Christelle Dubos, une CESF au ministère des solidarités

Christelle Dubos, une CESF au ministère des solidarités

30.10.2018

Action sociale

Comment une conseillère en économie sociale familiale (CESF) est-elle parvenue à être nommée, à 42 ans, au ministère des solidarités ? Pour son premier entretien en tant que secrétaire d’Etat, Christelle Dubos revient, pour tsa, sur son parcours de travailleuse sociale, puis d’élue. Aux côtés de la ministre Agnès Buzyn, elle aspire à de la transversalité.

tsa : Dans vos biographies, il n’est question que de votre diplôme de « travailleur social ». Quelle a donc été votre formation précise ?

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Christelle Dubos : J’ai suivi la formation de conseillère en économie sociale et familiale (CESF), en lycée à Bordeaux. Assistante sociale ou éducateur, les gens savent ce que c’est. Conseillère ESF cela reste un peu particulier, et j’utilise donc ce terme générique de « travailleur social »…

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Quel a été votre parcours professionnel ?

Il est un peu particulier : tous les trois ou quatre ans, j’ai changé de lieu de travail ! Je suis allée là où je ne connaissais pas… Arriver avec un regard neutre et neuf m’a permis d’aller au fond des dossiers et d’en avoir une vision large.

La première année, j’ai été professeure vacataire en zone d’éducation prioritaire, près de Bordeaux, en section d’enseignement général et professionnel adapté (Segpa). J’ai apporté mon expertise sociale pour intégrer les enfants et valoriser leur travail quotidien.

Puis ma première expérience de travailleuse sociale a été avec des gens du voyage. Pendant quatre ans dans l’agglomération bordelaise, j’ai accompagné vers le droit commun une population sédentarisée et très fragilisée, vers l’accès au RMI, au logement, à la scolarisation.

J’ai alors été reçue au concours de la fonction publique, en catégorie B, comme assistante socio-éducative. J’ai travaillé pour le Fonds de solidarité logement, pour le département de la Gironde. Puis j’ai été recrutée par le centre communal d’action sociale (CCAS) de Bassens pour faire de la polyvalence de secteur, notamment avec un public âgé et handicapé.

Je me suis alors rendu compte que je travaillais avec beaucoup de personnes sous mesure de protection judiciaire. Comme je ne connaissais pas, je suis allée travailler, pendant deux ans, comme déléguée à la tutelle dans une association. Celle-ci n’intervenait pas seulement sur la gestion budgétaire, mais aussi pour l’intégration des personnes dans la société, c’était important pour moi.

 

D'autres expériences encore ?

J’ai été recrutée en 2007 pour créer un centre intercommunal d’action sociale (CIAS), non seulement pour la gestion administrative et la concertation avec les CCAS existants, mais aussi pour l’accompagnement des bénéficiaires du RSA et leur intégration.

Enfin de 2011 à 2017, j’ai été directrice du service emploi dans une autre communauté de communes proche de Bordeaux, pour accompagner les demandeurs d’emploi. J’y ai développé du travail collectif, notamment avec le Pôle emploi, des chefs d’entreprise, et aussi par exemple avec des ateliers de théâtre ou de la sophrologie. On est trop souvent sur de l’accompagnement individuel, avec ces personnes qui se sentent souvent isolées… Se retrouver avec d’autres personnes dans la même situation peut créer du lien, rendre plus fort. Un autre aspect innovant était qu’une chargée de relations avec les entreprises aidait au recrutement de ces personnes et les accompagnait vers le travail. 

 

Dans toute cette carrière, vous diriez que vous avez été CESF avant tout ou travailleuse sociale ?

Pour un CESF, travailler le collectif est important. Et tout au long de mon parcours, quand je suis rentrée dans des accompagnements individuels, j’y ai tout de suite apporté du collectif, non seulement par le travail en équipe, mais aussi pour sortir le bénéficiaire de son quotidien.

