CHSCT : doit-on appliquer les nouvelles règles de contestation aux expertises en cours ?

CHSCT : doit-on appliquer les nouvelles règles de contestation aux expertises en cours ?

29.08.2016

Représentants du personnel

La toute nouvelle procédure de contestation des expertises CHSCT s'impose-t-elle aux délibérations adoptées par les élus avant le 10 août dernier, date d'entrée en vigueur de la loi Travail ? Notre réponse.

La semaine dernière, une étudiante en droit a sollicité la rédaction sur notre compte Twitter (@actuel_ce) à propos de la mise en oeuvre de la loi Travail du 8 août 2016 :

"La nouvelle rédaction de l'article L. 4614-13 du code du travail s'applique-t-elle aux expertises décidées par les membres du CHSCT avant l'entrée en vigueur de la loi Travail ?"

 

Cette question étant particulièrement d'actualité et susceptible d'intéresser l'ensemble de nos lecteurs, voici notre réponse.

En cas d'annulation, l'expert doit maintenant rembourser

Pour rappel, le code du travail accorde aux membres du CHSCT le droit se faire assister, au frais de l'employeur, par un expert agréé lorsqu'il existe un risque grave ou un projet important modifiant les conditions de santé, de sécurité, ou les conditions de travail. Ce principe demeure inchangé.

Ce dont se plaignaient jusqu'ici les entreprises c'était de devoir payer l'expert, y compris lorsque la délibération du CHSCT engageant l'expertise était annulée en justice (du fait de la combinaison de l'absence d'effet suspensif du recours et de l'absence de délai d'examen imposé au juge). Autrement dit la direction, même lorsqu'elle obtenait gain de cause, restait tenue de payer l'expert pour le travail accompli. C'est au regard de cette situation qu'en novembre 2015 le Conseil Constitutionnel a décidé de censurer partiellement l'article L. 4614-13 du code du travail. Les Sages avaient alors décidé de reporter l'abrogation de cet article au 1er janvier 2017, pour ne pas priver les élus du recours à l'expertise et laisser au gouvernement de revoir sa copie.

C'est tout l'objet de l'article 31 de la loi Travail. Désormais, l'employeur qui souhaite contester "la nécessité de l'expertise, la désignation de l'expert, le coût prévisionnel de l'expertise tel qu'il ressort, le cas échéant, du devis, l'étendue ou le délai de l'expertise" doit saisir le juge judiciaire dans un délai de 15 jours à compter de la délibération du CHSCT. Le juge a alors 10 jours pour statuer en la forme des référés en premier et dernier ressort, ce qui signifie que la contestation de la décision du juge doit se faire directement auprès de la Cour de cassation. La saisine du juge suspend la réalisation de l'expertise ainsi que la consultation du CHSCT "jusqu'à la notification du jugement" (cette suspension concerne aussi la consultation du CE lorsque ce dernier est consulté sur le même projet que le CHSCT). Si la décision du CHSCT est définitivement annulée par les juges, la nouvelle rédaction du code du travail oblige l'expert à rembourser à l'employeur les sommes perçues.

C'est la délibération qui déclenche la procédure

Cette toute nouvelle procédure s'applique-t-elle aux expertises actuellement en cours et déclenchée par une délibération du CHSCT antérieure au 10 août, date d'entrée en vigueur de la loi Travail ? À notre sens, non. "Ces dispositions s'appliqueront aux expertises résultant de décisions du CHSCT adoptées après l'entrée en vigueur" de la loi, prévoyait d'abord l'étude d'impact du ministère du Travail en vue du débat parlementaire. En outre, appliquer la nouvelle procédure de contestation aux expertises en cours au 10 août n'aurait pas de sens en pratique. Le délai de 15 jours accordé à l'employeur pour contester l'expertise étant calculé à compter du jour de la délibération des élus, dans le cas d'une délibération adoptée par exemple le 15 juillet, soit près d'un mois avant le 10 août, l'application du nouveau texte reviendrait à priver l'employeur de toute capacité d'action en justice !

Cas n°1 :

Quid de la contestation du coût définitif de l'expertise ?

En revanche, la loi El Khomri introduit un tout nouvel article L. 4614-13-1 du code du travail dans le cas où l'employeur ne conteste pas le bien-fondé de la délibération du CHSCT ou ses conditions, mais la facture définitive. Dans ce cas, il est prévu que "peut contester le coût final de l'expertise devant le juge judiciaire, dans un délai de quinze jours à compter de la date à laquelle l'employeur a été informé de ce coût".

Prenons justement le cas d'une expertise décidée fin juillet par un CHSCT. L'employeur ne conteste pas la délibération mais reçoit le 20 août, soit après la date d'entrée en vigueur de la loi Travail, le coût définitive de l'expertise.

Cas n°2 :

Faut-il alors rester sur l'application des anciennes dispositions qui laissaient cinq ans à l'employeur pour agir en justice ou au contraire appliquer immédiatement le nouveau délai réduit de 15 jours ? Dans un tel cas, la nouvelle disposition étant autonome et d'application immédiate, il n'est pas exclu que l'employeur doive agir rapidement s'il veut que sa contestation soit recevable devant le juge.

Représentants du personnel

Les représentants du personnel sont des salariés élus ou désignés chargés de représenter les salariés de l’entreprise avec des missions spécifiques selon l’instance représentative du personnel (IRP) à laquelle ils appartiennent. Il y a quatre grandes IRP : les DP, le CE, CHSCT et les délégués syndicaux.  Au 1er janvier 2020, l’ensemble des IRP (hormis les délégués syndicaux) devront fusionner au sein du CSE.

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Julien François
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