Chômage : les syndicats lancent un ultimatum au patronat pour accepter une modulation des cotisations

Chômage : les syndicats lancent un ultimatum au patronat pour accepter une modulation des cotisations

15.02.2019

Représentants du personnel

Prime de fin de CDD d'usage, davantage d'heures complémentaires pour les temps partiels même sans accord collectif, généralisation de la possibilité de remplacer plusieurs salariés absents par un seul CDD, incitation aux groupements d'employeurs : les solutions du patronat pour limiter la précarité des emplois n'ont pas convaincu les syndicats qui demandent au patronat d'accepter une modulation des cotisations d'ici mardi prochain.

Lancée en novembre 2018, la négociation sur l'assurance chômage, exigée par l'Exécutif avec un cadrage très contraignant, aurait-elle réellement commencé lors de la neuvième séance, hier ? En tout cas, elle est enfin entrée dans le vif du sujet, avec la remise par le patronat d'un premier texte global de 28 pages constituant un projet d'accord (notre document en pièce jointe).

Un dialogue de sourds

Mais l'après-midi consacrée à la seule question des contrats courts n'aura pas permis d'avancées, chaque camp restant sur ses positions. "Notre projet d'accord correspond parfaitement au document de cadrage du gouvernement", a soutenu Hubert Mongon, du Medef, qui a regretté n'avoir pu exposer l'ensemble de ses propositions sur les économies et l'indemnisation, des thèmes jugés par lui essntiels, du fait "d'un pré-requis" des OS sur la question du bonus malus.

Se sentant peut être confortés par les propos du Président de la République indiquant que l'Etat voulait mettre en place un système de bonus-malus des cotisations, les syndicats ont en effet refusé les propositions formulées sur les contrats courts par le patronat, jugées "pas à la hauteur des enjeux" (lire l'encadré). Et menacé de quitter la négociation en l'absence de nouvelles propositions patronales. Ces propositions ? "Surtout des avancées sur la flexibilité", a grincé Jean-François Foucard, de la CFE-CGC. 

 Ce ne sont pas des propositions, mais des mesurettes

 

"Ce ne sont pas des propositions, ce sont des mesurettes censées contreblancer des éléments très inquiétants sur l'indemnisation", a renchéri, lors d'une suspension de séance Denis Gravouil, de la CGT, la CFDT soulignant que la prime pour les fins de CDD d'usage avancée par le patronat ne concernerait que 10% des contrats de moins d'un mois. "La prime d'usage n'est pas chiffrée et un simple accord d'entreprise pourrait la balayer", a critiqué Michel Beaugas, de FO.

 Notre système de modulation aboutirait à seulement 17% d'entreprises avec du malus

 

 

Ce dernier a ironisé sur l'attitude patronale, qui n'a pas examiné la proposition de bonus malus de Force ouvrière sur laquelle l'Unedic avait fait des estimations chiffées selon lesquelles "seulement" 17% des entreprises auraient un malus de leurs cotisations (1). Cette solution, parce qu'elle aboutirait à des baisses de cotisations pour 82% des entreprises bénéficiant d'un bonus, ne serait pas si défavorablement vue par l'U2P et même la CPME, avance même le négociateur de Force ouvrière. 

Un ultimatum pour le 20 février

Après la suspension de séance, les représentants des employeurs ont continué à refuser d'entrer dans le schéma de bonus malus réclamé côté syndical. Tout s'est passé comme si chaque partie cherchait la bonne stratégie pour faire porter à l'autre la responsabilité de l'échec des discussions. En témoigne l'interview chez BFM TV, hier soir alors que la négociation n'était pas finie, du président du Medef, expliquant qu'il appartenait aux syndicats de décider s'ils voulaient ou non rentrer dans le sujet en négociant à partir des propositions patronales, déclaration suscitant en retour un tweet acerbe de Laurent Berger (CFDT) rappelant que c'est le patronat qui avait quitté la négociation...

Ce sont les chefs de file des organisations syndicales et patronales qui se sont rencontrés pour terminer la journée avec cette question à trancher : faut-il arrêter la négociation ? A 22h30, la journée s'est achevée par une forme d'ultimatum.

"Actuellement, la situation est bloquée et les propositions actuelles sont faibles et inconsistantes. Nous voulons un mandat clair des organisations patronales et une formalisation d'un dispositif de modulation des cotisations avant la séance du 20 février. Sinon, nous arrêterons la négociation. Et nous demanderons en urgence une réunion tripartite des partenaires sociaux au ministère du Travail", prévient Marylise Léon, de la CFDT. "La CGT a un mandat clair pour refuser toute baisse d'indemnisation des chômeurs et pour exiger une véritable lutte contre la précarité. Nous ferons tout pour combattre le contraire, qu'il s'agisse d'un mauvais accord qui serait trouvé ou d'une décision du gouvernement", a commenté Denis Gravouil, de la CGT, en pestant : "C'est n'importe quoi cette négociation !'

