"Cinq ans après #metoo, la tolérance zéro se met progressivement en place"

"Cinq ans après #metoo, la tolérance zéro se met progressivement en place"

12.10.2022

Gestion du personnel

À l’occasion des cinq ans du mouvement #metoo, Camy Puech, fondateur et CEO de Qualisocial, un cabinet spécialisé dans la prévention des risques psychosociaux, revient sur le harcèlement sexuel et les agissements sexistes au travail. Si les entreprises disposent de nombreux outils juridiques, elles peinent encore à mettre en place des actions préventives pour enrayer le phénomène.

Cinq ans après la vague #metoo, quel bilan dressez-vous de la lutte contre les actes sexistes et le harcèlement sexuel dans les entreprises ?

Gestion du personnel

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

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Les DRH redoutent le risque médiatique, la désorganisation du collectif de travail et la mise en cause de la responsabilité juridique de l’employeur 

Le bilan est à la fois positif et négatif. Positif parce que la parole se libère : depuis le mouvement #metoo et plus encore depuis la fin du confinement, nous avons deux à trois fois plus de situations de harcèlement signalées. La législation a également évolué. Lors de ces 15 dernières années, le harcèlement sexuel est passé d’un sujet quasi "inexistant" à un sujet reconnu juridiquement. La loi du 3 août 2018, dite loi "Schiappa", la loi Avenir professionnel de 2018 et plus récemment la loi Santé au travail du 2 août 2021 ont contribué à cette avancée. Les DRH sont sensibilisés à ce sujet et disposent désormais d’outils pour lutter contre ces comportements.

Car, au-delà des prud’hommes, les DRH redoutent le risque médiatique, la désorganisation du collectif de travail et la mise en cause de la responsabilité juridique de l’employeur. La tolérance zéro se met donc progressivement en place. Même si la situation est plus chaotique dans les PME/TPE.

Mais parallèlement, on peut regretter que seule une entreprise sur huit a mis en place des mesures adéquates pour prévenir le harcèlement sexuel, selon notre enquête. Autre point noir : la plupart des salariés, y compris des managers, peinent à identifier les situations relevant du harcèlement sexuel. Ils ne font pas encore le lien entre le harcèlement sexuel et le sexisme ordinaire qui a encore cours dans les entreprises.

Résultat ? Selon notre enquête, 50 % des salariés ont été témoins de harcèlement sexuel au travail (sexisme, remarques déplacées, envoie de photos/vidéos pornographiques, attouchement.). Une proportion qui monte à 65 % pour les moins de 35 ans et à 51 % pour les femmes (contre 49 % pour hommes).

Pour les entreprises pionnières, quelles mesures ont été mises en place ?

L’employeur ne se défausse pas, y compris lorsqu’il s’agit d’un dirigeant. Une situation impensable il y a quelques années. 

Elles sont de trois ordres. Tout d’abord, les entreprises ont organisé des campagnes de sensibilisation (avec des panneaux d’affichage sur les règles à connaître), accompagnées de colloques et de webinaires sur ce sujet. Elles ont également développé des dispositifs de signalements externes (avec des organismes extérieurs comme le nôtre, par exemple) pour permettre aux victimes d’être accompagnées, à la fois pour caractériser la situation de harcèlement sexuel ou pour les aider à effectuer un signalement auprès du DRH, sous couvert d’anonymat.

Enfin, les entreprises n’hésitent pas à sanctionner les auteurs de ces délits, quelle que soit leur place dans la hiérarchie. Chaque signalement fait, en effet, l’objet d’une enquête approfondie, menée en interne par les services RH qui peuvent y associer les référents harcèlement.

Et chaque cas avéré entraîne une sanction. Laquelle peut aller jusqu’au licenciement. L’employeur ne se défausse pas, y compris lorsqu’il s’agit d’un dirigeant. Une situation impensable il y a quelques années.

Qui sont les interlocuteurs privilégiés ? Les services RH ? Le CSE ?

29 % des victimes de harcèlement au travail évoquent leur situation auprès d’un représentant de l’employeur 

Le service RH est bien évidemment informé très vite. Selon l’enquête, 29 % des victimes de harcèlement au travail évoquent leur situation auprès d’un représentant de l’employeur (supérieur, DRH). Mais la confiance envers ces services est à géométrie variable, en fonction de la culture de l’entreprise. Par conséquent, de nombreux salariés préfèrent alerter le CSE. Lequel peut contacter l’Inspection du travail s’il constate que l’employeur n’a pas respecté son obligation de sécurité au sein de l’entreprise. Toujours selon l’enquête, 26 % des victimes ont ainsi averti une instance de protection (syndicats, inspection du travail).

Le référent sexuel, dont le rôle n’est pas défini par la loi, a-t-il trouvé sa place au sein des organisations ?

L'État doit donner un rôle clair et accessible pour les référents harcèlement

La situation est là encore à géométrie variable en fonction des organisations, de leur culture et des personnes désignées. Il convient tout d'abord de désigner une personne du CSE (pour toutes les entreprises ayant un CSE) et une personne de la direction (dès lors que l'on dépasse 250 salariés). Le sujet est sensible et tous les CSE et les directions ne disposent pas d'une personne qui a des prédispositions nécessaires à traiter le sujet. Ensuite les compétences ne s'acquièrent pas en quelques jours de formation. Enfin, la neutralité et l'extériorité est impossible en interne.

Il convient à chaque organisation de définir le rôle du référent car la loi ne le fait pas: sensibiliser le collectif et éduquer aux différentes formes de signalement ; accueillir la souffrance des victimes ; recueillir et caractériser les faits de harcèlement ; réaliser des enquêtes et interviewer les salariés témoins, les salariés mis en cause, victimes; rendre des décisions pour que la situation s'arrête et ne se reproduise pas.

Aujourd'hui, je pense que l'État a un effort à faire sur ce sujet et doit donner un rôle clair et accessible pour les référents harcèlements. Selon moi, il devrait être de sensibiliser les collectifs et les individus sur les comportements constitutifs d'un harcèlement, accueillir la souffrance et l'orienter vers les dispositifs d'accompagnement compétents.

Quelles sont les sanctions prononcées à l’encontre des auteurs de harcèlement sexuel ou d'agissements sexistes ?

Les employeurs n’hésitent pas à décider d'une mutation pour le harceleur ou d'un licenciement 

Si ce type de comportement donnait lieu, il y a quelques années, à un avertissement, suivi le plus souvent d’une formation voire d’un coaching, ce n’est plus le cas aujourd’hui. De même, la rupture conventionnelle, proposée à la victime, pour étouffer l’affaire, devient de plus en plus rare…

Ce type de réactions est jugé largement insuffisante et surtout inadmissible par rapport au préjudice subi. Lorsque les situations sont avérées, les employeurs n’hésitent pas à décider d'une mutation pour le harceleur (qui va souvent de paire avec la perte de son rôle managérial) ou d'un licenciement.

Que reste-t-il ce à faire ?

En sus des différentes lois en la matière, on peut imaginer que le gouvernement aille un cran plus loin, par exemple, avec la mise en place d’un dispositif de signalement externe que tout salarié pourrait saisir tout en bénéficiant de la protection du lanceur d’alerte. Ce signalement serait alors transmis à l’entreprise et celle-ci n’aurait pas d'autre choix que de diligenter une enquête interne. Cette méthode est connue et fonctionne bien, elle doit aujourd’hui être systématisée à l’ensemble des entreprises, en cas de doute avéré.

Anne Bariet
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