Le gouvernement a annoncé hier le contenu de la réforme de l'assurance chômage à venir cet été. Les conditions d'accès à l'indemnisation du chômage sont durcies, les allocations des plus hauts salaires soumises à un mécanisme de dégressivité, et un système de bonus-malus pour limiter le recours aux contrats courts est institué. Mais l'essentiel des 3,4 milliards d'euros d'économies attendues sur trois ans viendra du relèvement à six mois du seuil permettant de faire valoir le principe du rechargement des droits.
Face à l’échec en février dernier de la négociation nationale interprofessionnelle sur l’assurance chômage, le gouvernement a décidé de reprendre la main seul, une première depuis 1982, sur les règles de fonctionnement du régime. Hier midi à l'Hôtel de Matignon, le Premier ministre et la ministre du Travail ont présenté les mesures retenues en vue de réduire l'endettement de l'Unédic à travers 3,4 milliards d’euros d'économies sur les trois prochaines années, et diminuer de 150 000 à 250 000 le nombre de demandeurs d'emploi. "C’est une réforme difficile, mais elle est importante, assure Muriel Pénicaud. C’est une réforme en faveur de l’emploi et contre le chômage de masse et la précarité". Les importantes économies attendues reposent sur un durcissement des règles applicables aux travailleurs et une responsabilisation des employeurs quant aux contrats de travail proposés : "La réforme marche ainsi sur deux jambes, se félicite la ministre du Travail. Et du côté des pouvoirs publics, nous nous donnons les moyens de mieux accompagner les demandeurs d’emploi dans la reprise d’activité". Une affirmation qui contraste avec les critiques immédiatement formulées par les partenaires sociaux (lire notre encadré en fin d'article).
Le décret nécessaire pour rendre effectives les mesures dévoilées hier sera publié "au plus tard avant la fin de l’été, garantit Edouard Philippe. Certainement entre fin juillet et début septembre, compte tenu des délais liés aux consultations à respecter". |
Créé en 2014 par les partenaires sociaux, le principe des droits rechargeables est maintenu (ils permettent la reprise systématique du versement des allocations qui restent d’un droit à chômage déjà ouvert ainsi que le rechargement de ce droit). Mais le seuil minimum de rechargement sera relevé à six mois, contre un seul mois aujourd'hui. "Que l'on soit salarié ou demandeur d'emploi en situation de cumul emploi-chômage, il faudra demain avoir travaillé six mois pour ouvrir un nouveau droit à l'assurance chômage", explique Muriel Pénicaud. Ce seul changement de paramètre sera la principale source d'économies générées par la réforme.
► Effets attendus : 2,85 milliards d'euros d'économies pour l'Unédic sur trois ans.
► Date d'entrée en application : le 1er novembre 2019.
L'accès au bénéfice de l'indemnisation du chômage est également durci. "Il faudra travailler davantage pour bénéficier de l’assurance chômage, assène Muriel Pénicaud. En 2008, pour répondre à la crise économique, les partenaires sociaux ont abaissé à quatre mois de travail sur les 28 derniers mois le seuil pour bénéficier du chômage. Compte tenu de l'amélioration du contexte économique, nous relevons ce seuil d'activité à 6 mois sur les 24 derniers mois. Notre régime restera l'un des plus favorables d'Europe", met-elle en avant. Le ministère du Travail cite l'exemple de l'Allemagne, où il faut avoir travaillé au moins 12 mois sur les deux dernières années pour accéder à l'assurance chômage.
► Date d'entrée en application : le 1er novembre 2019.
