lequel l'Etat s'engage à "garantir financièrement tout écart éventuel entre le solde net annuel des dépenses et recettes relatives à l'indemnisation des intermittents du spectacle et l'objectif de trajectoire financière fixé dans le document de cadrage relatif à la négociation des règles spécifiques d'indemnisation des artistes et techniciens intermittents du spectacle daté du 24 mars 2016". Voir le document ci-dessous en pièce jointe.

Sur les dispositions actuelles de la convention d'assurance chômage, voir notre article

Bernard Domergue
Vous aimerez aussi