Congé parental : cherchez les pères !

Congé parental : cherchez les pères !

08.09.2016

Représentants du personnel

Inciter les pères à s'absenter du travail pour élever leur enfant : c'est l'objet de la réforme du congé parental. Celle-ci porte très légèrement ses fruits : la part d'hommes prenant ce congé a progressé en 2015. Mais les pères restent très peu nombreux à le faire et le nombre de congés parentaux continue de baisser. Ce qui suscite les critiques de FO et les propositions de la CFTC.

Le congé parental est ouvert à tout salarié, père ou mère d'un enfant, ayant au moins un an d'ancienneté dans l'entreprise (art. L.1225-57 du code du travail). Il lui permet de bénéficier d'un congé ou d'une réduction du temps de travail afin de s'occuper de son enfant de moins de 3 ans (ou 16 ans en cas d'adoption). En 2014, le gouvernement estime que ce congé est trop peu demandé par les pères. Il souhaite donc inciter les pères à prendre une partie du congé parental pour élever leur enfant, afin "d'accroître le niveau d'emploi des femmes" et de "favoriser le partage des responsabilités parentales". Il opère donc, par la loi du 4 août 2014, une réforme du congé parental. Ou plutôt une réforme de la durée de son financement, assurée par la prestation partagée d'éducation de l'enfant (PreparE) qui succède, pour les enfants nés à partir du 1er janvier 2015, au  complément de libre choix d'activité (CLCA). Un couple ayant un enfant a désormais droit à 12 mois de congé parental, mais à condition que le second parent prenne la moitié de ce congé, soit 6 mois. A partir de deux enfants, le congé parental reste de 3 ans mais à la condition qu'au moins 6 mois soient, là aussi, pris par le second parent. En cas de naissance de triplés, le congé est versé 48 mois maximum par parent, dans la limite des 6 ans des enfants. 

Davantage de pères, mais si peu nombreux

Ces changements ont-ils produit sur les comportements les effets escomptés par les pouvoirs publics ? Des chiffres publiés début septembre par la lettre de l'Observatoire national de la petite enfance, piloté par la caisse nationale des allocations familiales (CNAF), permettent une première réponse. Nuancée toutefois par la CNAV car les chiffres sur 2015 mêlent ancienne et nouvelle prestation : "Il faudra attendre véritablement avril 2017 pour avoir une idée d'ensemble des effets de cette réforme, lorsqu'une plus grande partie des enfants seront passés sous le nouveau régime de la PreparE". Les chiffres de 2015 montrent toutefois une augmentation, spectaculaire en pourcentage (52% par rapport à 2014) mais faible en volume (1 480 pères en 2015, contre 970 en 2014), du nombre de pères d'enfants de moins de 3 ans couverts par le CLCA ou le PreparE. La part des pères couverts par ces prestations correspondant à un congé parental est donc passé de 3,3% en 2014 à 5,1% en 2015. Autrement dit, ce sont toujours les mères qui utilisent quasi-exclusivement le congé parental.

Représentants du personnel

Les représentants du personnel sont des salariés élus ou désignés chargés de représenter les salariés de l’entreprise avec des missions spécifiques selon l’instance représentative du personnel (IRP) à laquelle ils appartiennent. Il y a quatre grandes IRP : les DP, le CE, CHSCT et les délégués syndicaux.  Au 1er janvier 2020, l’ensemble des IRP (hormis les délégués syndicaux) devront fusionner au sein du CSE.

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Une accélération de la baisse du recours au congé parental

Cette augmentation va de pair avec une nouvelle baisse globale du recours par les salariés au congé parental : il n'y a plus que 455 000 familles couvertes par une prestation CLCA ou PreparE en 2015, soit 7,6% de moins qu'en 2014. Faut-il y voir l'effet négatif de la réforme de 2014, sachant que ce recul est encore plus marqué que les années précédentes ? La CNAV reste prudente en soulignant que cette baisse s'observe depuis 2008. En l'absence d'études précises sur le sujet, les facteurs d'explications donnés par la CNAV tiennent à la baisse démographique (moins d'enfants), aux difficultés financières de familles n'ayant qu'un salaire mais aussi à une évolution de comportement des mères, moins enclines qu'auparavant à cesser leur travail pour garder leur enfant à domicile.

Pour FO, la réforme accentue les inégalités professionnelles

Pour le syndicat Force Ouvrière, au contraire, "cette réforme visait surtout à faire des économies" et ces premiers chiffres l'illustrent. "Faute d'allocation suffisante, les couples ne peuvent pas se permettre de laisser celui qui gagne le plus s'arrêter, et c'est le plus souvent le père. Le congé est alors soit écourté doit poursuivi sans allocations", estime le syndicat qui pointe la conséquence pour les femmes qui optent parfois pour le temps partiel : "Les travailleuses étant majoritairement concernées, elles sont davantage coupées du travail, accentuant encore les inégalités professionnelles".

La CFTC propose un congé parental "sécable jusqu'aux 16 ans de l'enfant"

Pascale Coton, de la CFTC, estime également que ces résultats étaient prévisibles : "Les 6 mois de congés parental non pris par le père sont perdus pour l'enfant ! (..) Je rencontre beaucoup de jeunes mères qui n'ont pas réussi à inscrire leur enfant de 2 ans en crèche ou à l'école et qui ne peuvent pas chercher de travail faute de mode de garde".

La CFTC préconise de laisser la liberté aux femmes de prendre 3 ans de congé parental, mais en permettant de prendre en plusieurs périodes ce congé, jusqu'aux 16 ans de l'enfant. Pour Pascale Coton, "cela permettrait notamment aux parents de mieux suivre l'adolescence de leur enfant, qui est une période difficile quand on voit le nombre de tentatives de suicide à cet âge".

Bernard Domergue
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