S'il n'y a pas une forme de bonus malus, il n'y aura pas d'accord 

 

Michel Beaugas, pour FO, a résumé : "S'il n'y a pas de bonus malus dans le projet d'accord, il n'y aura pas d'accord. Il n'est pas certain que la négociation continue -j'y crois très modérément- car le patronat peut vouloir nous faire reporter la responsabilité de l'échec, mais le blocage vient d'eux. Ils sont au pied du mur".

Eric Courpotin (CFTC) s'est interrogé : "Dans le système que nous proposons, 80% des entreprises y gagnent. Qui le patronat veut-il protéger en refusant cela ? Celles des entreprises qui abusent des contrats courts ? Il serait temps que le patronat étudie enfin nos propositions !" 

 Les conditions n'étaient pas réunies aujourd'hui pour avancer

 

Les organisations patronales vont-elles donc se retourner devant leurs comités exécutifs pour modifier leur mandat afin de négocier avec les syndicats les modalités d'une modulation des cotisations ? Ou vont-elles prendre le risque de se voir imposer un tel système par le gouvernement au risque de se retrouver avec un modèle plus rigide encore ? "Les conditions n'étaient pas réunies aujourd'hui pour avancer. Nous avons acté le principe, à confirmer par nos instances, de transmettre le 19 février une nouvelle série de propositions pouvant déboucher sur la signature d'un accord. Mais les organisations syndicales doivent aussi s'interroger sur leur position quant aux paramètres du régime", a précisé hier vers minuit Hubert Mongon (Medef) au nom des organisations patronales. Le Medef examinera cette question lundi.

Le suspense continue donc : la négociation peut-elle continuer ou le gouvernement héritera-t-il du dossier ? L'Exécutif,  qui avait mis une forte pression sur les partenaires sociaux pour accoucher d'une nouvelle convention réalisant plus d'un milliard d'euros d'économies par an afin de désendetter le régime, renforçant le suivi et le contrôle des demandeurs, réduisant la précarité au travers d'un bonus malus, saura donc lundi ou mardi prochain s'il devra présenter lui-même sa copie. Avec quelles conséquences sur l'avenir de la gestion paritaire du régime d'assurance chômage ? A suivre...

(1) Dans ce système, les entreprises ayant un taux de recours aux CDD de moins de 11% seraient gagnantes et verraient leur taux de cotisation passer de 4,05% à 3,05%, soit plus d'un million de sociétés. Inversement, 223 000 entreprises ayant un taux de recours aux CDD supérieur à 12% verraient leur cotisation augmenter de 4,05% jusqu'à un plafond de 8,30%.

 

Contrats courts : les solutions patronales 

Le projet d'accord proposé par le patronat hier précisait les propositions suivantesesquissées le 22 janvier dernier, relativement aux contrats courts :

  • Inciter à la création de groupements d'employeurs pouvant partager des emplois, via notamment une incitation fiscale par la TVA, ainsi que la possibilité de mobiliser l'activité partielle pour les salariés de ces groupements en cas de manque d'activité;
  • Elargir la possibilité de faire appel à un salarié temporaire pour une mission de + de 3 mois lorsque le salarié dispose d'un CDI avec l'entreprise de travail temporaire;
  • Prime de fin de CDD d'usage pour le salarié ayant eu au moins 4 CDD dans les 6 derniers mois;
  • Etendre l'obligation d'information sur les emplois vacants à tous les salariés à contrat court;
  • Généralier à tous les secteurs la règle permettant de conclure un seul CDD pour remplacer plusieurs salariés absents, une innovation de la loi Avenir professionnel mais limitée à certains secteurs. Cette généralisation serait de nature, selon le patronat, "d'éviter la multiplication du nombre de CDD de courte durée pour remplacement et de favoriser la sécurisation et l'allongement de la durée d'emploi des salariés titulaires de CDD de remplacement";
  • Rendre possible, même en l'absence d'accord d'entreprise ou de branche, mais avec l'accord du salarié, de relever le nombre d'heures complémentaires (heures supplémentaires pour les temps partiels) des salariés à temps partiels "en fonction des besoins";

  • Pour le calcul de l'ancienneté dans l'entreprise, tenir compte des périodes de travail discontinues accomplies antérieurement en CDD, dès lors que le salarié a bénéficié d'au moins 4 CDD dans les 6 mois précédant son embauche;

  • Faire bénéficier tous les salariés, quelle que soit la durée de leur contrat, d'une couverture complémentaire santé, avec prise en charge par l'employeur à hauteur de 50%.

 

Représentants du personnel

Les représentants du personnel sont des salariés élus ou désignés chargés de représenter les salariés de l’entreprise avec des missions spécifiques selon l’instance représentative du personnel (IRP) à laquelle ils appartiennent. Il y a quatre grandes IRP : les DP, le CE, CHSCT et les délégués syndicaux.  Au 1er janvier 2020, l’ensemble des IRP (hormis les délégués syndicaux) devront fusionner au sein du CSE.

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Bernard Domergue
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