Le gouvernement instaure également un principe "à travail égal, allocation égale", pour neutraliser certaines règles pouvant avoir pour effet de freiner la reprise d'emploi. "Pour certains, lorsqu’ils entrent au chômage, leur rémunération est supérieure à celle dont ils bénéficiaient en activité, déplore Edouard Philippe. Or nous pensons qu'il faut toujours gagner plus en travaillant qu’en étant indemnisé au chômage. Techniquement cela signifie que l’indemnisation sera désormais appréciée au regard du salaire moyen. Les indemnités ne pourront jamais être inférieures à 65% du salaire net mensuel moyen, mais elle ne pourront plus dépasser 96% de la rémunération nette en activité, alors qu’aujourd’hui cela peut être jusqu'à 200%". Le travailleur rémunéré 1 200 euros par mois sur une période d'un an aura ainsi droit à une indemnité chômage de 960 euros par mois pendant 12 mois, illustre le ministère du Travail.
Rappelons que le constat sur lequel s'appuie le gouvernement pour justifier son approche repose sur une note réalisée par Pôle Emploi à la demande de l'Exécutif, une note vivement contestée par les partenaires sociaux ainsi que par l'Unedic (lire notre article).
► Date d'entrée en application : le 1er avril 2020.
► Effets attendus des deux mesures : 590 millions d'euros d'économies pour l'Unédic sur trois ans.
Pour les demandeurs d'emploi qui avaient un revenu supérieur à 4 500 euros bruts par mois, l'indemnisation sera, à partir du septième mois d'indemnisation, réduite de 30%. Un plancher sera fixé à 2261 euros nets d'indemnisation. "À travers cette mesure, nous visons les 10% de revenus d'activité les plus élevés, justifie Edouard Philippe. En revanche, les seniors d'au moins 57 ans ne seront pas visés par cette dégressivité de l'allocation". Cette mesure concernerait 80 000 salariés par an.
► Effets attendus : 210 millions d'euros d'économies pour l'Unédic sur trois ans.
► Date d'entrée en application : le 1er novembre 2019.
Au premier rang des mesures visant à responsabiliser les employeurs : un système de bonus-malus visant à lutter contre la précarité et l'enchaînement des CDD ou des missions d'intérim. Les contrats courts représentent près de "neuf milliards d'euros de déficit" pour l’assurage chômage, insiste Muriel Pénicaud.Le gouvernement explique ainsi la mesure : "Plus le nombre de salariés qui s'inscrivent à Pôle emploi après avoir travaillé pour une entreprise est important par rapport à son effectif, plus une entreprise paiera de cotisations patronales à l'assurance chômage. À l'inverse, plus une entreprise fera d'efforts pour réduire le nombre de personnes qui s'inscrivent à Pôle emploi (moins de fins de CDD, de fins de mission d'intérim, de licenciements, de ruptures conventionnelles), moins elle paiera de cotisations. Le dispositif ne s'appliquera dans un premier temps qu'aux entreprises de plus de 11 salariés et relevant des sept secteurs suivants :
- fabrication de denrées alimentaires, de boissons et de produits à base de tabac ;
- autres activités spécialisées, scientifiques et techniques ;
- hébergement et restauration ;
- production et distribution d'eau-assainissement, gestion des déchets de dé-pollution ;
- transports et entreposage ;
- fabrication de produits en caoutchouc et en plastique, et d'autres produits non métalliques ;
- travail du bois, industrie du papier et imprimerie.
"Nous avons tout simplement pris les sept secteurs les plus concernés par le travail précaire", commente le Premier ministre. Les cotisations varieront entre 3% et 5% de la masse salariale, en fonction de la pratique de l'entreprise.
► Date d'entrée en application : le 1er janvier 2020.
En outre, les CDD d'usage se verront appliquer une taxe forfaitaire de 10 euros. "Il s'agit d'inciter les DRH qui abusent de ces contrats à réfléchir à leur pratique, justifie Muriel Pénicaud. Nous espérons que ces entreprises proposeront plutôt des contrats d'une semaine ou d'un mois plutôt que chaque jour un contrat de quelques heures". Les employeurs de salariés intermittents ne seront pas concernés par cette mesure, mais conserveront la cotisation patronale supplémentaire de 0,5% introduite par la convention de mars 2017.
