Comment on fabrique du pessimisme en France

Comment on fabrique du pessimisme en France

07.11.2018

Action sociale

Le très officiel conseil d'analyse économique (CAE) s'interroge sur les raisons d'un plus fort pessimisme de la population française par rapport aux voisins occidentaux. Le CAE montre que cette situation trouve ses racines dans le fonctionnement du système scolaire qui développe les compétences académiques et accorde peu d'importance à la coopération et l'estime de soi.

Régulièrement, le classement des nations riches sur leurs résultats scolaires à travers le système Pisa (Programme international pour le suivi des acquis des élèves) place la France dans une mauvaise position. Dans sa note d'octobre "Confiance, coopération et autonomie : pour une école du XXIe siècle", le conseil d'analyse économique revient sur ce constat d'une inadaptation de notre système scolaire. L'effort budgétaire n'est pas en cause, explique le CAE, car notre pays consacre 5,3 % de son PIB à l'éducation quand les pays européens y mettent en moyenne 4,9 % de leur richesse nationale.

Apprendre à apprendre

Le document du conseil d'analyse économique s'arrête donc sur la compétence "apprendre à apprendre" centrale pour les professionnels de l'éducation. "Cette capacité d'apprentissage est décrite comme reposant sur l'autodiscipline, l'autonomie, la capacité de l'individu à surmonter les obstacles, une étude positive orientée vers la résolution des problèmes, ainsi que la capacité à travailler en équipe."  Le CAE désigne cela par le terme de "compétences socio-comportementales".

Action sociale

L'action sociale permet le maintien d'une cohésion sociale grâce à des dispositifs législatifs et règlementaires.

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Climat de méfiance

Les études internationales montrent justement que les étudiants français présentent un fort déficit de compétences socio-comportementales. Ils sont plus anxieux que leurs homologues des pays de l'OCDE. Ils sont également moins persévérants et présentent une moindre efficacité dans la résolution des problèmes. Cette situation est due en partie à la faiblesse du sens collectif dans le système français où règne un climat de méfiance : "Plus de la moitié des élèves français considèrent que leur enseignant ne leur donne jamais ou quelquefois la possibilité d'exprimer leur opinion en cours." Cette faiblesse des compétences socio-comportementales est particulièrement frappante chez les filles qui présentent un sentiment d'anxiété dix fois plus élevé que chez les garçons.

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Des adultes peu optimistes

Cette faiblesse éducative française se retrouve à tous les âges parmi la population. Le CAE relève que "les adultes français se caractérisent par une plus grande défiance, un moindre optimisme, le sentiment que les événements qui leur arrivent ne dépendent que peu de leurs actions et enfin par des valeurs davantage tournées vers la sécurité que vers l'innovation."

Des expériences au Canada, aux Etats-Unis...

L'étude cite plusieurs études internationales qui montrent l'importance de ces compétences socio-comportementales. Par exemple, à Montréal, un programme centré sur la coopération et l'autorégulation a permis à des enfants de mieux réussir au baccalauréat (plus de 20 points par rapport à ceux qui ne l'ont pas suivi) et d'avoir moins de problèmes avec la justice (écart de 10 %).

Le CAE cite une intéressante expérience menée à Chicago auprès des adolescents en risque de décrochage. Ils ont pu bénéficier de séances thérapeutiques en petits groupes suivies de séances de sport. Résultat : une forte augmentation du taux de réussite aux examens. Même si le coût par jeune est élevé (1 200 dollars), le bénéfice pour la société est lui aussi élevé : pour un dollar investi, il est de 30 dollars en raison de la diminution de la criminalité.

... et en France

La France a également mis en place certaines expérimentations intéressantes. Conduit dans une centaine de collèges, un programme visait à développer le sentiment d'efficacité, à diminuer le fatalisme scolaire et à accroître la réussite des élèves défavorisés. Là encore, des résultats positifs ont été observés avec une réduction de l'absentéisme et une augmentation des notes des filles.

Savoir se présenter et avoir confiance en soi

Beaucoup de choses se jouent à l'enfance, mais il est toujours possible d'intervenir auprès des jeunes adultes. Car, explique le CAE, "les compétences socio-comportementales sont au moins aussi déterminantes que les compétences cognitives pour le devenir professionnel, la santé et la criminalité." Pour les publics les plus en difficulté - les Neet (ni en emploi, ni en étude, ni en formation) -, il apparaît primordial de développer les compétences socio-comportementales. "Etre autonome, se fixer des objectifs, arriver à l'heure à un rendez-vous et éviter la procrastination, disposer de compétences sociales et savoir se présenter et avoir confiance en soi sont autant de compétences essentielles pour se réinsérer sur le marché du travail et dans la société", explique le CAE. L'étude cite des expériences comme les établissements pour l'insertion dans l'emploi (Epide) et les écoles de la seconde chance en demandant que soit réalisée une évaluation rigoureuse de leur travail.

Des services civiques comme mentors

Le CAE propose enfin des pistes pour mobiliser les pairs et les parents aussi bien dans le cadre scolaire que dans les missions locales. Il n'est pas favorable à l'intervention dans les établissements en difficulté de mentors ultra-brillants suite à une expérience. "Côtoyer des élèves brillants a vraisemblablement eu un effet décourageant sur les élèves qui n'étaient pas eux-mêmes particulièrement à l'aise scolairement", estime la note. Elle propose de s'appuyer sur des services civiques qui après formation pourraient jouer ce rôle de mentor dans les collèges d'éducation prioritaire. 

Noël Bouttier
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