Mais évidemment, tout accompagnement relève du travail social, dans sa globalité. Et pour moi travailler avec des éducateurs ou des assistants sociaux a toujours été un enrichissement. Chacun a sa spécificité, et il est important d’avoir ces regards croisés. Je me suis toujours efforcée de partager les informations avec l’ensemble de ces acteurs. Ce partage peut être compliqué, suivant les interlocuteurs, en raison du secret professionnel. Et il est vrai que nous, conseillers en ESF, sommes parfois considérés comme « un peu moins » travailleurs sociaux - c’est une réalité ! L’objectif est pourtant que la personne accompagnée ait accès à toutes les possibilités offertes par les différents partenaires.

 

Comment êtes-vous donc entrée en politique ?

On est venu me chercher, pour les municipales de 2014, du fait de mes engagements en tant que parent d’élèves, pour rejoindre une liste sans étiquette. J’ai ainsi été adjointe au maire de ma commune, en charge du CCAS, en lien avec mes compétences sociales. 

Puis j’ai fait la campagne présidentielle d’Emmanuel Macron. Après les municipales, cela m’a fait écho de découvrir son programme, ni de droite ni de gauche, avec une valeur travail prédominante et transversale. Pour moi, créer de la richesse pour pouvoir la redistribuer est tout à fait logique. Il y a des personnes en difficulté, qu’il faut accompagner, et dont il faut subvenir aux besoins, mais aussi un panel de personnes à accompagner vers l’emploi.

Je me suis donc lancée dans la campagne présidentielle. Puis j’ai accepté, après réflexion, d’être investie pour les élections législatives.

 

Et après votre passage à l’Assemblée, qu’est-ce qu’une travailleuse sociale comme vous entend, à présent, apporter au ministère ?

Tout mon regard sur les solidarités. Dans un premier temps, je m’octroie le temps d’avoir une vision très large des champs du ministère. Nous avons la volonté d’arrêter les silos. Il ne faut pas que je me cantonne aux solidarités et Madame Buzyn à la santé. Ces champs se recoupent. La transversalité, je l’ai toujours eu dans le cadre de mon travail, et je souhaite continuer à l’avoir.

 

Vous n’aurez donc pas de dossier attitré ?

Si ! Pour le moment je suis une des seuls secrétaires d’Etat à ne pas avoir de feuille de route, mais j’en aurai prochainement. Et il y a des sujets que je maîtrise moins, et sur lesquels Agnès Buzyn est entièrement compétente… Mais il est intéressant d’avoir nos regards croisés sur les solidarités et la santé. Nous allons d’ailleurs mutualiser nos conseillers techniques. Ils sont en train de délimiter leurs champs de compétences respectifs, sur lesquels ils pourront travailler avec Agnès Buzyn aussi bien qu’avec moi. On évitera ainsi les doublons.

 

Lors de la présentation de la stratégie de lutte contre la pauvreté, en septembre, il a été question de rénover les pratiques du travail social… Quelles sont donc vos intentions ?

Nous avons un délégué interministériel à la lutte contre la pauvreté, Olivier Noblecourt, qui mène un travail d’expertise et de concertation hautement important. J’ai moi-même un regard sur la formation professionnelle, du fait de mon expérience, et il en a un également. L’objectif est de croiser les regards pour répondre vraiment aux besoins. Dès la semaine prochaine j’aurai des rendez-vous avec l’ensemble des représentants des travailleurs sociaux. Le travail sera fait en concertation.

 

Emmanuel Macron a aussi évoqué le projet d’un revenu universel d’activité, qui serait conditionné à l’acceptation d’un parcours d’insertion… En sait-on plus désormais ? 

Ce sont des pistes de réflexion, qui ne sont pas encore actées. Mais au-delà des aspects financiers, reprendre un travail apporte un statut dans la société : cela ne peut être que bénéfique. Quelle personne ne veut pas aller travailler ?

 

Olivier Bonnin
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