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Accompagnement du demandeur d'emploi : des moyens supplémentaires
Pour sa part, l'Etat s'engage à aider plus efficacement au retour à l'emploi. En premier lieu, lorsque le demandeur d'emploi aura reçu une proposition d'emploi stable, mais conditionnée au suivi d'une formation courte, cette formation sera systématiquement autorisée. "Il n’y aura plus de frein budgétaire à la prise d’un emploi conditionnée par une formation", promet la ministre du Travail. Dans les quatre semaines suivant l'inscription à Pôle emploi, le demandeur d'emploi aura droit à deux journées d'accompagnement intensif avec les équipes de Pôle emploi. Il est également promis aux entreprises une nouvelle offre de services de Pôle emploi, notamment un accompagnement personnalisé pour les offres d'emploi restées sans réponse plus de 30 jours. "La transformation de l'accompagnement des demandeurs d'emploi et des entreprises mobilisera 4 000 agents", annonce la ministre du Travail.
► Date d'entrée en application : le 1er janvier 2020.
Cette réforme de l'assurance chômage, décidée unilatéralement par le gouvernement, marque-t-elle la fin du paritarisme ? "Ce serait une affirmation osée, a répondu hier Edouard Philippe. Nous avons proposé l'an dernier à la négociation nationale interprofessionnelle le cadre de la réforme détaillée aujourd’hui. Nous avions donné l’objectif de 3 à 3,9 milliards d’euros, et si cet objectif était atteint, nous aurions repris les mesures décidées par les partenaires sociaux. Ce n’est que face à l’échec de la négociation collective que nous avons repris la main. Donc il ne faut pas tirer de conclusion définitive sur les conséquences pour le dialogue social et plus particulièrement le paritarisme". |
Partenaires sociaux : avis négatif unanime
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"C'est un jour funeste pour les cadres et le régime d'assurance chômage, a déploré hier François Hommeril, président de la CFE-CGC, à la sortie de l'entretien organisé entre le Premier ministre et les partenaires sociaux. À travers la dégressivité de l'allocation chômage, le gouvernement s'attaque au principe assurantiel du régime d'assurance chômage. C'est ignorer la difficulté de retrouver un emploi après un PSE, et que ce sont principalement les cadres qui participent le plus à l'équilibre du régime". "Dans cette réforme, il n'y a que des perdants, résume Yves Veyrier, secrétaire général de FO. L'échec de la négociation collective en février, c'est aujourd'hui un échec pour les droits de 300 000 à 500 000 chômeurs". Sans surprise, le président du Medef a quant à lui fustigé le dispositif du bonus-malus sur les contrats courts : "Cette mesure n'aura que peu d'effet en pratique. Les pratiques ne vont pas changer dans l'hôtellerie-restauration et pour les contrats saisonniers, ce n'est pas avec le bonus-malus que l'été durera plus longtemps", ironise Geoffroy Roux de Bezieux. La CFDT qualifie quant à elle le bonus-malus de "demi-mesure", du fait de son périmètre d'application limité à sept secteurs. Elle "exonèrera de nombreux secteurs qui pourtant recourent abusivement aux contrats de moins d’un mois, est-il commenté. Elle risque donc de n’avoir que peu d’effets sur le comportement des entreprises et leur responsabilité à agir concrètement sur la qualité des emplois". Enfin, Catherine Perret, secrétaire confédérale de la CGT, invite d'ores et déjà à la mobilisation, le 26 juin prochain, contre la réforme de l'assurance chômage : "Le gouvernement annonce des mesures très dures. Des travailleurs déjà très précaires vont perdre toute indemnité, d’autres vont voir baisser leurs droits, y compris des cadres. Les grands perdants sont les travailleurs précaires, catégorie en constante augmentation". |
Représentants du personnel
Les représentants du personnel sont des salariés élus ou désignés chargés de représenter les salariés de l’entreprise avec des missions spécifiques selon l’instance représentative du personnel (IRP) à laquelle ils appartiennent. Il y a quatre grandes IRP : les DP, le CE, CHSCT et les délégués syndicaux. Au 1er janvier 2020, l’ensemble des IRP (hormis les délégués syndicaux) devront fusionner au sein du CSE.
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